Le patient, individu ou être humain?

Rédacteur en chef adjoint

L'édito de Serge Quoidbach, rédacteur en chef adjoint.

"L’être humain est plus qu’un individu", dit le sociologue français Edgar Morin, récemment invité dans nos pages. Une parole sage, adressée à notre monde ultra-connecté et pourtant bien seul. Mais ce qui vaut pour les réseaux sociaux, vaut aussi pour le monde médical.

Coincés entre des besoins plus importants et des enveloppes budgétaires étriquées, les hôpitaux trinquent. Selon notre enquête, 15 sur les 38 établissements bruxellois et wallons étudiés sont dans le rouge. Et pour ceux qui s’en sortent encore, la marge bénéficiaire s’amenuise.

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Les mutualités sont aussi sous pression. Les coûts des médicaments explosent et vont continuer à le faire, produits innovants en tête. Sans compter les honoraires qui ne cessent d’augmenter. Un équilibre précaire: c’est la dure loi d’une médecine qui se veut à la fois égalitaire, à la pointe, mais à moindre frais si possible.

Ces épisodes douloureux montrent l’urgence d’une politique visionnaire des soins, à l’aune des progrès phénoménaux de la médecine.

Cet équilibre pose un paradoxe. La grande tendance d’aujourd’hui est la médecine personnalisée. Les connaissances scientifiques font des bonds en avant, la génomique nous ouvre de nouveaux horizons. Chaque patient, pour chaque maladie, peut obtenir des soins entièrement calibrés. Jamais dans l’histoire, le monde médical n’a pu bénéficier d’un tel ciblage, d’une précision, osons le dire, chirurgicale. Sans compter les dossiers médicaux globaux, e-santé et autres apps à foison, qui nous permettent de faire suivre les dossiers et l’historique des soins d’un coup de clic. C’est comme si la maladie était acculée de toutes parts.

Pourtant, malgré ces progrès constants, malgré cette ultra-connexion jusqu’à l’ADN même de l’individu, ce dernier, sur son lit d’hôpital, se retrouve bien seul. Les études, pourtant, ne manquent pas: face à des maladies graves, comme le cancer, le patient bien entouré, correctement informé, suivi dans son trajet médical, augmente ses chances de guérison. Or, les blouses blanches nous l’ont rappelé ces dernières semaines, en Belgique mais aussi massivement en France, elles n’ont plus le temps de s’occuper de ces tâches à dimensions humaines.

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Comme réponse aux blouses blanches, le gouvernement a finalement bricolé un fonds de 67 millions, sans pourtant lui donner de structure pérenne. Le budget 2020 que la ministre de la Santé, Maggie De Block doit présenter vendredi prochain, a accouché dans la même douleur. Après un combat de chiffonniers entre gouvernement, Inami, mutuelles et prestataires, le nouveau projet promet de réduire la facture du patient, garder l’indexation des honoraires, et de n’attaquer que le secteur pharmaceutique.

Ces épisodes douloureux montrent l’urgence d’une politique visionnaire des soins, à l’aune des progrès phénoménaux de la médecine. Ce serait bénéfique pour les budgets. Ce serait aussi rendre au patient son humanité.

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