Nos hôpitaux sont-ils prêts pour une 4e vague?
Contaminations et hospitalisations se multiplient. Plusieurs hôpitaux ressentent déjà cette nouvelle charge du virus. Mais ils ont aussi d'autres gros soucis à gérer.
Depuis plusieurs jours, les hôpitaux belges recensent plus de mille patients atteints du Covid-19. 230 d'entre eux sont en soins intensifs, un chiffre qui commence à grimper lui aussi, vu que les contaminations s'accélèrent.
Les hôpitaux sont-ils à nouveau prêts au combat? À la clinique Saint-Jean de Bruxelles, l'unité covid balance entre 15 et 25 patients depuis fin août. En cette fin de semaine, il y en a 20, dont six en soins intensifs. Tout à fait gérable, mais on se prépare...
Du côté du groupe hospitalier Epicura (Ath, Baudour, Hornu), il n'y a plus aucun malade du covid en soins intensifs depuis plusieurs jours. Il en reste dix en chambre classique, un chiffre en "légère hausse" en une semaine. "Mais on se tient en alerte", prévient Manon Le Boulangé, la porte-parole.
De l'autre côté de la Wallonie, à la clinique MontLégia de Liège, le ton est moins serein. On frôle déjà la surcharge, avec vingt patients covid, dont dix en soins intensifs, ce qui est comparable au pic de la deuxième vague. Eddy Lambert, le responsable de la communication, commente: "Ajoutez à cela un service déjà bien rempli comme toujours en cette saison avec notamment les maladies respiratoires, un problème structurel de manque de personnel et l'absence temporaire de dix infirmières qui doivent garder leurs enfants à cause de cas de covid à l'école!" Voilà un hôpital bien représentatif des maux qui rongent le système hospitalier belge.
Les hôpitaux généraux de l'intercommunale Vivalia (Marche-en-Famenne, Libramont, Bastogne et Arlon) passent ce lundi en phase 1A, ce qui signifie qu'ils réservent un quart de leurs lits de soins intensifs aux patients Covid-19.
"Grâce au fond Blouses blanches, il y a des moyens pour engager, mais engager qui?"
Absences temporaires et pénurie structurelle
"L'absentéisme est juste un peu plus élevé que d'habitude", analyse Yves Smeets, le CEO de Santhea, la fédération qui représente notamment la moitié des lits hospitaliers wallons et bruxellois. "À cause des quarantaines de retour de vacances, de symptômes de covid... mais rien de très marquant. Il y a surtout une pénurie qui dure depuis des années. Grâce au fond Blouses blanches, il y a des moyens pour engager, mais engager qui?" Les causes, on les connaît: manque d'attractivité du métier d'infirmière, passage des études à quatre ans...
"Après la phase la plus aiguë de la crise du Covid, on a vu des changements de comportement importants de notre personnel, avec des demandes de diminution du temps de travail, voire des personnes qui, après avoir vécu des choses très difficiles, décidaient de quitter le métier", ajoute Dominique Gainvorste, coordinatrice générale du département infirmier d’Epicura.
La course à l'engagement
"Mais cette pénurie est impossible à quantifier", admet Yves Smeets. "Cela dépend des hôpitaux et des services." Ainsi, un médecin du Chirec estime qu'il y a un trou de 30% à combler au sein du personnel. Un infirmier du même groupe confirme et pointe les conséquences: "Une moins bonne qualité des soins."
Aujourd'hui, certains hôpitaux proposent des primes pour attirer du personnel. Un infirmier qui a quitté le Chirec assure avoir trouvé facilement "les mêmes conditions de travail ailleurs avec un salaire mensuel de 400 à 600 euros net plus élevé".
Vincent Rebella, coordinateur du département infirmier pour le site d’Ath chez Epicura, tempère: "On peut faire une surenchère en matière de primes, mais être dynamique, avec des projets en matière de nouvelles technologies ou d’autres techniques de prise en charge ajoute de l’attractivité à l’hôpital."
Les sanctions pour non-vaccination
Ce manque de personnel pourrait encore s'accroître avec les sanctions qui guettent les soignants non vaccinés. À Saint-Jean, moins de 80% du personnel infirmier est vacciné. "On espère que les sanctions par phases donneront aux non-vaccinés une opportunité d'encore réfléchir", glisse la porte-parole de la clinique.
Au MontLégia, Eddy Lambert s'est rendu compte que certains soignants étaient prêts à quitter la profession en cas d'obligation...
La menace de la grippe
"Il ne faudrait pas que les hôpitaux soient remplis de patients grippés, comme souvent en fin d'année."
À côté du covid et des pénuries de personnel, une autre menace effraie les hôpitaux: la grippe. "Il y a une urgence vaccinale antigrippale pour les groupes cibles", pointe Yves Coppieters, épidémiologiste. "Il faut éviter les complications de la grippe pour éviter une 4e vague. Il ne faudrait pas que les hôpitaux soient remplis de patients grippés, comme souvent en fin d'année."
Profil des malades
Face à ce tableau difficile, les soignants espèrent que la vaccination anti-covid suffira pour empêcher la saturation.
"Nos patients covid sont essentiellement non vaccinés ou partiellement vaccinés. Certains le sont totalement. Ce sont alors des personnes fragiles, avec de grosses comorbidités", décrit la porte-parole du groupe Epicura.
"Un doublement du nombre d'infections entraînera une augmentation d'environ 35% du nombre d'hospitalisations."
Pedro Facon, le commissaire Corona, confirme: grâce à la vaccination, "un doublement du nombre d'infections entraînera une augmentation d'environ 35% du nombre d'hospitalisations", contre 53% en 2e vague (sans vaccination et sans le variant Delta)
Mais in fine, les patients vont se multiplier. "Les modèles montrent de 400 à 500 malades en soins intensifs dans les prochaines semaines," avertit Yves Van Laethem, le porte-parole de la lutte contre le coronavirus.
- Les contaminations au covid sont en forte hausse, les hospitalisations de patients commencent aussi à grimper.
- Les hôpitaux s'apprêtent à voir déferler une 4e vague.
- Mais le système hospitalier fait toujours face à une pénurie de personnel.
- Il craint aussi une épidémie de grippe et le départ de soignants non vaccinés.
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