Très mauvais bulletin pour les efforts de neutralité climatique de la Belgique
Nos émissions de gaz à effet de serre diminuent, mais bien trop lentement. L'énergie fossile reste beaucoup trop utilisée en Belgique. Aucun secteur n'est sur la bonne voie.
Les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 28% en Belgique entre 1990 et 2022. Une diminution trop faible et trop lente, peut-on lire dans le "baromètre de la transition 2050", établi par le Service Changements climatiques du SPF Santé publique, et publié à trois jours du début de la COP29 à Bakou.
Ce rythme ne permettra pas d'atteindre l'objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050. Et aucun secteur analysé n'échappe à ce constat, selon ce baromètre, qui couvre les cinq secteurs les plus émetteurs en Belgique. Énergie, bâtiment, industrie, transport et agriculture pesaient pour 98,2% des émissions territoriales de gaz à effet de serre en 2022.
La part des énergies renouvelables augmente pourtant en Belgique. L’objectif 2030 – 21,7% de la consommation finale brute devrait être d’origine renouvelable à cette date – sera sans doute tout juste atteint, ou tout juste manqué. Une accélération importante est nécessaire pour atteindre la zone zéro émission nette d’ici 2050. Pour rappel, l'Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique sur son territoire, tous secteurs confondus, à cette échéance.
Aucun secteur, en Belgique, ne montre "une trajectoire d'émission cohérente avec les scénarios de neutralité climatique" et "certains indicateurs évoluent même dans la mauvaise direction", selon ce "baromètre de la transition 2050".
"Pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050, la consommation finale d'énergie doit diminuer plus rapidement, l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité doit être plus rapide, et l'électrification du système énergétique doit être accélérée."
Remplacer l'énergie fossile
La Belgique doit réduire sa consommation finale d’énergie de 9,5% d’ici à 2030 par rapport au scénario de référence 2020. Or, cette consommation ne baisse que trop lentement.
"Pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050, la consommation finale d'énergie doit diminuer plus rapidement, l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité doit être plus rapide, et l'électrification du système énergétique doit être accélérée", constate le baromètre. Or, les combustibles fossiles représentent encore environ 70% de la consommation finale d'énergie.
"C'est le gros problème", pointe le spécialiste de l'environnement Edwin Zaccaï (professeur émérite à l'ULB). "Nous affichons une très grande dépendance à l'énergie fossile: pétrole, gaz... Une partie importante de notre mode de vie en dépend structurellement: les logements, les entreprises, le transport... Ce n'est pas vraiment une question d'habitude individuelle."
Dans l'agriculture, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse depuis une dizaine d'années.
Trop lent... ou en hausse
Les transports constituent un point noir. Depuis 1990, les émissions du transport domestique, principalement routier, ont augmenté de 15,5%. Elles diminuent depuis 2008, mais l'électrification du parc apparaît trop lente. Les émissions liées au transport international (maritime et aviation) continuent, elles, d’augmenter.
Dans le bâtiment, malgré une baisse des émissions liées aux logements, la consommation finale d'énergie, l'électrification du chauffage et la part d'énergie renouvelable évoluent également trop lentement pour être en ligne avec les scénarios de neutralité climatique à l'horizon 2050.
Dans l'industrie, la consommation finale d'énergie baisse, mais l'électrification et le déploiement des énergies renouvelables ne sont pas non plus suffisants.
Dans l'agriculture, les émissions avaient diminué depuis 1990, mais sont reparties à la hausse depuis une dizaine d'années en raison d'une augmentation de la surface des serres chauffées et du nombre de tracteurs en Belgique.
"Il y a le concept d'urgence avec le changement climatique (...). Mais au point de vue structurel, ça ne peut pas évoluer très rapidement."
Investissements nécessaires
"Modifier tous ces éléments, assurer la transition vers de nouvelles infrastructures, ça demande du temps. Et aussi de l'argent!", explique Edwin Zaccaï. "Beaucoup d'études montrent que l'investissement dans une transition pour décarboner coûtera moins cher que les impacts du changement climatique. Mais les investissements doivent se faire maintenant. Alors que les impacts les plus importants se feront ressentir demain", rappelle le professeur émérite de l'ULB.
Les politiques se mettent lentement en place, se détricotent parfois. Comment accélérer la transition au vu de toutes ces difficultés? "Il faut continuer à expliquer et à donner un cap clair. Le Green Deal est important parce qu'il donne ce cap." Le pacte vert européen vise une réduction des émissions nettes d'au moins 55% d'ici à 2030.
Mais, ajoute Edwin Zaccaï, "il faut des mesures plus ciblées selon les publics. On a parfois commis des erreurs en mettant en place des mesures trop dures pour certains groupes sociaux."
"Il y a le concept d'urgence avec le changement climatique, et l'idée que l'on doit évoluer très rapidement. Mais au point de vue structurel, ça ne peut pas évoluer très rapidement. Même si la situation est difficile, il ne faut pas se décourager. On doit avoir cet objectif à moyen terme et s'y tenir: décarbonation et justice sociale."
- Le rythme auquel les émissions de gaz à effet de serre diminuent en Belgique est trop lent pour atteindre l'objectif de neutralité climatique en 2050, d'après un rapport du SPF Santé.
- Aucun des cinq secteurs responsables de l'essentiel des émissions n'affiche un bon bilan.
- La Belgique reste trop dépendante des énergies fossiles.
- Le professeur de l'ULB, Edwin Zaccaï, explore la question du temps et de l'argent.
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