La liberté est le fil conducteur de la vie de Marina Yee. La liberté de ne pas danser au rythme imposé par le business ou de montrer son travail plutôt que son visage. Sa nouvelle collection est à découvrir dans les plus belles boutiques de mode.
Elle fait partie des légendaires "Six d’Anvers". Après des années mouvementées faites de hauts et de bas, de passions et de déceptions, Marina Yee, la plus mystérieuse de ce groupe de créateurs emblématiques, a retrouvé l’enthousiasme de ses vingt ans en réalisant (enfin) une nouvelle collection. Elle ne peut s’arrêter de concevoir, créer et jouer, mais à sa manière.
Quelle femme! Elle est passionnée, souriante et volubile. De temps à autre, je dois interrompre Marina Yee alors qu'elle saute du coq à l’âne. Où en étions-nous? Par cette belle journée, les rares sons de la ville en mode estival entrent par les fenêtres ouvertes - un vol de pigeons, une sirène, une portière qui claque... Anvers somnole.
La créatrice de mode vit au deuxième étage, dans son "pays des merveilles" qu’elle partage avec son fils Tzara-David. Son salon et son atelier forment un curieux univers - étagères empilées, caisses, artefacts, bois de récupération, coupures de presse, photos. Elle y fabrique des totems. Ses murs affichent des fragments de son passé et des pistes d’inspiration pour un avenir possible. Partout, elle a installé des trouvailles dans un joyeux désordre équilibré.
On comprend qu’ici vit une artiste polyvalente qui a besoin de s’exprimer pour vivre. "Je suis attirée par des choses que personne ne regarde et dont personne ne veut", déclare-t-elle. "Par leur beauté, leur étrangeté. Ma mère me disait: ‘Tu es une enfant tellement singulière’. Elle m’a encouragée: ‘Vas-y, ma fille’, me lançait-elle."
La liberté comme fil conducteur
C’est précisément ça qui rend Marina Yee si spéciale: ce qu’elle fait des objets qui l’entourent. Des montages curieux et indescriptibles. Certains magazines anglais ont déjà parlé d’elle comme étant "the most elusive of the Antwerp Six", soit la plus insaisissable, la plus incompréhensible. Son esprit est rapide, ses associations fluides. Elle démonte la réalité, défait l’illusion du jour et la transforme. Elle propose une création libérée d’une camisole de force, qui surprend étrangement et semble faussement classique. Ce qu’elle fait stimule et défie. Elle possède un langage formel d’une ironie poétique doublée de décennies d’expérience et de connaissance de la mode.
Au milieu de la pièce trône un grand cube en bois dans lequel sa nouvelle collection automne-hiver 2022-2023 attend d’être expédiée. À l’extérieur, elle a accroché un long trenchcoat blanc qu’elle a peint avec de la peinture à l’huile d’après une copie d’un collage réalisé précédemment. "C’est un manteau de la collection de la saison dernière qui ne s’était pas vendu. Je me suis dit que j’allais en faire quelque chose. Ma première timide tentative d’en faire un objet. Le vêtement en tant que simple toile." Un deuxième manteau attend, prêt à être peint. "J’adore peindre. J’ai réalisé quelques toiles, il y a des années, mais je dois encore évoluer. Ce n’est pas assez personnel. Mon travail doit être bon. Et libre."
Oui, la liberté est le fil conducteur de sa vie. La liberté dans un univers de la mode trop coercitif. La liberté de ne pas danser au rythme imposé par le business. La liberté de revendiquer sa création. La liberté de laisser loin derrière elle son histoire d’amour avec Martin Margiela, qui l’a littéralement laissée sans voix. La liberté de fuir Paris. La liberté d’ouvrir un café à Bruxelles. La liberté de mettre au monde un enfant toute seule. La liberté de travailler pour plusieurs marques de mode. La liberté de concevoir des costumes de théâtre. La liberté, en tant que professeure, de laisser ses étudiants découvrir le meilleur d’eux-mêmes à Tournai, La Haye et Gand. La liberté de retourner à Anvers. La liberté de monter des expositions et d’exposer. La liberté de continuer à bricoler pour créer à sa manière. Et, aujourd’hui, la liberté de présenter une nouvelle collection.
