La SEC autorise enfin les ETF en bitcoin aux États-Unis
La décision du régulateur américain des marchés d'autoriser les ETF investis en bitcoin était très attendue par les investisseurs. Pourquoi? Et de quoi s'agit-il exactement?
Le verdict est tombé. Le gendarme américain des marchés, la SEC (Securities & Exchange Commission) a publié, ce mercredi peu avant la clôture de Wall Street, un document officiel d'autorisation de fonds cotés, ou ETF, investis en bitcoin .
Une douzaine d'émetteurs ayant effectué une demande ont reçu une réponse favorable, parmi lesquels les géants de la gestion d'actifs BlackRock, Invesco et Fidelity Investments, et ou encore le précurseur Grayscale. Leurs produits seront cotés à New York sur le NYSE et le Nasdaq, ainsi que sur le CBOE (Chicago Board Options Exchange). Les cotations pourraient démarrer dès ce jeudi.
"Les investisseurs doivent rester prudents face à la myriade de risques associés au bitcoin et aux produits dont la valeur est liée aux cryptos."
"Les émetteurs des ETF en bitcoins seront tenus de fournir des informations complètes, justes et véridiques sur les produits", indique dans un communiqué le président de la SEC, Gary Gensler. "La SEC enquêtera de manière approfondie sur toute fraude ou manipulation sur les marchés des valeurs mobilières, y compris par des stratégies utilisant les réseaux sociaux", ajoute-t-il, alors que les communautés liées aux cryptoactifs ont parfois utilisé X (ex-Twitter) ou d'autres plateformes en ligne pour tenter d'influencer les cours.
"Bien que nous ayons approuvé la cotation d'ETF en bitcoin aujourd'hui, nous ne soutenons pas le bitcoin. Les investisseurs doivent rester prudents face à la myriade de risques associés au bitcoin et aux produits dont la valeur est liée aux cryptos", met en garde le régulateur.
L'épilogue d'une saga rocambolesque
Cette décision fait suite à un vrai coup de théâtre qui a secoué le monde des cryptomonnaies. Mardi soir, quelques minutes après la clôture de Wall Street, le compte X de la SEC avait publié un message selon lequel le régulateur financier décidait d'autoriser les ETF investis en bitcoin. Quelques minutes plus tard Gary Gensle avait démenti, affirmant que le compte X du régulateur avait été piraté et qu'aucune décision n'avait été prise quant aux ETF investis en bitcoin.
Sur le marché des cryptomonnaies, l'impact sur le cours du bitcoin ne s'était pas fait attendre. Alors qu'il fluctuait autour de 46.730 dollars avant cette première fausse annonce, son prix avait bondi à 47.890 dollars suite à la publication de la SEC, avant de retomber immédiatement après le démenti. Après l'annonce officielle de ce mercredi, le cours du bitcoin est toutefois resté proche du niveau de 46.000 dollars auquel il fluctuait peu avant la publication de la SEC.
Si cette saga a retenu à ce point l'attention des investisseurs, c'est parce que l'autorisation des ETF "spot" sur le bitcoin est vue comme un important catalyseur potentiel pour les cours des cryptoactifs, et que de nombreux enjeux y sont liés.
Que sont les ETF bitcoin "spot"?
Le terme ETF, acronyme de "Exchange Traded Fund" se traduit par "fonds coté en bourse". Contrairement à un fonds de placement classique, dont la valeur d'inventaire est calculée chaque jour, les ETF ont une valeur qui fluctue au cours de la journée durant la séance boursière, de la même manière que les actions de sociétés cotées. Ils sont donc plus à même de refléter l'évolution en direct de la tendance des marchés, et sont dès lors plébiscités par les investisseurs qui souhaitent reproduire la performance des indices, comme le S&P 500 ou le MSCI World, que de nombreux ETF reproduisent en achetant les actions qui les composent.
Les véhicules d'investissement en crypto existants (...), fonctionnent de manière plus complexe et moins flexible, et ne parviennent ainsi pas toujours à reproduire fidèlement la performance du bitcoin (ou d'autres cryptos).
Outre la reproduction d'indices boursiers, ces ETF peuvent aussi être gérés activement par des gestionnaires de fonds, ou encore être investis dans d'autres types de produits financiers, comme des obligations, du private equity... et enfin, des cryptomonnaies.
Sauf que dans ce cas-là, du moins aux États-Unis, les ETF n'avaient jusqu'ici pas pu acheter directement des bitcoins (ou d'autres devises numériques) en raison de la législation, qui ne considère par les cryptomonnaies comme des valeurs mobilières. Les véhicules d'investissement en crypto existants, comme le Grayscale Bitcoin Trust, fonctionnent de manière plus complexe et moins flexible, et ne parviennent ainsi pas toujours à reproduire fidèlement la performance du bitcoin (ou d'autres cryptos).
Les émetteurs de fonds, comme BlackRock ou Invesco, essayaient donc depuis des mois de faire changer les choses et de lancer leurs ETF investis directement en bitcoins (des ETF "spot"), que les investisseurs attendaient avec impatience pour leur facilité de transaction, qui peut se faire via une application de trading "classique", sans passer par une plateforme crypto.
Pourquoi cette saga agite-t-elle le marché?
