Définir et négocier nos attentes face aux nouveaux médias
Dès lors que les mondes virtuel et physique se fondent désormais en de nouveaux modèles sociétaux, notre responsabilité est de prendre part activement aux négociations des nouvelles conventions avec les plateformes de réseaux sociaux.
Fondée en 2004, la plateforme sociale Facebook est devenue en peu d’années un acteur économique de premier plan. Avec 2,8 milliards d’utilisateurs à travers le monde et un chiffre d’affaires de 86 milliards de USD en 2020, Facebook illustre l’émergence foudroyante des plateformes sociales qui, à présent, affectent profondément nos vies.
D’une part, les nouveaux médias disposent de potentiels fédérateurs inédits. Jamais, il n’a été aussi facile de rester en contact, de partager des moments de vie ou de promouvoir son activité économique auprès d’une clientèle (micro) ciblée. Par ailleurs, d’importants mouvements démocratiques comme le printemps arabe ont démontré la capacité du «monde virtuel» à se traduire avec force dans le «monde réel».
Néanmoins, 17 ans après la fondation de Facebook, la véritable étendue de l’impact des réseaux sociaux sur l’individu et son milieu social se dessine à peine. Dès à présent, il nous appartient de nous positionner avec recul croissant vis-à-vis de ce nouvel espace de vie virtuel, de ses opportunités et, surtout, de ses risques dénoncés par la science et les «whistleblowers».
Économie de l'attention
Concernant les risques, citons l’intérêt avant tout commercial des plateformes, qui ont pour tendance légitime d’optimiser le temps d’écran de leurs utilisateurs afin de générer des revenus. Les plateformes captivent notre attention à travers de puissants algorithmes capables de créer une expérience d’écran véritablement sur mesure, sans nécessairement considérer les mécanismes et impacts psychologiques profonds ainsi mis en œuvre (isolement social, risques d’addiction, troubles cognitifs…).
À travers l’utilisation des plateformes, nous acceptons à nos propres risques et périls de souscrire à une «économie de l’attention» dont nous aurions tout intérêt à renégocier les fins collectives et individuelles.
À travers l’utilisation des plateformes, nous acceptons à nos propres risques et périls de souscrire à une «économie de l’attention» dont nous aurions tout intérêt à renégocier les fins collectives et individuelles.
Ensuite, au sein des mêmes plateformes, pointons les risques de distorsion de l’information. Plutôt que de limiter la discussion politique au combat des «fake news», intéressons-nous davantage aux causes essentielles de l’amplification de ces fausses informations sur certaines plateformes, ces dernières privilégiant systématiquement des contenus particulièrement captivants et lucratifs (y compris fake news, messages de haine, messages homophobes…).
Sous faux couvert de neutralité, la technologie fait le choix de la polarisation et se rend ainsi promotrice et responsable d’une société dangereusement divisionniste.
D’ailleurs, comment une plateforme pourra-t-elle se dire neutre, dès lors que sera par défaut privilégié le meilleur enchérisseur? Les idées trouvant bon mécène auront plus grand impact. Décidément, dans le monde virtuel, liberté et égalité d’expression ne vont pas de pair.
Dès le plus jeune âge, l’utilisateur se voit confronté à des d’applications qui sont conçues afin de le conditionner en qualité de consommateur.
Finalement, intéressons-nous à l’essence même d’un modèle économique qui, à travers des technologies sophistiquées, se perfectionne à adresser en faveur d’intérêts pécuniaires nos désirs et nos faiblesses. Dès le plus jeune âge, l’utilisateur se voit confronté à des d’applications qui sont conçues afin de le conditionner en qualité de consommateur soi-disant parfait.
À travers des produits ludiques, l’utilisateur est encouragé à un usage massif et insouciant des médias, se rendant ainsi de plus en plus transparent et vulnérable. À tout âge, il risquera de s’exposer à la répétition systématique d’idéaux distordus et narcissiques qui affecteront son image de soi et du monde.
Définir nos attentes
Les quelques points soulevés se veulent illustrateurs des questionnements profonds auxquels notre société aura désormais la responsabilité de répondre. Bien entendu, la discussion ne pourra se limiter à pointer une prétendue «mauvaise intention» des opérateurs tech, ces derniers agissant fondamentalement dans le cadre que leur octroie la volonté publique. Tout au contraire, il s’agira de définir ensemble nos attentes vis-à-vis de l’environnement dans lequel de nouvelles générations grandissent dès à présent.
Dès lors que les mondes virtuel et physique se fondent en de nouveaux modèles sociétaux, nous avons tout intérêt à nous faire parties actives de la négociation des nouvelles conventions qui devront en résulter et dont nous, utilisateurs des plateformes sociales, serons sujets.
Daniel Hilligsmann
Membre fondateur
Brussels Democracy Forum
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