Quelles solutions quand le carburant devient impayable?
Qui peut aider les travailleurs qui peinent à payer le carburant leur permettant de se rendre au travail? Le patron, l'État? Voici les pistes.
Le prix du diesel a augmenté à nouveau, repartant vers son niveau d'avant l'abaissement des accises décidé la semaine dernière par le gouvernement. L'essence sera à nouveau plus chère à partir de ce samedi... La hausse des carburants commence à peser très lourd dans le budget de certains ménages.
"Il faut surtout éviter les formules générales."
Ce jeudi matin, la Première (RTBF) donnait le témoignage d'un ouvrier confronté à un choix cornélien: utiliser ses derniers deniers pour payer soit la nourriture pour sa famille, soit son carburant pour se rendre au travail. Il a choisi les repas, et se fera porter pâle au travail jusqu'à la fin du mois...
"Il n'y a pas de solution miracle, admet l'économiste de l'UCLouvain, Bertrand Candelon. Et les prix de l'énergie vont encore augmenter. J'ai peur qu'on en arrive à une grogne sociale."
"Il faut surtout éviter les formules générales, bondit l'économiste Philippe Defeyt (Institut du développement durable). Entre celui qui a les moyens de s'offrir une voiture puissante et ceux qui ne peuvent plus payer leurs factures, il y a un écart énorme!"
Travail hybride et carpooling
La première piste, c'est bien sûr de rouler moins. Comment?
"Il faut favoriser le télétravail, qui permet de laisser la voiture à la maison."
Du côté d'Acerta, on insiste sur le travail hybride. "Il ne faut envisager le travail au bureau que si c'est nécessaire. Les autres jours, il faut favoriser le télétravail, qui permet de laisser la voiture à la maison", explique Ellen Van Grunderbeek, juriste au centre de connaissance de la société de services RH.
Autre solution prônée par Acerta pour diminuer les dépenses en carburant des travailleurs: le carpooling. "Les travailleurs habitant à proximité les uns des autres peuvent n'utiliser qu'une voiture."
Que peut encore faire le Fédéral?
Le Fédéral pourrait à nouveau devoir mettre la main au portefeuille, alors que les membres de l'Opep refusent d'augmenter leur production.
Thomas Bauler, économiste à l'Igeat (Institut de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire) de l'ULB, estime qu'à court terme, en attendant la sortie des carburants fossiles, seules des "mesurettes" peuvent être prises. "Mais il faut toucher ceux qui sont réellement impactés!", réclame-t-il, envisageant des chèques carburants ciblés sur certains ménages.
"Les prix de l'énergie vont encore augmenter. J'ai peur qu'on en arrive à une grogne sociale."
De nombreux travailleurs reçoivent une indemnité kilométrique de leur employeur pour leurs trajets professionnels. Celle-ci est édictée par l'État, chaque année en juillet. "Je suis étonné que le Fédéral ne fasse pas référence à une éventuelle augmentation de celle-ci", pointe Philippe Defeyt. "L'entreprise peut toujours l'augmenter, mais ça risque d'entraîner des complications fiscales." En effet, appuie Jean-Luc Vannieuwenhuyse, conseil juridique chez SD Worx, "s'il sort du forfait, l'employeur devra prouver les frais réels avec des justificatifs."
Quant à l'éventuel remboursement du trajet domicile-travail, la possibilité de l'accorder est laissée aux secteurs et aux employeurs, "qui peuvent donc aujourd'hui décider de l'augmenter", poursuit l'expert de SD Worx.
Un recours aux frais réels, plutôt qu'au forfait, pour les déplacements en voiture dans le cadre du travail peut aussi être envisagé. Mais évidemment, il faut attendre plusieurs mois pour y voir un quelconque avantage... "N'est-il pas possible d'imaginer une solution créative pour accélérer le remboursement des frais réels?", s'interroge Philippe Defeyt.
Réfléchir à la mobilité
Une autre piste consiste en une diminution de la vitesse maximale autorisée, qui entraînerait une consommation moindre.
L'économiste de l'IDD pointe aussi le parc automobile lui-même. "Il faudrait aider les propriétaires des véhicules anciens à acheter des véhicules moins gourmands. Il s'agit souvent de personnes ayant peu de moyens. On pourrait leur octroyer des prêts de longue durée à 0% ou imaginer qu'un tiers se porte garant."
Pour Thomas Bauler, les acteurs publics devraient réfléchir à améliorer leur offre de transports en commun "parce que c'est bien plus facile de décider d'une allocation pour ce qui dépend d'eux que de travailler à une inflexion structurelle en discutant avec de grands acteurs économiques ou en essayant de peser sur un contexte géopolitique."
"Il faut stimuler le "budget mobilité", renchérit Jean-Luc Vannieuwenhuyse. Encourager à l'utilisation du vélo et des transports en commun."
Le gouvernement allemand a dévoilé son plan de soutien aux ménages, le 2e pour faire face à la hausse des coûts de l'énergie. Il prévoit notamment de verser une prime carburant aux personnes utilisant leur véhicule pour se rendre au travail. La taxe sur les carburants sera réduite pendant trois mois et ramenée "au niveau minimum européen", soit une réduction de 30 centimes par litre pour l'essence et de 14 centimes par litre pour le diesel.
Le gouvernement allemand veut aussi diminuer temporairement le prix des transports publics locaux, avec un billet de 9 euros par mois.
Le paquet de mesures inclut un versement exceptionnel de 300 euros pour tous les salariés imposables. Les ménages les plus pauvres recevront une aide supplémentaire de 100 euros, ainsi qu'un bonus de 100 euros par enfant, en complément des allocations familiales.
- Le prix du diesel est reparti à la hausse ce jeudi, et la tendance à l'augmentation des prix énergétiques devrait continuer.
- Certains travailleurs peinent à payer leur carburant pour se rendre au boulot.
- Télétravail, carpooling: les travailleurs peuvent s'organiser différemment.
- Le gouvernement pourrait aussi réfléchir à de nouvelles aides.
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