"Les robots investisseurs ne remplaceront pas les banquiers privés"
Les robots et les banquiers privés peuvent même devenir les meilleurs amis du monde si les institutions financières utilisent correctement les systèmes de trading automatique, disent les experts.
Nous faisons de plus en plus d’opérations financières via notre smartphone: paiements, investissements, transferts. Nous ne devons même plus nous rendre dans une agence bancaire pour souscrire un crédit. Mais ceux qui pensent que nous arrivons au bout des possibilités de la numérisation du secteur financier doivent revoir leur copie.
Key Private
- Montant minimum: 15.000 euros
- Nombre de portefeuilles: 10
- Frais de gestion: 0,75%
BinckBank
- Montant minimum: 10.000 euros
- Nombre de portefeuilles: 9
- Frais de gestion: 1,23%
Easyvest
- Montant minimum: 5.000 euros
- Nombre de portefeuilles: 10
- Frais de gestion: 1%
MeDirect
- Montant minimum: 5.000 euros
- Nombre de portefeuilles: 5
- Frais de gestion: 0,90%
Dexxi
- Montant minimum: 1.000 euros
- Nombre de portefeuilles: 5
- Frais de gestion: 0,80%
Birdee
- Montant minimum: 1.000 euros
- Nombre de portefeuilles: 20
- Frais de gestion: 1%
Source: Roland Berger
Max Jadot, le patron de BNP Paribas Fortis, n’y est pas allé par quatre chemins quand il a expliqué pourquoi la plus grande banque du pays devait mettre en œuvre une importante restructuration. "L’industrialisation du secteur des services suite à la robotisation et à la numérisation n’en est encore qu’à ses débuts", a-t-il dit. "Les changements technologiques ont un impact énorme, non seulement sur les banques, mais sur l’ensemble du secteur des services." Le CEO en a profité pour expliquer comment cette "industrialisation" des processus a modifié le travail chez BNP Paribas. "Les messages des clients ne sont plus lus manuellement, mais par des machines dotées d’intelligence artificielle. Elles peuvent extraire le contenu et formuler des réponses. Sur l’ensemble de la banque, 140 petits programmes de robotique remplacent aujourd’hui une centaine de jobs."
Emplois répétitifs
BNP Paribas Fortis est loin d’être une exception: en quelques années, robots et intelligence artificielle sont devenus la norme dans le secteur financier. D’après des estimations du consultant EY, un tiers des institutions financières font aujourd’hui appel d’une manière ou d’une autre à des processus automatisés. Et on s’attend à ce que cette tendance continue à augmenter.
Par ailleurs, le mot "robot" ne doit pas vous faire penser à des machines spectaculaires. Ceux utilisés par les banques sont loin de ressembler aux personnages de "Star Wars". En règle générale, il ne s’agit que d’un simple PC, mais équipé d’un algorithme doté d’une fonction d’auto-apprentissage et programmé pour exécuter les tâches les plus répétitives. Il peut s’agir de "chatbots", comme chez BNP Paribas Fortis. Ces robots peuvent également être utilisés pour traiter des demandes de clients souhaitant augmenter leur limite de dépenses sur leur carte de crédit, comme le fait AXA Banque Belgique. Au début de l’année, l’assureur P&V a lancé un projet pour détecter les dossiers frauduleux via l’intelligence artificielle.
Il ne faut donc pas s’étonner que les robots fassent aussi leur entrée chez les gestionnaires de patrimoine et banquiers privés. Dans le jargon, on parle de "robo-advisor". Un algorithme détermine votre profil d’investisseur à partir des données que vous avez fournies à votre banquier. Sur base de ces informations, le robot-conseiller gère vos avoirs, souvent en les investissant dans une sélection prédéterminée d’ETF, des fonds d’investissement cotés.
Les robots-conseillers ne sont pas nouveaux. Les grands fonds spéculatifs utilisent déjà depuis des années des algorithmes pour gérer des patrimoines de manière entièrement automatique. Mais grâce à l’avancée des technologies et à la baisse des prix de ces équipements, le grand public accède de plus en plus facilement à ces nouveaux services. Aux Etats-Unis, des entreprises comme Wealthfront, Betterment ou Sigfig y travaillent depuis la crise financière de 2008. Rien d’étonnant à ce que la majeure partie des 490 milliards d’euros qui sont gérés par des robots – si l’on en croit le consultant Roland Berger – proviennent des Etats-Unis.
400 millions d’euros sont gérés par des robots-conseillers belges.
Un rapide coup d’œil sur les chiffres de Roland Berger ne va pas forcément impressionner. 490 milliards d’euros est bien entendu un montant considérable, mais il ne représente que 1% de tous les avoirs confiés aux institutions financières dans le monde. Les 400 millions d’euros gérés par les robots-conseillers belges peuvent être considérés comme marginaux. Mais les robots-investisseurs ont le vent en poupe. Roland Berger s’attend à ce que le marché augmente de plus de 36% par an ces cinq prochaines années. Cela voudrait dire que les algorithmes géreront près de 2.279,8 milliards d’euros au niveau mondial.
Fait étonnant: la Belgique – que l’on ne peut pourtant pas qualifier de paradis des investisseurs – aurait suivi le mouvement et connaîtrait une croissance annuelle de plus de 57%. Les Belges qui investissent via des robots-conseillers se montrent par ailleurs assez enthousiastes. Ils investissent en moyenne 9.000 euros en ligne ou via des robots-conseillers, ce qui est nettement supérieur à la moyenne européenne.
