Reportage au Liban: "L'armée israélienne tue des civils et le monde se tait"
Les bombardements israéliens ont poussé des dizaines de milliers de Libanais sur la route de l’exode. Le bilan humain est colossal, dans un pays déjà frappé par des crises multiples.
"Des explosions en continu. C’est un cauchemar." Dans le village druzo-chrétien de Bakkifa, non loin de la frontière avec Israël, chaque heure qui s’écoule parait une éternité pour Adam (son prénom a été modifié). "Pour l’instant, ils frappent autour, sur les villages chiites, mais on se demande si on ne sera pas les prochains." Sans ressources financières pour fuir, le Libanais de 35 ans est resté au sud-Liban malgré les bombardements intenses. "À cause de la crise financière, je n’ai plus d’argent. Je n’ai nulle part où aller. Mais beaucoup d’habitants ont fui le village."
"C’est devenu notre quotidien, vérifier si nos proches sont encore en vie. L’armée israélienne tue des civils, et la communauté internationale ne fait rien, le monde se tait."
Un pays sous le choc
Depuis lundi, 90 000 personnes ont été déplacées par la guerre, selon l’agence de l’ONU pour les réfugiés. Seuls 533 centres d’accueil gérés par le gouvernement sont ouverts, l’État libanais n’a pas les moyens d’assister les civils.
La majorité des déplacés sont réfugiés chez des proches, comme Ali. Ce Libanais originaire de Bint Jbeil, à la frontière avec Israël, est deux fois déplacé de guerre. Réfugié une première fois à la mi-octobre à Tyr, il a pris la route de l’exode une seconde fois ce lundi. "Je suis maintenant à Saïda, à une heure de route au sud de Beyrouth. Lundi, j’étais coincé dans des embouteillages monstres pendant 10 heures. C’était la panique, on voulait tous fuir le sud." Ali est aujourd’hui hébergé chez un ami. "C'est temporaire, je n’ai aucune vision sur la suite. Pour l’instant, Israël bombarde autour de Saïda, si ça tombe sur la ville, j’ignore où aller.”
Le début de la guerre ouverte avec Israël le 23 septembre "va rester à jamais un traumatisme inoubliable pour tous les Libanais" selon Amal. Originaire de Saïda, aujourd’hui réfugiée chez sa fille dans la banlieue est de Beyrouth, à Sin El Fil, cette enseignante âgée de 50 ans passe ses journées sur son téléphone, "pour suivre l’actualité et prendre des nouvelles de mon père, resté au sud", dit-elle. "C’est devenu notre quotidien, vérifier si nos proches sont encore en vie. L’armée israélienne tue des civils, et la communauté internationale ne fait rien, le monde se tait", déplore-t-elle.
"Ils détruisent tout sur leur passage"
En cinq jours de guerre, le bilan humain, vertigineux, a dépassé les 600 morts, selon le ministère libanais de la Santé. En comparaison, la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël avait fait environ 1.200 victimes côté libanais.
En temps normal, les actions du Hezbollah divisent les Libanais, mais l’opération israélienne semble aujourd’hui unir la population. "On a le sentiment qu’on est tous attaqués", confie Nagham, 41 ans, originaire du sud de Beyrouth. Les frappes israéliennes sur la banlieue sud de la capitale, fief du Hezbollah, sont pour l’instant limitées, mais "par mesure de précaution", elle s’est réfugiée dans le quartier chrétien d'Achrafieh. La voix tremblante, elle évoque son "effroi" des jets israéliens, "ils détruisent tout sur leur passage, sans distinction avec les civils", confie-t-elle, "Israël n’attaque pas seulement le Hezbollah. Certains de mes proches ont été tués dans la Bekaa, à l’est du Liban. Six au total, une famille entière. Je les connais, ils n’avaient rien à voir avec le Hezbollah.”
La première tentative de trêve entre le groupe chiite et Israël a été avortée ce jeudi. Les Libanais, déjà frappés par des crises multiples, craignent de connaître le même sort que Gaza.
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