Présidentielle américaine: qui de Trump ou Harris gagnera la bataille des sept swing states?
L’étrange système du collège électoral américain, avec ses 538 voix, place au cœur de la bataille pour la Maison-Blanche sept des 50 États américains, qui ne représentent que 18% de la population.
Les autres États sont en effet déjà sûrs d’être remportés par la démocrate Kamala Harris ou le républicain Donald Trump. Dans ces sept États, Harris a besoin de 45 voix de grands électeurs, tandis que Trump doit en obtenir 50. Celui qui atteindra le premier les 270 voix l’emportera.
Pennsylvanie: Le gros lot se jouera entre Philadelphie et Pittsburgh
Avec 19 voix de grands électeurs, la Pennsylvanie est, parmi les sept États pivots, le gros lot à gagner dans le scrutin du 5 novembre. Son vainqueur est probablement celui ou celle qui deviendra le nouveau locataire de la Maison-Blanche. C’est donc dans cet État, situé entre Philadelphie sur la côte est et Pittsburgh à l’ouest, que les candidats à l'éléction présidentielle dépensent sans compter et y passent le plus de temps. Depuis septembre, Kamala Harris y a déjà dépensé 210 millions de dollars pour des publicités électorales et s’y est rendue pas moins de 12 fois pour un meeting. De son côté, Trump y a investi 171 millions de dollars et s’y est arrêté 16 fois. Des chiffres qui s’étofferont dans la dernière ligne droite de la campagne.
En 2020, Biden l’avait emporté avec à peine 80.000 voix d’écart sur un total de près de sept millions. Mais quatre ans plus tôt, Trump avait été le premier républicain depuis 1988 à y gagner. Comme à peu près partout, les grandes villes votent démocrate et les campagnes votent républicain. La véritable bataille se déroule donc dans les banlieues. C’est aussi l’État où Trump a failli se faire assassiner en juillet, dans la petite ville de Butler. Il y est revenu en octobre, avec à ses côtés, entre autres, le patron et supporter de Tesla, Elon Musk.
Un thème est fort débattu dans le "Keystone State" (la Pennsylvanie doit ce surnom au rôle central qu’elle a joué dans la cohésion des 13 États originels de l’Union): le fracking, cette technique de forage controversée utilisée pour extraire le gaz de schiste. Source importante d’emplois dans les zones rurales de Pennsylvanie et d’énergie pour l’ensemble du pays, elle nuit aussi gravement à l’environnement. Kamal Harris y était d’abord opposée, avant de se raviser, ce que n’a pas manqué de moquer son adversaire Trump.
Les Arabo-Américains ne cachent pas leur colère et frustration face au soutien de l’administration Biden-Harris à la guerre d’Israël à Gaza.
Michigan: L’État des ouvriers de l’automobile et des Arabo-Américains
L’État des Grands Lacs est le poumon de l’industrie automobile américaine, et donc une terre syndicale par excellence. La direction de l’un des plus puissants "Unions" soutient Kamala Harris. Mais rien ne dit que ses membres le suivront. La transition vers les voitures électriques bouleverse le paysage politique traditionnel. Les démocrates y sont favorables pour lutter contre le changement climatique, alors que les républicains freinent des quatre fers parce que les emplois manufacturiers en pâtiraient à long terme.
L’économie locale est très dépendante des cycles du secteur automobile. Si le Michigan a vu se déverser des milliards d’investissements verts dans l’industrie, leurs effets ne se feront sentir qu’à long terme. Aujourd’hui, le taux de chômage de l’État est supérieur à la moyenne américaine.
Autre facteur qui pourrait s’avérer décisif: comment voteront les Arabo-Américains dans les banlieues de Detroit, comme Dearborn? Ils ne cachent pas leur colère et frustration face au soutien de l’administration Biden-Harris à la guerre d’Israël à Gaza. En signe de protestation, vont-ils rester chez eux, voire voter pour Trump?
