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analyse

Pourquoi Kamala Harris n'a pas fait le poids face à Donald Trump

Donald Trump n'a pas attendu la fin du comptage pour livrer un discours de victoire lors d'une soirée électorale à West Palm Beach, en Floride, le 6 novembre. ©AFP

Restée dans la roue de Joe Biden, peinant à incarner le renouveau qu'elle prétendait apporter, Kamala Harris n'aura pas convaincu face à un Donald Trump surfant plus que jamais sur la polarisation.

Grand vainqueur du scrutin, Donald Trump tenait donc la recette de la victoire, et ni ses excès ni l'offre de stabilité que proposait Kamala Harris n'auront suffi à le faire dérailler de sa course vers un second mandat de président des États-Unis à l'issue des élections présidentielles américaines.

La mobilisation des démocrates pour le respect de la démocratie et des droits des femmes n'aura pas fait le poids face à la demande de changement d'un électorat trumpiste remonté contre la hausse du coût de la vie et conquis par la promesse que tous les problèmes seront réglés – "I'll fix it".

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Kamala Harris collée à Joe Biden

Kamala Harris, partie avec le handicap d'être entrée très tardivement dans la course, avait la mission difficile de devoir incarner un renouveau tout en restant la vice-présidente des États-Unis. Mais elle sera restée dans la roue de Joe Biden, défendant son bilan.

À la question de savoir si elle aurait fait quelque chose différemment que Joe Biden au cours des dernières années, elle avait répondu pendant la campagne: "Il n'y a rien qui me vient à l'esprit", signalant combien elle s'inscrivait dans la continuité de son président.

"C'était une erreur majeure, alors qu'il fallait évidemment se distancier de Joe Biden, même si ça n'était pas évident. Ça a beaucoup joué contre elle", observe Serge Jaumain, professeur à l'Université libre de Bruxelles (ULB).

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Cela a notamment pu avoir un effet démobilisateur pour certaines franges de l'électorat traditionnellement démocrate – singulièrement chez les arabo-musulmans remontés contre la politique pro-israélienne du président sortant.

Plus généralement, le bilan de Joe Biden ent que président sortant n'aura pas été une marque porteuse pour la démocrate. "Une partie des Américains a mal vécu la présidence de Joe Biden, ce qui est particulier parce que les chiffres montrent qu'il a fait un travail assez remarquable, notamment sur le plan économique. Mais l'inflation a été très mal ressentie par la plupart des Américains", poursuit Serge Jaumain.

Kamala Harris a entamé sa campagne tardivement, mais dans un esprit joyeux. Elle a ensuite durci le ton et attaqué Trump. "Ce n'était peut-être pas la meilleure stratégie", déclare le professeur à l'ULB Serge Jaumain.
Kamala Harris a entamé sa campagne tardivement, mais dans un esprit joyeux. Elle a ensuite durci le ton et attaqué Trump. "Ce n'était peut-être pas la meilleure stratégie", déclare le professeur à l'ULB Serge Jaumain. ©AFP

Une stratégie de campagne qui avait évolué

Dans quelle mesure la mauvaise performance de Kamala Harris peut-elle être attribuée à sa stratégie de campagne? Le fait est que celle-ci a significativement évolué. Cet été, la démocrate s'était lancée dans la course sur une note joyeuse et axée sur l'espoir – tentant de s'inscrire dans les pas de Barack Obama.

Son arrivée avait donné lieu à une période de flottement dans la campagne républicaine, qui tardait à s'ajuster à la nouvelle donne. Dans cette phase, la campagne Harris disqualifiait son adversaire comme un vieil homme aux idées bizarres ("weird" était l'adjectif clé).

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"Donald Trump exprime quelque chose, un mécontentement fort de la population, une volonté de faire bouger les lignes."

