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interview

Des rescapés de l'attaque du Hamas: "Ils criaient: 'tuez les Juifs', 'Allahu akbar'… On a cessé de respirer"

Les familles Poterman (à gauche) et Cherry, rescapées de l'attaque du groupe terroriste Hamas. ©Kristof Vadino

Deux familles, survivantes de l'attaque du groupe terroriste Hamas contre le kibboutz Nahal Oz, ont fui Israël pour se réfugier en Belgique. Elles racontent leur enfer à L'Echo.

Addi et Oren Cherry, deux belgo-israéliens, et leurs trois enfants ne se doutaient pas que l'enfer était à leur porte. Ils venaient de passer la soirée, et une bonne partie de la nuit, à fêter les 70 ans de leur kibboutz, Nahal Oz. C'était une période de fêtes. Les jeunes de la communauté s'apprêtaient, les jours suivants, à faire voler des cerfs-volants vers la bande de Gaza, située à 800 mètres, en signe "de paix et d'amour". Une tradition chez les Israéliens pacifistes. La fête a tourné au carnage le samedi à l'aube, sous le coup de l'attaque des terroristes du Hamas. Leur kibboutz fut un des premiers touchés. Ils se sont réfugiés depuis lors en Belgique. Ils ont accepté de raconter leur histoire à L'Echo.

"Nous pensions que nos vies étaient finies."

Oren Cherry
Ingénieur électricien, habitant du kibboutz Nahal Oz

"Je reçois à l'instant un message m'annonçant la mort de Tomer Eliaz, un jeune du kibboutz otage à Gaza. Il avait 17 ans", lâche Addi, le visage rougi de tristesse. "Ça n'arrête plus. Nous recevons ce genre de message toutes les deux heures". Une semaine après le massacre, le drame continue. "Des amis meurent encore", dit-elle. Elle s'arrête. Son mari prend la relève.

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Oren (à gauche) et Addi Cherry.
Oren (à gauche) et Addi Cherry. ©Kristof Vadino

"J'ai été réveillé à 6h10 par des bruits de bombardements d'une intensité inhabituelle. Je suis sorti. J'ai vu le ciel rempli de roquettes tirées depuis Gaza. J'ai entendu une mitrailleuse", raconte Oren.

"Puis, j'ai vu au loin deux hommes du Hamas marcher vers moi, la tête sertie d'un bandeau vert, armés de kalachnikov. J'ai hurlé: 'le Hamas est ici', avant de me précipiter dans la ' safe room' avec ma famille".

Prisonniers de la "safe room"

La chambre forte, bâtie pour résister aux roquettes, n'est pas faite pour protéger d'un assaut terrestre. "Il n'y a pas de verrou sur la porte, afin de permettre aux sauveteurs d'entrer sans difficulté", dit-il. "Une fois dans la 'safe room', nous avons entendu des gens pénétrer dans la maison. Ils criaient: 'tuez les Juifs', 'Allahu akbar'… On a cessé de respirer. Nous pensions que nos vies étaient finies", poursuit-il.

Les terroristes se sont installés dans leur maison. L'électricité était coupée. Dans l'abri, il faisait noir. Il n'y avait pas de nourriture, et à peine un demi-litre d'eau. "Les combattants du Hamas étaient trois, je pense. Des professionnels. Nous avons compris que l'un d'eux était blessé, et qu'il allait mourir. Ils sortaient pour se battre, et revenaient se reposer", ajoute Oren.

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Ils ont voulu entrer dans la chambre forte. "Ils n'ont pas réussi à ouvrir la porte car il faut tourner la poignée à plus de 90°. Ils n'ont pas insisté. Nous poussions la porte, pour tenter de la bloquer. Ils auraient pu entrer facilement et nous tuer", dit-il.

"Des habitants de Gaza ont pris la relève des terroristes. Des civils, hommes, femmes et enfants, arrivés à pied."

Addi Cherry
Habitante du Kibboutz Nahal Oz

Les terroristes partis, une deuxième vague est arrivée. "Des habitants de Gaza ont pris la relève des terroristes. Des civils, hommes, femmes et enfants, arrivés à pied. Ils sont entrés dans la maison, ils se sont mis à tout saccager et à voler. Ils ont brûlé des maisons voisines. Ils se sont emparés de gens du kibboutz pour les amener de force à Gaza", raconte Addi.