Les agriculteurs de l'État n’ont pas oublié les droits de douane imposés sur leurs produits en raison des guerres commerciales menées pendant le premier mandat de Trump.
Wisconsin: La dernière pierre du "mur bleu" démocrate
Le Wisconsin forme, avec la Pennsylvanie et le Michigan, la troisième pierre du "blue wall" — la couleur du parti démocrate — que Kamala Harris espère conserver dans son escarcelle. Si la démocrate remporte ce trio d’États du nord, elle arrivera aux 270 voix de grands électeurs, et donc décrochera son billet pour la Maison-Blanche. S’il veut gagner, Trump doit donc percer le mur bleu, en empochant au moins l’un des trois.
Comme le Michigan et la Pennsylvanie, le Wisconsin est dirigé par un gouverneur démocrate populaire. Et comme dans ces deux États, un sénateur doit également y être élu le 5 novembre, ce qui est crucial pour l’équilibre des pouvoirs au Congrès. Ces trois courses sont toutes "too close to call" (indécises).
Avec 80% de Blancs, le Wisconsin est le moins multi-ethnique des sept États pivots. Ce qui joue en faveur de Trump, qui a toujours obtenu de bons résultats dans les grandes régions rurales de cet État. Mais les agriculteurs du coin n’ont pas oublié les droits de douane imposés sur leurs produits en raison des guerres commerciales menées pendant le premier mandat du républicain. Ses marges de progression dans le Wisconsin sont donc plus faibles que dans les autres États.
Mais il ne devrait pas progresser de beaucoup pour emporter la mise. Lors des deux élections précédentes, la différence avait été inférieure à un point de pourcentage à chaque fois. En 2016, Trump l’avait emporté d’à peine 23.000 voix, en 2020, Biden l’avait battu de 21.000 voix.
Trump fait également des adeptes parmi les Noirs, qui l’apprécient pour sa supposée meilleure maîtrise des enjeux économiques.
Géorgie: Zoom sur les banlieues d'Atlanta
La métropole très bigarrée d’Atlanta abrite un peu plus de la moitié des Géorgiens. On y retrouve un schéma classique sur la carte électorale américaine: un point bleu urbain entouré d’une grande campagne rouge. La victoire ira au camp qui aura réussi à mobiliser au maximum ses partisans. Après la Pennsylvanie, la Géorgie est l’État qui compte le plus grand nombre de voix de grands électeurs mises en jeu, avec 16 (comme en Caroline du Nord).
Les démocrates en gardent un excellent souvenir, puisqu’en 2020, Joe Biden a pu, contre toute attente, s’emparer de la Géorgie, marquant le plus grand basculement d’un parti à l’autre cette année-là. Le parti bleu n’y avait plus gagné depuis Bill Clinton en 1992.
La Géorgie est l’État clé le plus multi-ethnique. En moins d’une décennie, elle a gagné un demi-million d’électeurs, pour la plupart des personnes de couleur. Avec le sénateur Raphael Warnock, les démocrates peuvent s’appuyer sur un leader charismatique, possible futur candidat à la Maison-Blanche. Mais Trump fait également des adeptes parmi les Noirs, qui l’apprécient pour sa supposée meilleure maîtrise des enjeux économiques.
L’économie de la Géorgie se porte bien, avec un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale. L’État attire également beaucoup d’investissements verts — pour près de 20 milliards de dollars déjà — grâce aux politiques industrielles de Biden.
Caroline du Nord: les tempêtes et un candidat sénateur sulfureux en arbitres?
Des sept États clés, la Caroline du Nord est le seul qui soit allé à Trump en 2020. Depuis Barack Obama en 2008, les démocrates n’ont plus réussi à y décrocher la majorité. Ici aussi, le paysage est familier: les villes, dont Charlotte et le triangle Raleigh-Durham-Chapel Hill (appelé "research triangle" en raison de ses nombreuses universités), sont des bastions démocrates. Le reste est de couleur républicaine.
