Yvan Verougstraete: "Un poste de commissaire européen, ça ne se refuse pas"
Yvan Verougstraete a l'intention de se battre pour que l'Europe réussisse sa transition écologique et énergétique. Si on lui propose, il ne refusera pas un poste de commissaire européen, a-t-il confié lors d'un entretien à L'Echo.
L'élu des Engagés, Yvan Verougstraete, a vécu son baptême du feu, en participant, mi-juillet, à la première session du Parlement européen à Strasbourg. Au menu: la réélection de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, soutenue par une coalition dont fait partie Renew Europe, le groupe libéral et centriste rejoint par Les Engagés après l'élection.
Pour l'ancien homme d'affaires, propulsé dans la plus grande assemblée démocratique du monde, une nouvelle vie commence. Mais, au fond, pourquoi s'arrêterait-il en si bon chemin, alors que des exécutifs se forment au niveau européen et fédéral? L'Echo a rencontré cette étoile montante de la politique belge.
Comment avez-vous vécu votre première session parlementaire?
"Je ne vais pas travailler avec l'extrême droite."
C’était impressionnant de voir cette mécanique. J'ai été très marqué par l'agressivité qui s’est manifestée lors du débat sur la réélection d’Ursula von der Leyen. J'ai été étonné de voir à quel point, concrètement, la démocratie est en danger quand les extrêmes s'expriment.
C’était frappant d’entendre le leader d’extrême droite, Jordan Bardella, prendre la parole dès la troisième place. Mais l’agressivité de sa compatriote Manon Aubry, qui s’exprimait pour l'extrême gauche, était tout aussi forte. Elle attaquait clairement la personne.
Le Parlement européen compte désormais plus d'une centaine d’élus d'extrême droite. Qu’est-ce que cela vous inspire?
Je ne vais pas travailler avec l'extrême droite. Je siégerai à côté d’eux, sans plus. Honnêtement, ça me fait froid dans le dos.
Ursula von der Leyen a été soutenue par des élus du groupe ECR, où l’on trouve des partis d’extrême droite. Le cordon sanitaire est-il flexible?
En ce qui me concerne, il n’y a pas de cordon sanitaire flexible. Il y a une vraie volonté de travailler avec les socialistes (S&D) et les démocrates-chrétiens (PPE) et, si cela se présente sur certains dossiers, avec les Verts. Mais il n'est pas question de travailler avec les extrêmes.
Cela dit, quand on a entendu le discours du chef de file de l’ECR, ce n'était clairement pas un discours de soutien à von der Leyen.
La N-VA fait partie de l'ECR, et elle a voté pour von der Leyen…
Oui, il y a eu quelques exceptions, et la N-VA n'est pas d'extrême droite.
Quelles sont vos priorités pour cette législature?
"Je pense que nous serions fous de nous priver du nucléaire."
Si je ne devais en citer qu’une seule, c'est de continuer à réussir la transition énergétique. C'est non seulement nécessaire, d'un point de vue éthique, pour nos enfants et pour les prochaines générations, mais ça l’est aussi d'un point de vue économique.
Au Parlement, j'ai interpellé Ursula von der Leyen pour m’assurer qu’elle poursuive l'ambition qu'elle avait il y a cinq ans, en étant la première présidente de la Commission à être environnementaliste.
Pour y parvenir, il ne faut pas être naïf dans la manière dont on peut atteindre les objectifs environnementaux. La clé, c’est de comprendre comment l’économie peut renforcer notre position écologique. Par la suite, l’écologie pourra renforcer l’économie.
Il faut être intelligent dans la manière de faire l'un et l'autre. Nous devons protéger les entreprises qui appliquent les standards les plus élevés. Protéger nos agriculteurs contre le dumping, qu’il soit environnemental ou sanitaire.
Craignez-vous la pression des lobbies industriels, comme celui des constructeurs automobiles, aux antipodes du Pacte vert ?
S'il y a un avenir pour notre industrie, ce n'est pas en tirant sur le frein à la main, mais c'est en poussant sur l'accélérateur. L’erreur, et ce n’est pas lié à l'industrie automobile, c'est de voir que malgré l'avance technologique que l'on avait, nous sommes en train de nous faire complètement dépasser par les Chinois.
Il y a deux choses à faire par rapport à ça. La première, c'est de protéger correctement nos entreprises par rapport au dumping pratiqué par la Chine. Mais il ne faut pas pour autant prendre du retard, alors qu'on sait qu'on va devoir aller vers l'électrification. Nous devons conserver notre avance technologique.
Si l’UE remettait en cause la fin des véhicules thermiques en 2035, vous êtes prêt à vous y opposer?
Oui, on doit absolument transitionner. Après, si on trouve des biocarburants qui sont 100% neutres et qu'on dit qu'on veut garder une toute petite partie de la flotte sur cette technologie-là, pourquoi pas.