La famille Cherry est restée prisonnière de la "safe room" durant onze heures. "Nous avons tenté de joindre les secours avec nos portables, mais nous n'avons reçu aucune réponse", poursuit Addi. "Puis, une troisième vague est arrivée de Gaza, pour emporter les corps des combattants tués".

Elad Poterman a aussi vécu l'enfer dans le kibboutz de Nahal Oz, avec sa compagne Maria et Leen, leur bébé de sept mois.
Elad Poterman a aussi vécu l'enfer dans le kibboutz de Nahal Oz, avec sa compagne Maria et Leen, leur bébé de sept mois. ©Kristof Vadino

L'armée israélienne finit par les libérer durant la soirée, avant de les exfiltrer vers une base militaire. "Nous avons pris deux ou trois vêtements à la va-vite. Notre maison était ravagée. Plein de sang était répandu sur le sol. Yahav, mon jeune fils de 9 ans était choqué, car ils lui avaient tout volé, y compris sa tenue des Diables Rouges, ce à quoi il tenait le plus", dit Oren.

La famille Cherry a fui en Belgique, "loin de la guerre", avec quelques sacs en plastique pour seuls bagages. Ils imaginent mal retourner vivre là-bas. "C'était la maison de nos rêves, nous venions de la terminer. Nous l'avons perdue. Mais nous reconstruirons nos vies, nous sommes forts", résume Oren.

Armée d'un couteau, le bébé dans les bras

Elad, Maria et Leen, leur bébé de sept mois, ont eux aussi vécu l'enfer dans le kibboutz de Nahal Oz.

"Quand nous avons entendu les roquettes, nous nous sommes précipités vers la 'safe room'. Heureusement, le précédent propriétaire avait installé une barre de fer pour bloquer l'entrée. Contrairement aux autres maisons, nous avions cette sécurité", explique Elad Poterman.

"Ils ont frappé à la porte de la 'safe room'. Derrière, je tenais une hache, j'étais prêt à me battre."

Elad Poterman
Éducateur, habitant du Kibboutz de Nahal Oz

Une fois à l'abri, ils ont pu communiquer et suivre l'attaque sur les réseaux sociaux. "J'ai appelé à l'aide, mais personne n'a répondu. L'armée n'avait personne à envoyer", dit Elad, "les informations fusaient de partout. Un ami en Australie m'a écrit qu'un habitant de notre kibboutz avait été tué."

Des terroristes sont entrés dans leur maison. "Ils ont frappé à la porte de la 'safe room'. Derrière, je tenais une hache, j'étais prêt à me battre. Ma femme tenait un couteau dans la main, et notre bébé dans l'autre", dit-il. "Notre petite fille a été magnifique, elle n'a pas pleuré, elle n'a fait aucun bruit. Si elle avait crié, nous ne serions pas là."

Maria et Leen Poterman.
Maria et Leen Poterman. ©Kristof Vadino

"Ils seraient entrés et nous auraient tués. Mais j'étais prête à vendre chèrement ma vie", ajoute Maria.

"J'ai des amis en Palestine, en Syrie, en Irak. Ce sont des gens bien."

Elad Poterman
Éducateur, habitant du Kibboutz de Nahal Oz

Elad et Maria ne comprennent pas la cruauté de l'attaque. Ils sont effondrés. "Je suis éducateur, je connais chaque enfant du kibboutz. Je ne peux plus supporter d'apprendre la mort de l'un puis de l'autre, chaque jour depuis une semaine", explique Elad.

"Je reste un modéré. Je ne laisserai pas ces criminels prendre ma conscience. J'ai des amis en Palestine, en Syrie, en Irak. Ce sont des gens bien, qui veulent juste élever leurs enfants. Je n'ai rien contre les Palestiniens, mais bien contre le radicalisme religieux", précise-t-il.

Elad accuse le gouvernement de Netanyahou d'avoir affaibli le pays. Il avertit aussi la société européenne contre le terrorisme islamiste. "Nous ne sommes pas parvenus à gérer ce problème, et nous vous avertissons. Si vous n'y parvenez pas non plus, en Occident, vous le regretterez aussi un jour".

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