chronique

Le travail d’un avocat est-il protégeable par le droit d’auteur?

avocat Cairn Legal

L’enjeu de cette question est de taille. Dans l’affirmative, l’avocat peut bénéficier du régime fiscal favorable s’appliquant à la rémunération des droits d’auteur.

Dans un arrêt récent prononcé le 24 mars 2023, la Cour de cassation avait cassé un arrêt de la cour d’appel de Gand qui avait jugé qu’un avocat, dans le cadre de prestations relevant de sa profession, ne réalise normalement pas de créations intellectuelles pouvant donner lieu à protection par le droit d’auteur.

Didier Chaval est avocat chez Cairn Legal.
Didier Chaval est avocat chez Cairn Legal. ©Atelier Preface

Quels ont été les arguments développés, tout d’abord par la cour d’appel, et ensuite par la Cour de cassation?

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Commençons par rappeler les principes. Pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, il est nécessaire, mais suffisant, de prouver que l’œuvre est originale, en ce sens qu’elle est une création intellectuelle propre à l’auteur, reflétant sa personnalité et s’exprimant à travers les choix libres et créatifs de l’auteur lors de la réalisation de cette œuvre.

Comme le rappelle la Cour de cassation, si l’œuvre est un écrit, cela suppose que l’auteur a pu faire des choix libres et créatifs quant aux mots utilisés, à l’agencement et à la combinaison de ces mots par lesquels il a exprimé son esprit créatif, empreint de sa personnalité et est parvenu à un résultat qui constitue une création intellectuelle.

Liberté de création

La cour d’appel avait considéré que les actes posés par un avocat, dans l’exercice de sa profession, ne pouvaient pas constituer une création intellectuelle parce que de tels actes, que tout avocat est réputé capable d’accomplir, sont très encadrés et fortement limités par de nombreuses règles qui restreignent la liberté et la créativité de l’avocat, dès lors que celui-ci doit nécessairement poser de tels actes en respectant des règles légales, des considérations techniques, des obligations déontologiques ainsi que les faits, qui s’imposent à lui.

Il convient de ne pas procéder à des généralisations, comme l’avait fait la cour d’appel, en considérant que, par sa nature, "normalement", l’expertise de l’avocat est sans originalité.

Par conséquent, selon la cour d’appel, toutes ces contraintes ne laissent pas de place à la liberté de création de l’avocat, qui ne peut poser de choix libres et créatifs.

La Cour de cassation est d’un autre avis et articule son raisonnement comme suit:

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  • le fait qu’un auteur produise une œuvre dans le cadre de ses activités professionnelles, en déployant son expertise en la matière, n’empêche pas, en tant que tel, de qualifier l’œuvre d’originale;
  • une œuvre peut bénéficier de la protection du droit d’auteur, même si sa création est déterminée par des considérations techniques, des règles, légales ou autres, ou différentes limitations, à condition que de telles contraintes n’aient pas empêché l’auteur d’exprimer sa personnalité dans l’œuvre par des choix libres et créatifs;
  • l’article 444 du Code judiciaire stipule que l’avocat exerce librement son ministère pour la défense de la justice et de la vérité et, à ce titre, la législation dont l’avocat doit tenir compte dans l’exercice de ses activités, ainsi que sa déontologie, ne l’empêchent pas d’exprimer sa personnalité dans certaines des œuvres qu’il écrit en exprimant des choix libres et créatifs.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Gand et renvoie la cause devant la cour d’appel d’Anvers, pour être rejugée au fond.

Il est acquis qu’il ne peut être refusé, par principe, que le travail de l’avocat puisse donner lieu à des créations intellectuelles protégées par le droit d’auteur, et donc soumises à une imposition distincte et avantageuse.

Ne généralisons pas

Ce qu’il faut en retenir est qu’il convient de ne pas procéder à des généralisations, comme l’avait fait la cour d’appel, en considérant que, par sa nature, "normalement", l’expertise de l’avocat est sans originalité. Au contraire, la Cour de cassation invite le juge du fond à examiner si, dans le cas d’espèce, l’avocat a exécuté des créations intellectuelles résultant de choix libres et créatifs, mais, en tout cas, ce n’est pas parce que des contraintes limitent le travail de l’avocat que pour autant l’avocat ne pourrait pas donner libre cours à sa créativité, en posant des choix libres et reflétant sa personnalité.

Quelle que soit la décision qui sera prononcée par la cour d’appel d’Anvers, il est en tout cas acquis, suivant cette jurisprudence de la Cour de cassation, qu’il ne peut être refusé, par principe, que le travail de l’avocat, dans l’exercice normal de sa profession, puisse donner lieu à des créations intellectuelles protégées par le droit d’auteur, et donc cessibles à des tiers, le produit de la cession étant imposable, en tant que revenu mobilier, soumis à une imposition distincte et avantageuse.

Didier Chaval
Avocat chez Cairn Legal

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