Les Belges jugent les frais bancaires trop élevés
On arrête les frais. C’est ce qu’aimerait plus de la moitié de la population concernant le coût des services bancaires. L’Echo et De Tijd ont sondé l’opinion des belges à l’occasion des 10 ans de la crise bancaire.
Le secteur financier souffle cette semaine les bougies d’un anniversaire funeste: les 10 ans de la crise bancaire, marquée par la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Une décennie plus tard, que pensent les Belges de leurs banques, et comment cette opinion a-t-elle évolué? L’Echo a pris le pouls, à travers une vaste enquête menée par Kantar TNS sur un panel de 1.053 personnes, représentatif de la population belge.
→ Les frais bancaires sont trop élevés pour les services fournis
57% des sondés pensent que les frais facturés par les banques sont bien trop élevés. 13% seulement les pensent convenables. 66% des Belges sont par ailleurs convaincus que les banques ont répercuté le coût de la crise sur leurs clients, notamment en réduisant les taux d’intérêt sur l’épargne et en imposant ces frais bancaires plus élevés. Une tendance encore plus élevée chez les investisseurs (73%) et les personnes âgées (environ 80%).
Nous avons voulu confronter les banquiers aux réponses de la population belge. Une belle utopie: KBC, Belfius, ING et BNP Paribas Fortis ont décidé collectivement de ne pas réagir aux résultats de notre enquête. C’est donc Karel Van Eetvelt, CEO de Febelfin, la Fédération belge du secteur financier, qui s’exprime en leur nom. Il considère d’abord cette réaction comme hors de la réalité: "En France, on paye presque 200 euros, alors qu’on est ici à 50 euros par an en moyenne. Les coûts réels, eux, sont nettement plus hauts, les banques font donc des pertes sur de tels services. Et puis il y a beaucoup de banques en Belgique. Le client a un large choix de tarifs. Mais le sentiment, je le comprends: les gens ici se disent qu’une banque, c’est un service mutuel pour lequel on ne devrait pas payer."
10 ans de crise
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Il n’empêche, le commun des mortels se sent toujours lésé. 62% des répondants pensent que les banques font passer les intérêts de leurs actionnaires avant ceux de leurs clients. Ici aussi, le patron de Febelfin a la réponse toute trouvée: "La Banque centrale européenne l’exige, tout comme la Banque nationale qui demande un profit de 8 à 10%. Mais c’est vrai qu’en cas de problèmes, la réponse des banques est parfois (trop) juridique. Les clients se disent que leurs banques ne les aident plus, elles veulent d’abord sauver leur situation. Sur ce point-là, je pense que nos banques doivent chercher l’équilibre entre les réponses humaines et juridiques."
→ Décodage
Des frais bancaires pas si élevés que ça
La crise bancaire a-t-elle fait grimper les frais que les banques belges appliquent à leurs clients? D’après les statistiques officielles, cela ne semble pas être le cas. Dans l’indice des prix à la consommation, la composante des prix des services bancaires n’a progressé "que" de 13,4% entre fin 2007 et juillet 2018, alors que, dans le même laps de temps, les prix à la consommation, dans l’ensemble, ont grimpé de 22%. "Les frais bancaires en Belgique ont effectivement connu une augmentation inférieure à celle de l’inflation", soulignait Febelfin, la fédération du secteur financier belge, en mai dernier
De plus, entre 2008 et 2013, années marquées par la crise bancaire et la crise de la dette publique en zone euro, les frais bancaires n’ont progressé que de 2,3% en Belgique. C’est dans les années suivantes, à partir de 2014, qu’une sorte d’effet de rattrapage a eu lieu. Or, c’est en 2014 que les taux d’intérêt ont commencé à baisser fortement en zone euro, y compris en Belgique. À l’époque, des taux d’intérêt négatifs à court terme ont fait leur apparition sur les marchés et les taux à long terme se sont également tassés, ce qui a placé les marges des banques sous pression: rappelons que celles-ci se paient sur la différence entre, d’une part, les taux à long terme des prêts qu’elles octroient et, d’autre part, les taux à court terme des placements qu’elles rémunèrent. Par conséquent, la récente hausse des frais bancaires serait surtout, pour les banques, une compensation partielle du manque à gagner au niveau de leur marge d’intérêt.
Certes, sans la crise bancaire, les taux n’auraient peut-être pas baissé autant mais de là à en conclure que c’est cette crise qui a fait grimper les tarifs des banques, il y a de la marge (d’intérêt). Une seule chose est certaine: entre 2008 et aujourd’hui, les structures tarifaires des banques ont connu une complexification croissante rendant la comparaison entre les offres des différentes enseignes très compliquée. Les "packs" (offres comprenant plusieurs services bancaires) ne sont pas les mêmes d’une banque à l’autre, les tarifs qui étaient annuels avant la crise sont souvent devenus mensuels, les prix varient fortement selon le profil du client, etc. Le consommateur doit donc se montrer beaucoup plus attentif qu’avant la crise s’il veut limiter ses frais bancaires. Petite consolation: changer de banque est plus facile qu’en 2008.
→ La confiance dans les banquiers en chute libre
Si 36% des Belges pensent que les banques sont aujourd’hui plus sûres qu’en 2008, grâce aux mesures prises après la crise bancaire, il ne faut pas crier victoire trop vite. Certes, les Belges sont aussi nombreux à faire confiance au système de garantie de dépôt: 46% contre 14% de craintifs. Mais la moitié des personnes interrogées font aujourd’hui moins confiance aux banques qu’en 2008. Une poussière de 4% seulement voit cette confiance augmenter.
Lorsque l’on creuse plus loin, on constate néanmoins que cette confiance vise davantage les banques belges (40% de préférence) contre les banques étrangères (8% seulement). Les banques publiques jouissent également d’une plus grande confiance (25%) que les commerciales (13%). Enfin, les bureaux de banques sont privilégiés devant les services en ligne (voir infographie ci-contre).
Pour Karel Van Eetvelt, cette crainte est d’abord due à la crise de 2008. "On dit souvent que la confiance est difficile à gagner, mais facile à perdre. Je pense qu’on ne parvient pas encore à démontrer de manière suffisante notre plus-value pour la société. Il faut savoir quels sont les grands défis sociétaux futurs, investir dans des initiatives plus durables."
→ Les patrons des grandes banques gagnent trop d’argent
Coup de grâce pour les banquiers: ¾ des sondés pensent que les CEO de nos banques sont trop rémunérés. Un mécontentement partagé par près de 9 personnes sur 10 chez les plus âgés. Seuls 4% soutiennent leurs payes. Une maigre consolation?
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