carte blanche

Une alternative à l'OTAN n'est tout simplement pas possible

Institut Egmont - VUB

Par Alexander Mattelaer | Directeur des Affaires européennes à l’Institut Egmont et professeur de politique internationale à la VUB.

L’OTAN commence cette semaine son épreuve du feu visant à démontrer une nouvelle fois sa légitimité. Le nouveau ministre américain de la Défense, James Mattis, rencontre aujourd’hui ses collègues de l'OTAN tandis que le vice-président Mike Pence est invité à la conférence sur la sécurité à Munich commençant le vendredi. Ensuite Pence se rendra à Bruxelles pour y rencontrer, entre autres, le premier ministre Charles Michel ce dimanche. Cette entrevue donnera le coup d'envoi à la préparation du sommet de l'OTAN pour l'inauguration du nouveau siège de l’organisation à Evere, le 25 mai. Pourquoi toute cette agitation diplomatique alors que le président Trump a maintes fois qualifié l’organisation d’obsolète ?

La paix en Europe n'est plus une évidence

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En dépit de tous les doutes qu’elle suscite et des critiques qu’elle essuie, l'Alliance transatlantique est pourtant plus légitime que jamais. La paix en Europe n’est en effet plus une évidence et son maintien constitue aujourd’hui une préoccupation partagée de part et d’autre de l'Atlantique. Pour garder l'Alliance en place, il apparaît cependant inévitable de répartir les coûts militaires plus équitablement.

La politique américaine le montre bien, les Etats-Unis perdent patience face à des Alliés qui persistent à contribuer de manière insuffisante à la défense commune. Par conséquent, ces mêmes Alliés - dont la Belgique – ont tout intérêt à montrer leur engagement afin de perpétuer l'alliance, et cela moins par sympathie pour la politique de Trump que pour les coûts encore plus importants que risquerait d’entraîner une sécurité européenne sans soutien américain.

Sombres nuages

Au cours des dernières années, de sombres nuages géopolitiques se sont amoncelés autour du continent européen. La Russie a redessiné la carte de l’Ukraine par la force militaire, et les sanctions économiques n’ont pas empêché Moscou de se poser en adversaire tenace de l'unité européenne. Divers pays d’Europe du Nord et d’Europe Centrale craignent aussi d’être la prochaine cible d’agressions.

En parallèle, la guerre multi-acteurs qui fait rage au Moyen-Orient – insatiablement attisée par la Russie – a causé un flux presque intarissable de réfugiés en Europe. Par ailleurs, plusieurs pays sont aux prises d’une menace terroriste qui s’est profondément ancrée dans leur propre société. Le véritable centre de gravité du monde occidental - la cohésion de tous les États qui croient en la coopération internationale – subit donc une pression croissante.

Les États-Unis portent la charge la plus lourde de la défense européenne.

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Depuis 2014, l'OTAN se réinvente. Ce dernier quart de siècle, elle a principalement fonctionné comme une organisation internationale de gestion militaire de crises. Aujourd’hui, de façon inattendue, l’Alliance remet la défense territoriale au cœur de ses missions. Lors du sommet de Varsovie l'été dernier, les Alliés ont convenus le déploiement d’unités multinationales sur une base tournante dans les États géographiquement les plus vulnérables. Des soldats belges sont donc partis récemment pour la Lituanie avec des collègues de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Norvège. Leur présence est destinée à dissuader l'agression russe.

Si des incidents devaient se produire, l’ensemble de l'OTAN serait impliqué. En cas de guerre, on compte surtout sur les États-Unis, qui garantissent la sécurité européenne depuis des années grâce à un solide arsenal conventionnel et nucléaire. Les États-Unis portent ainsi la charge la plus lourde de la défense européenne, alors qu’ils peuvent également être amenés à s’acquitter d’autres obligations conventionnelles en Asie.

Les belles promesses du plan Vandeput

Assurer sa défense nécessite des ressources financières et de l'engagement politique. Voilà pourquoi les Américains voient d’un très mauvais œil le fait que les Européens demandent systématiquement l’aide de Washington après avoir réduit leur propre dispositif de défense pendant des années. La Belgique en est malheureusement un exemple frappant. Dès 2014, nous nous engagions formellement à ne pas réduire davantage le budget de la Défense après quelques trente années d'économies.

Mais année après année, le gouvernement agit à l’inverse et compromet davantage la sécurité de la prochaine génération. Pendant ce temps, nous devons emprunter des gilets pare-balles aux Américains afin d'équiper correctement nos soldats dans la capitale. Même les belles promesses du plan Vandeput – dont la facture est, il va sans dire, reportée au prochain gouvernement - ont à nouveau été mises à mal par la réforme des pensions militaires. En fait, nos forces armées sont tout aussi bien préparées pour une prochaine guerre que ce fut le cas en 1914 et en 1940 : sans changement de cap, une autre catastrophe nationale est inéluctable.

Notre dépendance actuelle envers les États-Unis est aussi incontestable que malsaine.

Il est plus qu’urgent de changer de politique. Si la Belgique et d'autres pays européens ne joignent pas le geste à la parole, les Américains nous laisseront nous débrouiller seuls. Mais une alternative à l'OTAN n’est tout simplement pas possible : (re)construire la défense nationale et européenne est un travail de longue haleine qui réclame un effort financier considérable. Par ailleurs, le respect des engagements de l'OTAN n’implique aucun affaiblissement des engagements européens : au contraire, ils se complètent parfaitement.

Notre dépendance actuelle envers les États-Unis est aussi incontestable que malsaine. Que l’actuel président américain nous plaise ou non n’y change rien. Le commissaire européen Frans Timmermans l’avait formulé la semaine dernière en ces termes : " la relation transatlantique transcende les intérêts des hommes politiques des deux côtés de l'Atlantique et demeure le fondement de notre sécurité ". Toutefois, cela n’est possible que si tous les partenaires respectent les accords et entament un processus de rattrapage des plus nécessaires. Lors du sommet de l'OTAN à Bruxelles, le premier ministre Michel doit donc donner un signal clair indiquant que la Belgique entend reste un allié crédible et fiable.

Alexander Mattelaer
Directeur des Affaires européennes à l’Institut Egmont
Professeur de politique internationale à la VUB.

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