Craintes pour leur emploi
Les banquiers privés doivent-ils s’inquiéter de se voir remplacés par des robots? Non, disent les experts. Mais la nature de leur travail est appelée à évoluer. "L’époque où les banquiers privés se contentaient d’inviter leurs clients quatre fois par an au restaurant est révolue", peut-on entendre dans le secteur.
"Ceux qui souhaitent investir plus de 100.000 voire 250.000 euros préfèrent tout de même discuter au préalable avec un banquier privé ou un chargé de relation en chair et en os."
Les robots-conseillers et les gestionnaires de patrimoine en ligne actifs en Belgique sont relativement accessibles. Les acteurs comme Dexxi et Birdee proposent déjà leurs services à partir de 1.000 euros. Les maisons plus anciennes comme BinckBank et Key Private commencent respectivement à partir de 10.000 et 15.000 euros.
"Dans la pratique, ceux qui souhaitent investir plus de 100.000 voire 250.000 euros préfèrent discuter au préalable avec un banquier privé ou chargé de relation en chair et en os", explique Xavier De Pauw, responsable de la digitalisation chez Degroof Petercam. De Pauw connaît le petit monde des robots sur le bout des doigts. En 2009, cet ancien banquier de la City a participé à la création de MeDirect, la banque en ligne dont il fut le CEO jusqu’à l’automne dernier.
"Je peux sans prétention affirmer que je fais partie des ‘early adopters’", explique-t-il. "Mais faut-il pour cela conclure que je confierais toutes mes économies à une nouvelle entreprise de fintech à la mode? Non, je voudrais commencer par tout tester, car les capacités d’un algorithme dépendent de celles de son concepteur. La plupart des clients des banques privées semblent continuer à penser de la sorte et préfèrent opter pour un gestionnaire actif."
Il ne faut pas en conclure que les clients des banques privées refusent d’évoluer. "Quand il s’agit de simples demandes comme la consultation de leur portefeuille ou la commande d’une nouvelle carte de crédit, ils s’attendent à ce que tout puisse être digitalisé. Mais à des moments importants, comme à l’occasion d’une naissance, d’un mariage ou de l’achat d’un bien immobilier, leur banquier continuera à jouer un rôle, mais de plus en plus comme personne de confiance."
Dans cette fonction, les banquiers privés feront de plus en plus souvent appel aux nouvelles technologies pour augmenter leur efficacité. Pour finaliser leurs conseils, ils pourront ainsi utiliser davantage l’intelligence artificielle, c’est-à-dire des programmes informatiques qui les aideront à distiller des schémas à partir des masses d’informations reçues de leurs clients.
Le chemin de croix qu’a dû parcourir la banque néerlandaise BinckBank avec son gestionnaire de patrimoine en ligne Alex démontre à quel point la confiance est cruciale dans la réussite des systèmes d’investissement automatisés. Alex fonctionnait entièrement sur base d’un modèle mathématique censé protéger les investisseurs contre les reculs boursiers importants. Tout a fonctionné à merveille aussi longtemps que les marchés financiers suivaient une direction claire. Mais les choses ont mal tourné lors des turbulences boursières provoquées par la crise de la dette en Europe. Binck a été inondé de plaintes d’investisseurs déçus des rendements engrangés par Alex et a fini par retirer la marque.
Un pilote dans l’avion
De nombreux acteurs ont compris que c’était une bonne chose de disposer d’un pilote dans l’avion. Ils ont beau utiliser toutes sortes de modèles informatiques, ils se dotent aussi souvent d’un comité d’experts et/ou d’investissement pour intervenir si nécessaire. Les grands noms du secteur vont encore plus loin, confie De Pauw. "Aux Etats-Unis, Wealthfront et Betterment ont récemment décidé de faire intervenir des conseillers personnels pour les clients disposant de montants importants. Scalable, repris il y a presque deux ans par le géant américain BlackRock, vient de leur emboîter le pas. Toutes ces entreprises ont constaté que les clients du segment supérieur continuaient à avoir besoin d’un contact personnel avec leur banquier."
Les grands cabinets de consulting sont de plus en plus actifs dans les dossiers alliant banque d'affaires et conseils en patrimoine. Mais ils sont loin d'être les seuls à convoiter ce marché. Notre dossier >
Actuellement, presque toutes les banques sont actives jusqu’à un certain point dans les investissements ou conseils boursiers automatisés. Début 2018, BNP Paribas a acquis une participation majoritaire dans Gambit, fintech belge et maison-mère de Birdee, qui propose des services de logiciels à d’autres acteurs financiers. En Allemagne, ING a conclu un accord de collaboration avec Scalable, qui semble être un succès si l’on se base sur le fait que son modèle est exporté dans d’autres pays. Fin 2018, Belfius s’est lancé dans les robots-conseillers via son app bancaire mobile et Degroof Petercam travaille à une app sur les conseils en investissement au sens large.
Comment distinguer les banques dans ce déluge de nouvelles applications? "Le facteur déterminant ne sera pas la technologie, prévient De Pauw. Les banques qui s’en sortiront le mieux travailleront en fonction des besoins de leurs clients et trouveront un bon mix de produits, de prix et d’expertise." Ce concept ne s’applique pas uniquement aux banques privées et gestionnaires de patrimoine. "Vous pouvez décrire une voiture comme étant une boîte en métal sur quatre roues", poursuit De Pauw. "Mais les clients ont une autre vision. Ce qu’ils attendent d’une voiture définit s’ils choisiront une Mercedes ou une BMW. Les choses ne sont pas très différentes lorsqu’un client choisit sa banque."
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