Ces fonds cotés d'un nouveau genre retenaient donc fortement l'attention du marché des cryptos, qui ont nettement rebondi depuis un an en spéculant sur leur autorisation. La raison est que les ETF investis en bitcoin pourraient largement démocratiser l'accès aux cryptomonnaies.
Au lieu d'acheter eux-mêmes des bitcoins, au travers de plateformes parfois peu recommandables, les particuliers s'adresseront à des émetteurs de fonds qui ont pignon sur rue, pour investir dans des ETF qui sont des produits régulés, et qui pourraient, de plus, être inclus dans des plans d'épargne-retraite.
Beaucoup estiment donc que l'autorisation par la SEC des ETF bitcoin "spot" constituera un nouveau catalyseur pour le prix de la cryptomonnaie, grâce à l'afflux massif de nouveaux investisseurs qui en résulterait. Il faut toutefois noter que cet évènement semble déjà avoir été inclus dans les cours, selon de nombreux analystes, étant donné que le prix du bitcoin a plus que doublé en 2023.
De plus, ces nouveaux produits n'auront pas que des avantages pour les consommateurs, explique Julien Vallet, CEO de la plateforme crypto Finst, récemment débarquée en Belgique. "Contrairement au bitcoin lui-même, les ETF en bitcoin ont des frais de gestion, ne sont pas négociables 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et ne peuvent pas être transférés vers un portefeuille personnel."
En quoi consiste la décision de la SEC?
Le verdict sur l'autorisation — ou non – des ETF investis en bitcoin était attendu de pied ferme ce mercredi 10 janvier. Il s'agissait de la date limite à laquelle la SEC devait se prononcer sur la demande d'émission de l'ETF bitcoin "spot" de Ark Invest (la société de gestion de fonds de Cathie Wood) en collaboration avec le gestionnaire 21shares. Le régulateur a fini par se décider pour une douzaine d'émetteurs au total.
"Toute société cotée en bourse qui commettrait une telle imprudence serait rappelée à l'ordre."
En pratique, l'autorisation se fait en deux parties. En premier lieu, la SEC doit changer les règles en vigueur pour autoriser l'échange de cette nouvelle catégorie de produits à la Bourse de New York (NYSE), sur le Nasdaq et le CBOE (Chicago Board Options Exchange). Ensuite, la SEC doit approuver individuellement chaque demande des émetteurs de fonds de lancer leurs ETF bitcoin "spot".
La grande majorité des observateurs s'attendait à ce que le régulateur autorise ces nouveaux ETF, malgré les réticences continues de son président Gary Gensler. En août dernier, la SEC avait en effet perdu une première manche face au précurseur du secteur Grayscale, lorsqu'un tribunal avait invalidé une décision l'interdisant de transformer son Grayscale Bitcoin Trust en un vrai ETF "spot" sur la cryptomonnaie.
Quel sera l'impact du couac de mardi?
Du côté politique, en tout cas, les critiques fusent par rapport au manque de cybersécurité qui a permis un tel dérapage de la SEC sur son compte X. "Toute société cotée en bourse qui commettrait une telle imprudence serait rappelée à l'ordre", a notamment déclaré le sénateur républicain Bill Hagerty, considérant ce qui s'est passé mardi soir "inacceptable".
Quant au bitcoin en lui-même, de nombreux analystes estimaient déjà ces derniers jours qu'une bonne partie de la hausse pourrait être derrière nous, car les marchés auraient déjà entièrement pris en compte l'autorisation des ETF "spot" par la SEC. Une tendance qui semblait se confirmer ce mercredi soir, alors que le cours de la première cryptomonnaie mondiale est resté plus au moins stable après l'annonce.
Si l'autorisation des fonds cotés investis en bitcoin déchaîne les passions aux États-Unis, il faut toutefois noter qu'en Europe, des produits du genre existent déjà depuis un certain temps. On retrouve ainsi plusieurs ETP (Exchange Traded Products) et ETN (Exchange Traded Notes) sur les bourses européennes, qui suivent directement la performance du bitcoin et sont réglementés (sans pour autant être obligés de détenir les actifs sous-jacents). Le Bitcoin ETP développé par 21shares (premier en lice pour lancer son ETF aux États-Unis) est ainsi déjà accessible sur les marchés Euronext de Paris et Amsterdam.
En parallèle, le gestionnaire londonien Jacobi Asset Management a lancé à l'été le premier ETF "spot" sur le bitcoin en Europe. Le Jacobi FT Wilshire Bitcoin ETF, enregistré à Guernesey, est ainsi coté sur Euronext Amsterdam depuis août 2023.
Les plus lus
- 1 Fabien Pinckaers: "Je suis comme Odoo, je n'ai pas besoin d'argent"
- 2 Élections communales: après recomptage des votes, le MR perd un siège au profit d'Ecolo à Bruxelles-Ville
- 3 Guerre en Ukraine | "Les Occidentaux sont-ils prêts à nous laisser gagner? Parfois, j'en doute"
- 4 Rafael Nadal entend désormais multiplier les coups gagnants en affaires
- 5 Gouvernement fédéral: l'Arizona de Bart De Wever se voit confier la discussion sur le budget des soins de santé