Serge Jaumain
Université libre de Bruxelles

"Elle a progressivement changé son discours en répondant à Donald Trump, qui a considéré qu'il fallait l'attaquer très violemment – il a eu des propos orduriers à son encontre", rappelle Serge Jaumain. Elle a été jusqu'à estimer qu'on pouvait considérer son adversaire comme "fasciste" – comme l'avaient fait avant elle d'anciens proches collaborateurs de Trump lorsqu'il était à la Maison-Blanche.

"Ce n'était peut-être pas la meilleure stratégie", reprend le professeur à l'ULB, tout en soulignant qu'elle aura manié cette attaque avec beaucoup de prudence. En tout état de cause, conclut-il, "je ne suis pas sûr que si elle était restée dans un discours très sympathique, très souriant, elle aurait gagné l'élection".

Trump et le pari gagnant de la polarisation

En face, Donald Trump se sera adapté avec succès à l'arrivée de Kamala Harris. D'une campagne axée sur le déclin physique et mental de Joe Biden, il s'est réorienté vers des attaques ad hominem outrancières contre la vice-présidente.

Malgré son grand âge – et la fatigue qui a marqué ses derniers meetings – il est resté une bête de scène, déployant des qualités de tribun ancrées dans un langage simplifié à l'extrême, souvent violent, au service d'un discours axé sur la division, plus percutant que la ligne rassembleuse de Kamala Harris.

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"Donald Trump exprime quelque chose, un mécontentement fort de la population, une volonté de faire bouger les lignes. On ne peut pas dire que c'est son programme qui est très enthousiasmant, mais plutôt sa volonté de rompre des équilibres traditionnels de la société américaine, de casser les codes", analyse Serge Jaumain.

Il aura utilisé la clé "eux et nous" tout au long de sa campagne, distinguant les bons – ses électeurs – des mauvais. Dépeignant sa concurrente comme une imbécile; s'attaquant aux "ennemis de l'intérieur"; désignant les immigrés illégaux comme sa cible numéro un. Il est parvenu à placer la politique migratoire au sommet de l'agenda, au détriment du camp démocrate – Joe Biden était pourtant parvenu à dégager un accord bipartisan, que Donald Trump avait torpillé pour des raisons politiques –, et à mobiliser des nouveaux Américains, dans la communauté hispanique notamment, contre les nouveaux migrants.

"Il a eu un discours très polarisant, mais on ne peut pas dire que la polarisation vienne de lui, reprend Serge Jaumain: il a le sens de la foule et a bien compris qu'il y avait quelque chose à faire en utilisant la polarisation qui existe. Il a soufflé sur les braises pour remporter les clivages de la société américaine, mais ce n'est pas lui qui les a créés. De ce point de vue, c'est un formidable opportuniste."

Pour beaucoup d'observateurs, une des surprises du scrutin est le fait que le poids du vote féminin aura été moins déterminant qu'attendu.

Le raz de marée féministe n'a pas eu lieu

La victoire de Donald Trump est aussi la nouvelle défaite d'une femme pour la course à la Maison-Blanche. Que le critère de genre puisse avoir une incidence sur la mobilisation des électeurs était une inquiétude dans le camp démocrate: Barack Obama était intervenu pour tenter de mobiliser les hommes afro-américains, face à des sondages qui indiquaient une hésitation de cet électorat à soutenir une femme.

Pour beaucoup d'observateurs, une des surprises du scrutin est le fait que le poids du vote féminin aura été moins déterminant qu'attendu. "La campagne a été très marquée par le masculinisme. Les discours tenus par les républicains et par Donald Trump sont assez machistes – allant jusqu'à dire qu'il fallait protéger les femmes, 'même contre elles-mêmes'", rappelle Serge Jaumain.

Face aux attaques du camp républicain contre le droit à l'avortement, les démocrates espéraient pouvoir compter sur un grand nombre de voix d'électrices traditionnellement républicaines – si ce mouvement a eu lieu, il n'aura pas eu d'effet déterminant face à la vague Trump.

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