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Chronique financière | Trump peut-il créer d’autres chocs sur les marchés?

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Après son mur tarifaire, le président Trump serait-il en mesure de pousser encore le dollar plus bas afin de favoriser la compétitivité des États-Unis?

Mercredi, lors de sa conférence un peu surréaliste du "Liberation Day", Donald Trump a rappelé combien son premier mandat en tant que président avait été porteur pour les marchés boursiers américains. Les choses sont plutôt mal engagées pour ce second mandat. Wall Street a sévèrement flanché après l’annonce d’un relèvement des droits de douane d’une ampleur digne de la dépression économique des années 1930.

Si le but de Trump est de faire plier les taux d’intérêt pour alléger le fardeau de la dette US, alors c’est plutôt réussi…

Mais c’est également le dollar qui a dérapé jeudi, perdant 2% face à l’euro, un écart assez rare en l’espace d’une seule séance. La perspective d’un fort ralentissement de l’économie US, voire d’une récession, et d’une baisse des taux d’intérêt a lourdement pesé sur le billet vert. D’ailleurs, le taux de rendement de l’obligation du Trésor à 10 ans est tombé sous les 4% alors qu’il se situait encore à 4,80% à la mi-janvier. Si le but de Trump est de faire plier les taux pour alléger le fardeau de la dette américaine, alors c’est plutôt réussi…   

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Le président américain serait-il en mesure de pousser encore le dollar plus bas afin de favoriser la compétitivité du pays? Après tout, le scénario d’une dévaluation du billet vert fait partie du grand plan de son chef des conseillers économiques, Stephen Miran. Dans son "User’s Guide to Restructuring the Global Trading System", Miran préconise d'utiliser les droits de douane comme monnaie d'échange pour obtenir des concessions des autres pays. Cela pourrait prendre la forme d’une dépréciation coordonnée du dollar dans le cadre d'un accord dit de Mar-a-Lago (la résidence de Trump en Floride), sorte de version moderne des accords du Plaza en 1985 (à l’hôtel Plaza à New York), qui étaient destinés à faire baisser un dollar jugé surévalué.

Selon Miran, un nouvel accord serait le prix à payer pour ceux qui souhaitent continuer à bénéficier de la protection militaire américaine. Dans le cadre d’un tel accord, les banques centrales devraient accepter de vendre une partie de leurs réserves en dollars. Et les pays concernés seraient aussi incités, voire forcés, à investir dans des obligations d'État US afin de contribuer au financement des coûts de la défense.

Un nouvel accord du Plaza soulève toutefois de nombreuses objections. La dévaluation du dollar augmenterait inévitablement le coût des importations, ce qui pourrait aggraver l'inflation. La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait alors remonter ses taux d’intérêt. Sauf si Donald Trump parvient à dissuader la Fed d’agir en ce sens, sapant dangereusement son indépendance.

Par ailleurs, une réévaluation forcée des principales devises, comme le yen ou l'euro, pourrait déclencher une volatilité importante sur les marchés financiers mondiaux. L'accord du Plaza avait entraîné une forte appréciation du yen, provoquant une récession au Japon. Le gouvernement nippon et la banque centrale ont alors adopté des politiques expansionnistes qui ont contribué à la formation de la bulle spéculative à la Bourse de Tokyo. D’une certaine manière, le krach boursier d’octobre 1987 à Wall Street a également été le résultat de dissensions internationales en matière de taux de change et d’intérêt.

Surtout, depuis 1985, le contexte a radicalement changé. L’accord du Plaza a été signé par cinq pays seulement (USA, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne et France). Un nouvel accord devrait forcément inclure d’autres acteurs économiques majeurs, dont la Chine. Et dans le contexte actuel, on voit assez mal les Chinois accepter, sans broncher, une appréciation significative du yuan.

Jeu dangereux

Si la Chine reste un cas particulier en matière commerciale, la façon dont Trump traite aujourd’hui les Européens, qualifiés d’ennemis, est assez hallucinante. Le déficit commercial des USA avec la zone euro en matière de biens est compensé par les services, avec des exportations importantes de propriété intellectuelle. Et Trump se trompe totalement sur notre TVA qui n'est nullement un tarif douanier. Collectivement, les pays de la zone euro sont aussi les plus grands détenteurs étrangers d’obligations du Trésor US, devant le Japon et la Chine. Veut-il faire fuir définitivement ces investisseurs européens? Avec son tsunami tarifaire et sa stratégie de chaos sur les marchés, Donald Trump joue un jeu particulièrement dangereux. D'autres chocs ne sont malheureusement pas à exclure.

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