chronique

Fin du privilège politique sur Facebook, un pari osé

Journaliste

Facebook met fin au statut privilégié des personnalités politiques sur son réseau. Une première qui pourrait avoir de lourdes conséquences financières.

Même s'il est déserté par les plus jeunes et que les jeunes trentenaires y passent une tête pour observer la vie de leurs copains d'avant, les plus de 35 ans sont toujours bien actifs sur Facebook. La création de Mark Zuckerberg reste le plus important réseau social au monde en nombre d'utilisateurs.

Mark Zuckerberg refuse obstinément depuis des années de jouer le rôle "d'arbitre de la vérité en ligne".

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Facebook a annoncé ce vendredi bannir Donald Trump pour deux ans et mettre fin à l'immunité très controversée dont bénéficient les politiques qui enfreignent ses règles, et donc de les traiter comme n'importe quel usager. Le politique traité comme un utilisateur lambda? On a peine à y croire, surtout au vu des énormes dépenses en publicités politiques enregistrées par Facebook. Et pourtant, le géant des réseaux sociaux annonce ce retournement de situation suite aux remontrances de son conseil de surveillance, son nouveau chaperon qui doit veiller à l'éthique du réseau, qui a été très clair: "Les mêmes règles devraient s'appliquer à tous les utilisateurs". Le conseil de surveillance de Facebook était appelé à décider si Facebook a eu raison ou non de bannir l'ancien président Donald Trump.

L'arbitre de la vérité en ligne

100
millions
En 2020, année d’élection présidentielle américaine, Facebook a récolté uniquement de la part des deux candidats à la Maison-Blanche plus de 100 millions de dollars de revenus publicitaires.

Cette "cour suprême" du réseau social a reconnu l'urgence de l'intervention sur le moment, mais a renvoyé la décision ultime – le laisser revenir ou pas sur le réseau – à Facebook. Le réseau social a décidé: 2 ans d'interdiction de Facebook pour l'ancien président, une première. Mais au-delà de cette sentence choc, elle a surtout appelé le réseau à clarifier ses règles "arbitraires" et c'est ça qui est intéressant, car Mark Zuckerberg refuse obstinément depuis des années de jouer le rôle "d'arbitre de la vérité en ligne".

Une position devenue intenable avec le phénomène Donald Trump, prompt à nier l'existence d'une pandémie ou à dénoncer, sans preuve, des fraudes électorales. L'expulsion de Trump du réseau en janvier a marqué un tournant, mais Facebook en avait fait un cas unique en ne touchant pas au traitement de faveur octroyé aux personnalités politiques.

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Un réseau de castes peut-il être égalitaire?

Virage à 180°. Les politiques seront donc traités comme n'importe quel utilisateur sur la plateforme. Fini les passe-droits en cas de partage de fake news ou de contenu offensant. C'est d'autant plus surprenant que Facebook a toujours été envisagé comme un réseau d'élite. D'abord uniquement réservé aux étudiants de Harvard, puis à ceux de l'Ivy League (les plus prestigieuses universités américaines) avant d'être accessible petit à petit au reste du monde, Facebook a toujours été construit comme un réseau social de castes avec des couches internes pour séparer les publics. Octroyer des privilèges à des politiques ou des stars n'était qu'une étape logique. Reflet d'une réalité où la personnalité politique se voit régulièrement octroyer des passe-droits, Facebook va peut-être pour une fois montrer l'exemple. Et ça, Mark Zuckerberg le doit à tous les excès de l'ancien président des États-Unis.

Les politiques seront-ils aussi généreux et dépensiers lorsque leur statut privilégié sera aboli? Facebook semble prêt à prendre le risque et c'est tant mieux.

Facebook prend aussi un risque financier avec cette décision. Les publicités à caractère politique sont une vache à lait pour le groupe de Menlo Park. En 2020, année d'élection présidentielle américaine, Facebook a récolté uniquement de la part des deux candidats à la Maison-Blanche plus de 100 millions de dollars de revenus publicitaires. Les politiques seront-ils aussi généreux et dépensiers lorsque leur statut privilégié sera aboli? Facebook est prêt à prendre le risque et c'est tant mieux.

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