Nouveau début, faux départ
Cette collection de Marina Yee est un redémarrage sur son propre terrain, car elle vend ses vêtements au Japon ainsi que dans quelques boutiques d’Asie du Sud-Est depuis quelques années déjà. Elle explique: "Tout a commencé en 2016, avec la boutique Laila à Tokyo. Le propriétaire avait acheté quelques-unes de mes pièces uniques lors d’une vente aux enchères. Je ne savais pas qui il était, mais il collectionnait également des pièces d’archives de Martin Margiela, Raf Simons et Helmut Lang. Il avait vu l’exposition des Six au MoMu. Il voulait que je fasse des vêtements pour sa boutique, une sorte de micro collection. Je me suis dit OK, super!"
Mais à un moment donné, ce qui est alors le début d’une nouvelle histoire positive menace de tourner à la catastrophe. Marina Yee travaille avec un nouveau partenaire commercial et vend sa collection dans un showroom à Paris, donc également à des boutiques en Europe. Hélas, le duo vacille. Elle continue seule et rembourse les acomptes des acheteurs. Elle prend une saison de pause et met un avocat sur l’affaire. Pas de souci, en avant!
"Je suis ensuite allée trouver Marc Gysemans (mentor et entrepreneur de mode, NDLR) pour lui demander de réaliser cette petite collection pour l’Asie. Après quoi, Laila Tokyo m’a mise en contact avec un agent qui travaillait également pour Celine et Givenchy. Un homme fantastique, très intelligent. Il a vendu la collection à cinq clients importants en Orient. J’avais perdu les commandes en Europe, mais au fond de moi, j’étais heureuse de ne pas devoir vendre ici, ce qui me permettait d’encore travailler en toute sécurité, dans l’ombre. Seule."
Marina Yee (°1958)
- 1981: Diplômée de la mode à Anvers et membre des Six d’Anvers avec Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Dirk Van Saene et Dirk Bikkembergs.
- 1986: Crée des collections sous le label Marie. Elle est soutenue financièrement par l’industriel japonais Hobo Miyoshi.
- 1992: Quitte la mode pour se consacrer à d’autres activités créatives comme le costume de théâtre, le design d’intérieur et l’art. Sur commande et anonymement, elle travaille pour de nombreuses marques de mode, de Chine à Dirk Bikkembergs.
- 2007: Se lance dans une carrière de professeure de mode. Elle donne des cours très suivis à l’Académie des Beaux-Arts de Gand, la célèbre KASK.
- 2017: Fait son come-back avec une nouvelle collection, M.Y. Collection, qui compte cinq modèles exclusifs sur commande pour Laila Tokyo, une enseigne high fashion au Japon.
- 2022: La M.Y. Collection est développée pour être vendue dans des grandes enseignes du monde entier. En Belgique, elle est en vente en exclusivité chez Stijl à Bruxelles et chez Louis à Anvers.
De l’ombre à la lumière
Le marché japonais a été un galop d’essai pour Marina Yee. Le succès croissant qu’elle y rencontre lui donne peu à peu davantage confiance en elle. "Il m’a fallu du temps pour croire en moi. Grâce à mon succès au Japon, j’ai recommencé à avoir confiance en moi et je me suis dit: waouw, mes clients veulent vraiment mes vêtements!"
Un nouvel élan lui vient de la rencontre avec Rafael Adriaensens, un ancien de l’Académie de la mode d’Anvers, comme elle, qui a travaillé notamment pour Ann Demeulemeester et Raf Simons. Le courant passe. Adriaensens devient son agent, son chargé de relations publiques et sa caisse de résonance. Il est l’alter ego dont elle a besoin pour s’épanouir. "J’ai longtemps travaillé seule. J’étais assise sous mon arbre et je regardais ce qui se passait pour les autres, dans le monde. Maintenant, c’est complètement différent."