Ce qui m'intéresse, c'est qu'on ait une technologie qui nous permette de réussir notre ambition climatique. Et aujourd'hui, le seul moyen d'y arriver, c'est l'électrification.
Le redéploiement du nucléaire est une option pour vous?
Oui, clairement. Je pense que nous serions fous de nous priver du nucléaire.
Il faudra faire trois choses. Prolonger toutes les centrales en Belgique, le plus longtemps possible et dans le respect des normes de sécurité. Ouvrir des nouvelles centrales avec des technologies maîtrisées. Et poursuivre le développement de nouvelles technologies qui réutilisent les combustibles.
Lors de la campagne, vous avez été très critique par rapport aux accords de libre-échange. Vous maintenez cette position?
"Pour moi, la logique, c'est de passer du libre-échange au juste échange."
Je ne suis pas du tout contre la mondialisation ou l'internationalisation des échanges. Ce qui est sûr, par contre, c'est que je suis pour des échanges qui sont avec un niveau de concurrence correct.
Le deuxième élément, c'est qu'il y a des choses pour lesquelles cela n'a juste aucun sens de faire des accords de libre-échange. On ne va pas diminuer notre production de bovins ici en Europe pour faire venir des bovins de Nouvelle-Zélande.
Pour moi, la logique, c'est de passer du libre-échange au juste échange. Il faut veiller au respect des normes les plus élevées, qu’elles soient sanitaires, sociales ou environnementales. Il faut à tout prix éviter de nous faire tirer vers le bas par ceux qui en font moins. Il faut, au contraire, s'aligner vers le haut.
Par ailleurs, la croissance pour la croissance, ça ne nous intéresse pas. C'est de la croissance positive qu'il nous faut, c'est-à-dire une croissance qui est plus verte, qui a un sens social et qui est plus bénéfique.
Vous n'avez pas peur de vous mettre en porte-à-faux avec les libéraux au sein de Renew Europe?
Ça, c'est la vie. C'est pour ça qu'il y a deux parties dans Renew Europe. Et c'est pour ça qu'on fait de la politique.
Si je n'avais rien de spécial à apporter, ou si je n'étais pas différent des autres, je n'aurais pas besoin de faire de la politique.
Pourquoi avez-vous quitté le PPE, la démocratie-chrétienne, pour intégrer Renew Europe, où les libéraux sont majoritaires?
Pendant la campagne, j'ai dit clairement que je ne me battais pas pour le PPE, mais pour Les Engagés, et que nous déciderions après l'élection.
La manière la plus opportune, à mes yeux, de mettre en œuvre le programme des Engagés, c'était de rejoindre le Parti démocrate européen, un parti centriste, et donc de se retrouver sous la coupole de Renew Europe.
Ursula von der Leyen est en train de constituer son équipe de commissaires. Êtes-vous candidat ?
Personne n'est candidat à être commissaire. En tout cas, moi, je ne suis candidat à rien. J'espère qu'il y aura des hommes et des femmes de grande qualité qui composeront cette commission, et que quelqu'un de grande qualité y représentera la Belgique.
Si on vous propose le poste, vous le refuseriez ?
Un poste d’intérêt général aussi important que commissaire européen, ça ne se refuse pas.
Restez-vous proche des négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral?
"Je continue à être intéressé par ce qui se passe en Belgique. Je ne pars pas sur une île déserte."
Comme vice-président de mon parti, c’est clair que je reste proche des négociations, et certainement dans les sujets que j'ai portés, que ce soit sur le plan de la transformation énergie-climat ou au niveau fiscal et emploi.
Je continue, d’autant plus que ces sujets ont un lien très clair avec ce que je veux développer au niveau européen. Je continue à être intéressé par ce qui se passe en Belgique. Je ne pars pas sur une île déserte. Tout est lié, en fait. Je crois que les compétences de l'Europe et des différentes nations sont imbriquées.
Vous accepteriez d’intégrer le gouvernement fédéral?
Cela dépend. Honnêtement, je ne me suis pas fait une religion sur ce sujet-là. Si le parti me demande d'intégrer le gouvernement fédéral, je me poserai la question. Pour l'instant, je me concentre sur le niveau européen.
- "En ce qui me concerne, il n’y a pas de cordon sanitaire flexible."
- "La clé, c’est de comprendre comment l’économie peut renforcer notre position écologique."
- "On ne va pas diminuer notre production de bovins ici en Europe pour faire venir des bovins de Nouvelle-Zélande."
- "La croissance pour la croissance, ça ne nous intéresse pas. C'est de la croissance positive qu'il nous faut, c'est-à-dire une croissance qui est plus verte, qui a un sens social et qui est plus bénéfique."
- "Si le parti me demande d'intégrer le gouvernement fédéral, je me poserai la question."
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