La Caroline du Nord élira également son gouverneur. La campagne a été secouée par un scandale impliquant le candidat républicain Mark Robinson en raison de son comportement enflammé en ligne. Il a, par exemple, utilisé le surnom de "black Nazi" sur des sites pornographiques et a évoqué un retour au "bon vieux temps" de l’esclavage. Cette candidature sulfureuse nuirait-elle à Trump? Pas sûr.
Fin septembre, un ouragan (Hélène) a une nouvelle fois ravagé la Caroline du Nord, provoquant notamment des inondations dans le sud-ouest de la région d’Asheville. La rapidité des secours envoyés par l’administration Biden a été saluée, alors que Trump, qui s’est rendu récemment dans la zone sinistrée, et ses acolytes, ont répandu les théories du complot les plus folles. Les dégâts et leurs conséquences ne devraient pas avoir un impact significatif sur le taux de participation au scrutin de mardi.
L'immigration illégale est un sujet délicat pour Harris et porteur pour Trump, qui y voit la source de nombreux maux aux États-Unis.
Arizona: Maricopa County, le microcosme de l’Amérique moderne
En plein désert de l’Arizona, Phoenix est l’une des "boom towns" des États-Unis. Cette métropole au développement fulgurant devient de plus en plus un microcosme de l’Amérique moderne. On suivra particulièrement le vote latino de cet État frontalier, qui concerne près d’un tiers de la population. Pendant longtemps, l’État s’affichait comme un fort inexpugnable des républicains, mais les changements démographiques en ont fait un État pivot. Biden en 2020 — avec une différence d’à peine 10.000 voix — a été le premier démocrate à gagner dans cet État depuis Bill Clinton en 1996 et seulement le deuxième depuis les années 1940, mais dans les sondages, des sept "swing states", c’est celui où Trump réalise le meilleur score.
Le comté de Maricopa, qui couvre la majeure partie de la région de Phoenix, l’un des plus grands "counties" des États-Unis et le seul de cette taille aussi partagé entre républicains et démocrates, fera l’objet d’une grande attention. En 2020, et lors des élections de mi-mandat de 2022, le résultat y a été fortement contesté par les partisans de Trump qui n’acceptaient pas la défaite de leur champion. Plus de la moitié des Arizoniens vivent dans le comté de Maricopa.
Proximité de la frontière oblige, l’immigration clandestine est un grand thème de la campagne. Un sujet délicat pour Harris et porteur pour Trump, qui y voit la source de nombreux maux aux États-Unis (qu’il veut résoudre par des déportations massives). Au début du mandat de Biden, le nombre de passages illégaux a explosé, et c’est en Arizona que se trouve la portion de frontière la plus traversée.
L’Arizona a également ajouté au scrutin un référendum sur l’avortement, un sujet politique très clivant aux États-Unis. La question porte sur l’inscription, ou non, du droit à l’avortement dans la constitution de l’État, après que son interdiction totale fondée sur une loi remontant au XIXe siècle a été abrogée au début de l’année. Le thème de l’avortement est généralement un pourvoyeur de voix majeur pour les démocrates.
Nevada: Miser sur Las Vegas peut rapporter très gros
Le Nevada n’a que six voix de grands électeurs à offrir, soit le plus petit pactole de tous les États clés. Mais l’État des paradis du jeu que sont Las Vegas et Reno est également très divisé politiquement. Comme son voisin l’Arizona, sa population croît rapidement, et une grande partie de l’électorat est hispanique. Les démocrates y ont triomphé à chaque fois depuis 2008, mais au sein de la communauté latino, en pleine expansion, les républicains gagnent du terrain.
L’économie locale pourrait peser encore plus lourd ici qu’ailleurs. L’inflation et le coût de la vie y sont plus élevés que dans les sept autres États pivots, tout comme le chômage. À Las Vegas, où vivent les deux tiers des habitants de l’État, l’économie est dominée par des secteurs comme le tourisme et l’hôtellerie. Trump tente de les mettre dans sa poche en proposant de supprimer les taxes sur les pourboires, une source très importante de revenus pour les travailleurs de "Sin City".
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