"Je suis peut-être une joyeuse pipelette, mais en même temps, je suis très timide. C’est ma peur de l’échec qui m’a joué des tours pendant si longtemps."Marina Yee
Son nouveau compagnon la convainc d’élargir sa collection, en se basant sur ce qu’elle aime porter, sans tenir compte des tendances. "Raf m’a encouragée à l’élargir à une sorte de garde-robe de base", explique Marina Yee. "J’avais un peu d’argent de côté, suffisamment pour aller un peu plus loin et faire du marketing en Europe et en Amérique. Je m’étais fixé une condition: si tu es impliquée dans un système qui ne te plaît pas, fais ton choix en répondant à tes propres questions et non l’inverse."
Son expérience du monde de la mode n’était pas, disons, excellente. Qu’est-ce qui la rebutait tant? "Je suis très têtue", répond-elle. "Et très obstinée. Avant, mon élan artistique était incapable de suivre le rythme de la production. Je ne parvenais pas davantage à gérer le fait de devoir travailler avec une équipe. Dans le système de la mode, il faut également tenir compte de l’attitude des acheteurs, qui peut aller jusqu’à transformer les créateurs en esclaves. Il ne faut pas oublier que le bénéfice des commerçants est plus important que celui des designers: 60% pour eux et 40% pour nous. Ce n’est pas équitable. Autrefois, j’entendais beaucoup parler de la pression des collections et du travail que subissaient les collègues. De même, je ne me retrouvais pas dans le style des magazines de mode. Je me disais souvent: 'ce n’est pas ce qu’une femme devrait porter'. Maintenant, c’est moi qui décide, ce sont mes règles. Je préfère dire ce que je veux et ce que je ne veux pas. À mon agent également."
What’s in a name?
Ses collections trônent désormais dans les meilleures boutiques du monde, dans le segment luxe, dont Stijl à Bruxelles et Louis à Anvers. "J’en suis très heureuse", déclare-t-elle. Je remarque que sa ligne s’appelle "M.Y. Collection": pourquoi pas Marina Yee? Est-elle encore trop modeste? Elle hausse les épaules: "Je ne trouvais pas nécessaire d’utiliser mon nom complet. En 1986, j’ai présenté une collection labellisée ‘Marie’. Ensuite, j’ai travaillé de manière anonyme, pour des marques belges et des productions de spectacles. J’ai créé pour Bassetti, Dirk Bikkembergs, Gruno et Chardin, la marque pour enfants Louis Voiture, Chine, Lena Lena, une marque de design textile. Mais pendant tout ce temps, je n’ai jamais cessé de suivre de près les autres membres des Six d’Anvers. Leur façon de procéder, de lancer une collection sous leur propre nom, c’était exclu pour moi. Je suis peut-être une joyeuse pipelette, mais en même temps, je suis très timide. C’est ma peur de l’échec qui m’a joué des tours pendant si longtemps."
Elle se souvient encore: "dès le départ, nous savions qu’avec le soutien financier de leur famille et leur esprit d’entreprise, Ann Demeulemeester et Dries Van Noten allaient réussir. Je doutais d’être suffisamment forte sur le plan professionnel, car j’avais plutôt l’esprit ludique et, comme le disait mon artiste de père, je ne connaissais rien aux affaires. Plus tard, j’ai également quitté les Six et ce fut une sorte de traumatisme. Il s’est passé beaucoup de choses pendant cette période. Cela m’a longtemps rendue très malheureuse: pendant une vingtaine d’années, j’ai été furieuse, frustrée et triste."
Je lui demande comment, après toutes ces années, elle a enfin repris pied. "Peut-être qu’avant, mon potentiel n’était pas encore arrivé à maturité", répond Marina Yee. "J’ai appris de mes erreurs. Je sais ce qu’est l’envie. J’ai appris à changer et à faire face à des choses douloureuses, à ma propre jalousie. Si je suis en conflit ou si je ressens de la rancœur, je commence par me demander: bon, quelle est ma responsabilité dans cette situation? Il faut savoir se regarder dans le miroir. Maintenant, tout se passe sans effort. J’ai beaucoup moins peur d’être qui je suis, car je fonctionne comme un caméléon. J’aime faire des choses différentes et je ne considère pas cela comme une faiblesse, mais comme une force. D’autres l’ont parfois critiqué, mais aujourd’hui, je me sens bien avec ça, même si je suis parfois frustrée de ne pas pouvoir faire tout ce que voudrais faire en 24 heures."
