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Christophe Sermet: "Shakespeare est un bon camarade"

Christophe Sermet explore les thèmes éternels de Shakespeare au Théâtre National. ©Marc Debelle

Du 22 janvier au 1ᵉʳ février, Christophe Sermet revisite "Hamlet" au Théâtre National. Une création qui mêle sobriété scénique et puissance sonore pour "parler des étoiles avec les pieds dans la gadoue".

Plus qu'un classique, "Hamlet" est une énigme vivante, dont Christophe Sermet déterre la substantifique moelle. Il opte pour une simplicité saupoudrée de rock et offre un voyage de trois heures qui explore les éternels thèmes du doute, de la folie, et de la quête de sincérité.

Pourquoi Hamlet?

Christophe Sermet: Hamlet est une vieille envie que je n'ai jamais osée. Et Pierre Thys (le directeur du théâtre national, NDLR) m'a dit: "C'est maintenant ou jamais."

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Pourquoi ne serait-il plus possible de réaliser un projet de cette envergure?

Les programmateurs ont peur d'ennuyer les gens. Je trouve que la notion de tragique se perd au théâtre. On passe plus souvent par des aspects documentaires, de plateau, ou des écritures à la première personne – qui peuvent d'ailleurs être très bien. Il y a une prédominance du théâtre ayant des liens directs avec l'actualité, avec moins de détours par la fiction.

On doute aussi de perdre l'attention du public avec les longs formats. "Hamlet" est ma pièce la plus longue. Shakespeare le permet, c'est tellement dense que ça résiste au temps.

Christophe Sermet: "C'est troublant à quel point la pièce parle de nous sans qu'on ait besoin de le souligner ou d'aller chercher des raccourcis directs avec le contexte sociétal actuel."
Christophe Sermet: "C'est troublant à quel point la pièce parle de nous sans qu'on ait besoin de le souligner ou d'aller chercher des raccourcis directs avec le contexte sociétal actuel." ©Marc Debelle
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"La scénographie convoque l’univers sur quelques mètres carrés."

Christophe Sermet
Metteur en scène

Est-ce intimidant de s'attaquer à un tel classique?

Au tout début oui, mais la timidité s'en va assez vite. Shakespeare est un bon camarade. On se rend vite compte que le statut de pièce paradigmatique n'est pas usurpé.

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L'idée est de l'aborder comme si c'était un texte contemporain, ne pas se sentir obligé de rendre justice à quoi que ce soit. Et c'est comme si le travail avait déjà été fait. On se sent plus libre, car tout a déjà été fait, y compris de retourner à quelque chose d'assez simple.

Vous misez donc sur la simplicité.

La scénographie est une synthèse du théâtre élisabéthain originel: un podium avec un balcon et un mur du fond. On l'a conçu comme un monolithe, un petit théâtre dans le théâtre, car Hamlet parle justement de méta-théâtre. Elle convoque l'univers sur quelques mètres carrés. On la perçoit aussi comme un phare perdu dans la nuit qui ne claire plus trop, une île à la dérive dans l’océan du métaphysique.

"Hamlet, c’est le début de l’Homme, un héros qui doute de lui-même, mais ne doute pas du fait qu’il doit agir."

Christophe Sermet
Metteur en scène

Est-ce que "Hamlet" s'adresse à un large public?

Le théâtre élisabéthain rassemble tous les goûts: romance, action, poésie philosophique… C'est un patchwork de choses humaines plus ou moins élevées, frivoles, voire obscène, et surtout une balance entre comédie et tragédie. Peu de gens connaissent vraiment Hamlet, Hamlet a déjà du mal à se connaître lui-même...

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Alors, qui est Hamlet?

Hamlet, c'est le début de l'Homme, un héros qui doute de lui-même, mais ne doute pas du fait qu'il doit agir. Il sait qu'il doit faire quelque chose, mais il ne sait pas quoi. C'est un personnage qui se regarde dans le miroir, comme s'il sortait de la pièce, comme s'il se demandait "qu'est-ce que je fais dans ma propre vie". Il y a aussi la question de la folie. Jouer la folie, est-ce prendre le risque de devenir fou ou de guérir de sa propre folie? Est-ce moi qui me déplace dans le monde, ou est-ce le monde qui bouge autour de moi?

Hamlet se questionne sur la préciosité des rapports entre les gens, sur l'amitié et l'amour au sens large, et sur leurs revers. Il est dans une quête pointue sur ce qu'est la sincérité. C'est vertigineux la manière dont ça va et ça vient parfois dans une seule phrase.

C'est troublant à quel point la pièce parle de nous sans qu'on ait besoin de le souligner ou d'aller chercher des raccourcis directs avec le contexte sociétal actuel.

Vous avez tenu à traduire vous-même la pièce.

Je voulais trouver le bon endroit dans la langue. Ne pas l'affadir sans pour autant que ça sonne ampoulé. L'anglais élisabéthain n'est vraiment pas facile à traduire en français. J'ai patiemment taillé mon Hamlet, ce qui m'a permis de m'immerger dans cette pièce et de la faire sur mesure pour les acteurs et les actrices avec qui j'avais envie de travailler.

Parfois, il y a une étrangeté dans la langue qu'on a tendance à rendre plus évidente en français dans le souci que tout le monde comprenne. J'aime bien cette étrangeté-là. Souvent, je la conserve, mais je suis attentif à la sonorité, à obtenir une certaine musicalité, comme on peut trouver dans le rap.

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Comment votre perception de la pièce a-t-elle évoluée?

Au début, je pensais que la pièce était morcelée. Or, on ressent une grande continuité. Ce qui m'a frappé, c'est à quel point ça s'apparente à un long poème. Le plus important, c'est cette longue réflexion sur ce qu'on fout ici-bas.

Quelles ont été vos inspirations?

J'ai rapidement pensé à Wim Wenders, pour "Les ailes du désir", avec l'ange qui vient veiller sur les vivants, la personne qui regarde sur votre épaule et dont, dans "Hamlet", on peut se poser la question de la bienveillance. La grande différence, c'est que j'ai le souvenir d'un film très doux, avec une tendresse pour l'humain. Or, dans la pièce, pas loin derrière, il y a la violence extrême.

"Il y a chez Hamlet une notion de danse des morts, un rapport à la fois métaphysique et concret à la mort."

Christophe Sermet

Je pense que Hamlet se retrouve dans beaucoup d'œuvres modernes anglosaxones: "Dracula" de Coppola, "Shutter Island" de Scorsese, "La reine Margot" de Chéreau, ou même l'univers de Tim Burton. Il y a chez Hamlet une notion de danse des morts, un rapport à la fois métaphysique et concret à la mort, le pragmatisme de certaines œuvres cinématographiques peut être une inspiration à ce niveau-là. La poésie est parlante quand elle est la plus concrète possible. On parle des étoiles avec littéralement les pieds dans la gadoue.

Une adaptation de "Hamlet" vous a-t-elle particulièrement marquée?

Il y en a eu beaucoup... Je trouve que, même quand ça ne correspond pas à nos goûts, la force de la poésie de Shakespeare nous touche.

"Hamlet" serait inratable?

C'est tout à fait ratable... Mais même dans la catastrophe, même fracturé au sol, la langue de Shakespeare continue à nous parler.

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