Le deuxième pilier de pension coûte 2,8 milliards à l'État
C'est une première: le Bureau fédéral du plan évalue le montant des dépenses fiscales générées par un système encouragé de longue date.
La mission confiée par la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) au Bureau fédéral du plan, fut loin d'être évidente: calculer le coût pour l'État du deuxième pilier de pension – ou pension complémentaire – largement encouragé fiscalement. C'est la première fois qu'un calcul portant à la fois sur ces dépenses fiscales et parafiscales tant pour les salariés que pour les indépendants est réalisé. Compte tenu des données disponibles et de la méthodologie retenue, le travail peut encore être affiné, précise le Bureau du plan.
Bref rappel, le deuxième pilier est là pour amortir le choc entre le montant du dernier salaire et des montants de pensions considérés comme peu élevés en Belgique. Les primes versées durant la carrière bénéficient d'une fiscalité avantageuse pour les salariés et d'une déductibilité intéressante pour les indépendants par rapport à un revenu du travail traditionnel. Les cotisations sociales liées au système sont également moindres. Le capital constitué génère des intérêts avant d'être reversé au moment de la retraite. Le Bureau du plan est clair, la fiscalité qui frappe le capital libéré à ce moment-là ne compense pas les avantages octroyés tout au long de la carrière.
Deux hypothèses
- Pour la première fois, le Bureau fédéral du plan évalue le montant des dépenses fiscales générées par la pension complémentaire au niveau de l'État.
- Un calcul qui a ses limites, mais qui alimentera la réflexion du gouvernement dans le cadre de la réforme annoncée des pensions.
- La ministre Karine Lalieux (PS) estime qu'en l'état, le système est inéquitable.
- Attention, il repose sur un marché "sous pression" et joue sur la norme salariale.
"Si le deuxième pilier des pensions était taxé selon le régime fiscal général sans que cette taxation n’influe sur le montant total des versements, les caisses de l’État auraient engrangé 3,35 milliards d’euros supplémentaires en 2018: 2,1 milliards d’euros chez les salariés et 1,26 milliard d’euros chez les indépendants (la différence est affaires d'arrondi, précise le BFP)", conclut le Bureau du plan dans son rapport qui sera rendu public ce mardi.
Mais ce chiffre est très théorique puisqu'il ne tient pas compte d'une éventuelle adaptation du marché. Le Bureau du plan a donc introduit dans son calcul un changement de comportement dans le chef des employeurs. Si "ceux-ci versent un montant moins élevé pour leurs travailleurs pour compenser l'augmentation de l'impôt (et ainsi maintenir inchangé le coût salarial total), les dépenses fiscales pour le régime des salariés tombent de 2,1 milliards d'euros à 1,57 milliard d'euros", dit le rapport. Le coût global du système est ainsi ramené à 2,82 milliards d'euros.
C'est plus que les 2 milliards évoqués par la ministre Karine Lalieux il y a quelques semaines lorsqu'elle dévoilait sa volonté de réformer le système "pour éviter que seul un petit groupe de citoyens l'utilise comme un instrument d'optimisation fiscale et se constitue ainsi des pensions très élevées", expliquait-elle. La socialiste s'appuyait sur un rapport de la Cour des comptes indiquant qu'en 2017, 1% des bénéficiaires avaient perçu 20% du montant total versé dans le cadre du système pendant que 70% se partageaient 10% de ce même montant.
La Cour pointait également un problème de contrôle des montants déduits par les entreprises et de perception des cotisations sociales. Contacté, le cabinet Lalieux n'a pas souhaité en dire davantage, renvoyant à la réforme globale des pensions qui doit être présentée d'ici la rentrée de septembre.
"Si les employeurs versent un montant moins élevé pour leurs travailleurs pour compenser l'augmentation de l'impôt, les dépenses fiscales pour le régime des salariés tombent de 2,1 milliards d'euros à 1,57 milliard d'euros."
On ne sait donc pas grand-chose des intentions du gouvernement en la matière. Mais toute réforme risque d'entraîner un calcul coût-bénéfice au niveau des entreprises et de nuire à l'attractivité du système qui repose sur un marché sous pression sur fond de taux d'intérêts bas, commente Corinne Merla, spécialiste. Elle rappelle au passage que le financement du deuxième pilier est compris dans la norme salariale, fixée à 0,4% et qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive ces derniers jours.
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