Upcycling d’enfer
Marina Yee est enjouée. Le jeu est son moteur créatif et elle est très douée pour sortir des sentiers battus. Sa nouvelle collection, qui est maintenant en boutique, a été créée de trois façons différentes. Une première partie a été conçue par ses soins et fabriquée de toutes pièces par un atelier de confection. Une deuxième partie a été réalisée sur base d’un stock existant. Et la troisième a été réalisée par ses propres soins, à partir de vêtements vintage.
Sa méthode de construction après déconstruction produit toujours un résultat différent. Elle part invariablement de quelque chose de très classique pour en prendre le contrepied. "Parce que cette tension est si belle", dit-elle. Lorsqu’elle crée de nouveaux vêtements, elle part de l’idée d’une pièce classique (une chemise, une jupe, un chino, un anorak), puis elle reconstruit cette pièce de base "classique".
C’est un équilibre miraculeux. Marina Yee plie, tourne, détourne et replie jusqu’à ce que la pièce devienne quelque chose de complètement nouveau. Un vêtement qui semble être en mouvement. "Parfois, c’est l’enfer pour les personnes qui doivent produire les vêtements", dit-elle en riant.
"J’ai une collection secrète que je n’ai pas encore dévoilée; j’attends le bon moment."Marina Yee
Dans sa deuxième méthode de travail, elle achète un petit stock de vêtements de base jamais portés, auxquels elle donne une nouvelle forme non conventionnelle, mais subtile par ses propres interventions. Cette saison, il s’agit d’un bomber oversize qu’elle a ceinturé. C’est de l’appropriation next level.
La troisième partie de la collection demande beaucoup plus de travail, car c’est elle qui la fait. C’est la "M.Y. Collection Upcycle Couture" qui s’est extrêmement bien vendue au Japon. Pour cette collection, elle commence par démonter un vêtement vintage existant pour le reconstruire en utilisant des méthodes peu orthodoxes.
Marina Yee ajoute: "Il n’y a que quelques exemplaires de chaque pièce. Les tailles et les couleurs peuvent varier légèrement. Il m’a fallu des années pour mettre au point le bon système qui fonctionne dans tous les domaines - investissements de base, nettoyage à sec, travail manuel. Il fallait que ce soit faisable pour moi en termes de coûts, de temps et d’énergie et pour les commerçants en termes de marges. Ce sont des pièces coûteuses. Mais au Japon, elles sont très demandées. Pour ma collection, j’ai toujours besoin de l’artisanat, c’est mon oxygène, il est nécessaire à mon équilibre. C’est pourquoi j’ai laissé un certain nombre de pièces uniques dans la collection."
Rien ne se perd
Avant même que ce terme n’existe, Marina Yee était déjà la pionnière de l’upycling et du recyclage en matière de mode. Elle tient également à ce que sa collection actuelle reste en édition limitée. La planète souffre déjà suffisamment de la surproduction due à l’industrie de la mode. Pour elle, rien ne doit être gaspillé. Elle travaille avec des chutes de tissus qu’elle achète à un fabricant italien. Certaines des pièces produites ne sont disponibles qu’en petite série, tout simplement parce qu’il ne lui reste plus de tissu pour en produire plus. Cette rareté est aussi une force.
Il n’est dès lors pas étonnant que des collectionneurs de mode recherchent les pièces signées Marina Yee. Ce sont des artefacts dans lesquels investissent des amateurs convaincus. Non seulement par leur valeur esthétique et leur rareté, mais aussi par leur valeur historique dans l’ici et le maintenant de la mode, en tant que création d’une des pionnières de ce chapitre de l’histoire de la mode.
