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Le Nouveau Monde selon le pianiste Daniil Trifonov

Memphis, Chicago, Cleveland, New York... Trifonov passe par les grandes villes qui ont fait la musique américaine. ©Dario Acosta

Jazz, swing, minimalisme, musiques de film: le pianiste russe Daniil Trifonov déclare sa flamme à l'Amérique où il s'est installé en 2009. Un double album absolument génial!

Des pianistes de la trempe de Daniil Trifonov (°1991), il n'y en a guère plus d'un par génération. Un talent fulgurant qui s'est tout de suite imposé au tournant des années 2010 lorsqu'en quelques mois, le Russe remporte le Concours Rubinstein à Tel-Aviv, le Concours Tchaïkovski à Moscou et un troisième prix au Concours Chopin de Varsovie, qui fit dire à Martha Argerich, la légende vivante du piano qui siégeait dans le jury: "La nuit dernière, je l'ai réécouté sur YouTube. Il possède tout et plus encore. Ce qu'il fait avec ses mains est techniquement incroyable (...) Je n'ai jamais entendu quelque chose de semblable".

Le voir jouer a en effet quelque chose de sidérant: arc-bouté sur son clavier, les yeux exorbités par des fulgurances qui le traversent comme des éclairs, le cheveu filasse plaqué sur le front par la sueur de l'effort, il fait l'effet d'un Raspoutine du piano, littéralement habité. C'est en tout cas comme cela que nous l'avions perçu à Flagey, en 2019, quand il encadrait l'"Opus 110", l'une des dernières sonates de Beethoven, de deux pièces hallucinées de Scriabine, d'un seul tenant, sans interrompre le fil d'une vision qui semblait se déployer au-dessus de l'instrument comme un paysage infini.

Daniil Trifonov - Victor Young: When I Fall in Love (Arr. Bill Evans for Piano)

Le son de l'Amérique

C'est aussi l'impression que donne son dernier double album paru la semaine dernière chez Deutsche Grammophon, "My American Story, North", qu'il décrit comme le plus personnel de ses enregistrements. On le savait pénétré par la musique américaine depuis qu'il a foulé, en 2009, le sol américain, découvrant avec son maître au Cleveland Institute of Music, Sergeï Babayan, un répertoire qu'il n'avait jamais entendu jusque-là. Sauf peut-être le concerto de Gershwin qu'il s'était juré de jouer alors qu'il étudiait encore à l'Académie Gnessine pour jeunes prodiges de Moscou. Mais c'est avec stupéfaction qu'il découvre le swing, irrépressible, de la musique américaine, le jazz, le minimalisme et la musique de film qui inondent à présent son double album.

Daniil Trifonov au mythique Carnegie Hall de New York, le 28 octobre 2017.
Daniil Trifonov au mythique Carnegie Hall de New York, le 28 octobre 2017. ©Getty Images
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La fluidité d'Art Tatum

Il en avait déjà conçu un programme de concert, "Decades", qui alignait Aaron Copland, John Adam ou John Corigliano. On les retrouve ici, mais augmentés du jazz, ouvrant le premier disque par sa propre transcription à l'oreille de "Cover the Waterfront" d'Art Tatum, qui avait déjà estomaqué Vladimir Horowitz, sans doute le plus grand virtuose du XXe siècle, qui avait dit du fabuleux jazzman: "S'il s'intéresse au classique, je peux raccrocher les gants".

On sent, sous les doigts de Trifonov, cet enthousiasme de gamin à imposer à son immense technique classique la souplesse infinie du jazz.

On sent, sous les doigts de Trifonov, cet enthousiasme de gamin à imposer à son immense technique classique la souplesse infinie du jazz. Le double album est aussi construit autour du concerto que lui a composé Mason Bates, aussi cinématographique que la b.o. d'"American Beauty", amplifiée dans le même esprit par le Philadelphia Orchestra, sous la direction vitaminée de Yannick Nézet-Seguin.

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Et quelle idée géniale de terminer avec le toujours subversif "4'33'' de John Cage, substituant au son du piano le tumulte de l'Amérique tel que le découvre l'immigrant lorsqu'il débarque avec ses valises à la station de métro Columbus Circle de New York. On attend maintenant la suite, coulée dans les rythmes sensuels
de l’Amérique latine...

Classique - Jazz

"My American Story (I) - North"

Pièces de Tatum, Gershwin, Copland, Evans, Adams, Corigliano, Grusin, Newman, Bates, Cage

Daniil Trifonov, piano - The Philadelphia Orchestra, dir. Yannick Nézet-Seguin

Label: Deutsche Grammophon

Sortie de l'album le vendredi 4 octobre 2024

> Site officiel de l'artiste En savoir plus

Note de L'Echo:

Entretien avec Daniil Trifonov | De Rachmaninoff à Chopin
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