Nouvelle menace nucléaire de Poutine, avec un parfum de guerre froide...
Moscou veut déplacer des armes nucléaires tactiques russes en Biélorussie. Est-ce un nouveau motif d'inquiétude? Une escalade? Analyse avec l'expert Nicolas Gosset (IRSD).
Ce samedi, Vladimir Poutine a annoncé que la Russie avait décidé d'installer des armes nucléaires tactiques russes en Biélorussie, pays frontalier de l'Ukraine, de la Pologne et de la Lituanie. Ses propos ont entraîné de vives réactions. L'Ukraine a appelé à une réunion d'urgence du conseil de sécurité de l'Onu. La France a condamné. L'Union européenne a menacé Minsk de nouvelles sanctions.
Le président russe a présenté son projet en pointant le parallélisme, rappelant que les USA "déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs pays alliés". La Belgique abriterait, en effet, une vingtaine d'armes nucléaires américaines sur sa base militaire de Kleine-Brogel. On comprend donc la temporisation du Pentagone, qui a précisé: "Nous n'avons vu aucune raison d'ajuster notre propre posture nucléaire stratégique ni aucune indication que la Russie se prépare à utiliser une arme nucléaire."
"Vassalisation de la Biélorussie"
Pour le chercheur Nicolas Gosset (Institut royal supérieur de défense, IRSD), la décision de déplacer des armes nucléaires en Biélorussie était en réalité prise depuis des mois. "Ce n'est pas un coup de tonnerre, et ça confirme la vassalisation de la Biélorussie à l'égard de Moscou", résume-t-il. L'argument du président Poutine selon lequel il s'agirait d'une réponse à l'annonce d'envoi d'obus à uranium appauvri par la Grande-Bretagne ne serait qu'un prétexte.
"Ce n'est pas un coup de tonnerre, et ça confirme la vassalisation de la Biélorussie à l'égard de Moscou."
Mais au final, nul ne sait sur quoi va déboucher cette déclaration du chef du Kremlin. Des responsables russes ont déjà menacé d'employer l'arme nucléaire en Ukraine en cas d'escalade. Mais Poutine a précisé que sa décision de déplacer des armes nucléaires en Biélorussie serait mise en œuvre "sans violer nos obligations internationales en matière de non-prolifération des armes nucléaires".
Pour quel usage?
"On en reste actuellement sur la définition d'un cadre politique légal, sans savoir de quelles armes il s'agit. Même les États-Unis disent ne pas voir d'éventuels déplacements d'armes nucléaires...", précise Nicolas Gosset. "Mais j'ai l'impression qu'une installation de ces armes en Biélorussie est finalement un facteur moins aggravant par rapport au risque de leur usage. En effet, Moscou veut conserver la maîtrise complète de son matériel. Or, vu la nature des relations entre Poutine et Loukachenko, il ne semble pas évident que les armes qui seraient postées en Biélorussie seraient les premières à être utilisées."
"Cela ne paraît qu'une manière de reconsolider le dispositif dans l'esprit de la guerre froide."
"Cela ne paraît qu'une manière de reconsolider le dispositif dans l'esprit de la guerre froide", résume le chercheur de l'IRSD. Dans cet esprit, Minsk ne semble rien avoir à gagner. La population de ce pays qui jouxte notamment la Pologne, la Lituanie et la Lettonie est déjà en rupture par rapport à son président et farouche à l'idée de voir ses troupes impliquées dans l'invasion de l'Ukraine. Elle ne paraît donc pas prête à adhérer à un tel scénario.
La Biélorussie, déjà sous perfusion financière de Moscou, s'expose en outre à de nouvelles sanctions. L'avion personnel du président Alexandre Loukachenko ainsi que certains pans de l'industrie pourraient être concernés. "Alors que les revenus fiscaux de l'État russe sont en nette baisse, cette politique d'extension de Moscou risque de se transformer en comptes d'apothicaire", pointe Nicolas Gosset.
Contre-offensive?
Ce nouvel élan rhétorique de Poutine a déboulé en plein dans la confusion de Bakhmout, en Ukraine. Cette ville en ruine du Donbass est quasi encerclée par les Russes depuis des semaines, mais ne tombe pas. Les Ukrainiens, qui sont parvenus jusqu'ici à éviter une avancée russe vers Kramatorsk, y annoncent désormais une contre-offensive. L'expert de l'IRSD ne croit pas à des manœuvres de grande ampleur dans cette seule zone. "La priorité des Ukrainiens, c'est d'essayer de couper la route aux Russes du côté de Zaporijjia et Melitopol", tout au sud.
La boue freinera encore ce genre d'initiative durant quelques semaines. Ensuite, les Ukrainiens pourront envisager ces poussées, renforcés par les quelques chars occidentaux déjà reçus et les 17 Mig-29 promis par la Pologne et la Slovaquie.
- Moscou veut déplacer des armes nucléaires tactiques russes en Biélorussie.
- Les réactions de l'Occident sont virulentes, sauf de la part des États-Unis.
- Cette annonce de Vladimir Poutine s'inscrit dans un cadre prévu, mais reste floue.
- Analyse avec l'expert de l'IRSD Nicolas Gosset.
Dossier spécial sur la guerre en Ukraine, lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine: toute l'actu et les dernières infos sur le conflit armé entre l'Ukraine et la Russie.
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