Est-ce de l’art? Selon Marina Yee, la mode peut être une puissante forme d’expression artistique. Elle veut transcender les frontières de la mode. "J’ai une collection secrète que je n’ai pas encore dévoilée; j’attends le bon moment. J’ai six pièces que j’appelle ‘M.Y. Intuitives’: elles sont graphiquement très belles, faites de patchworks cousus couche après couche. Avec ces pièces, je me sens davantage comme une artiste que comme une designer. J’utilise les excédents de mes pièces de couture, des tissus anciens, des choses qui restent précieuses pour moi. Je les plie au feeling. Des mois plus tard, je change quelque chose, j’élimine une partie, je trouve autre chose: j’y travaille jusqu’à ce que ce soit parfait. Ce sont de toute façon des pièces uniques qui, pour moi, n’ont pas besoin d’être portables. Elles peuvent l’être, mais ce n’est pas leur finalité."
Frugalité créative
Quand je lui demande quels sont ses projets pour sa collection de prêt-à-porter, elle semble avoir une foule d’idées qu’elle ne veut dévoiler que progressivement. "L’univers de la mode est comme un immense buffet de plats que l’on consomme trop goulûment. Moi, c’est différent: je suis frugale."
Sans vouloir rester coincée dans un système de mode étouffant, elle tient à continuer à travailler, car elle aime ça. "Je veux être heureuse, je veux que mon fils soit heureux, je veux être une bonne personne, même si je suis certainement loin d’être parfaite, mais il y a des valeurs que je tiens à respecter, aussi minimes soient-elles. La gloire n’en fait pas partie. Les affaires sont bonnes. Je n’ai pas de dettes, pas de crédits. J’ai les pieds bien sur terre. Je suis heureuse de vivre avec celle que je suis devenue. Je sais ce dont je suis capable et j’en suis fière. Mes pièces se vendent bien, car elles restent portables et accessibles. J’ai toujours des principes forts, mais je parviens à les honorer. Ma devise reste ‘Slow, low profile and silent’. C’est tout moi: assez classique, mais toujours un peu underground."
Le groupe des Six d’Anvers (*) vu par Marina Yee
(*) Le groupe des six créateurs Pionniers de la mode d’avant-garde en Belgique dans les années 80.
AMBITION ET AFFECTION - "À l’Académie de la mode d’Anvers, au début des années 80, nous nous entendions très bien, même si nous avions chacun notre style et notre caractère. Walter et Martin Margiela étaient une année au-dessus de nous, Dries, Dirk, Ann et moi. Nous étions ambitieux et croyions en nous-mêmes. Nous admirions nos prédécesseures, mais avions le sentiment d’être meilleurs, car nous sentions bien mieux qu’eux l’air du temps et l’esprit qui régnait à l’époque."
SOUTIEN FINANCIER - "Mode, c’est belge et le Plan Textile mis en place par le gouvernement nous ont lancés et soutenus financièrement. Nous faisions un magazine, organisions des défilés de mode, choisissions nos fournisseurs. Nous sommes allés tous les six à Londres: comme nous avions un seul agent et un seul showroom, la presse nous a baptisés les Six d’Anvers. Nous étions au bon endroit au bon moment."
OUBLIER LE PASSÉ - "Ce qui nous unissait, c’était le désir de quelque chose de nouveau. Comme au milieu des années 60, quand Yves Saint Laurent a été le premier couturier à faire du prêt-à-porter. Nous voulions proposer une belle fabrication, basée sur un bon modèle, adaptée à chacun et fonctionnelle. Tout le passé n’était pas à jeter, mais nous étions rebelles."
INFLUENCE MAJEURE - "Au Japon, il y avait des créateurs chez qui nous retrouvions cet esprit rebelle: Rei Kawakubo, de Comme des Garçons, et Yohji Yamamoto. Ils faisaient un pull troué, par exemple. Cela nous a sciés. Ici, en Europe, nous avions une très belle tradition de savoir-faire et de confection, mais quand les Japonais ont débarqué avec leur culture de kimonos et de vêtements oversized, tout a changé. Leur image de la femme n’était pas sexy, mais intelligente. Il n’était plus question de séduction et de féminité, mais d’affirmation artistique. Pour le monde de la mode, c’était révolutionnaire."