Odoo emporte le trophée de l'Entreprise de l’année

C'est donc Odoo, l'éditeur de logiciels de gestion établi dans le Brabant wallon qui s'est vu décerner le prix de l'Entreprise de l'année 2021, organisé par EY, avec le soutien de BNP Paribas Fortis et L'Echo. Fabien Pinckaers, le fondateur de la société, chaussures labellisées Odoo aux pieds, a reçu le trophée des mains du Premier ministre Alexander De Croo. Le jury de l'Entreprise de l'année, composé de figures marquantes du monde de l'entreprise, dont le gagnant de l’an dernier Fabrice Brion, CEO d'I-Care, devait départager les cinq finalistes: Analis (équipements scientifiques et technologie de pointe), G Moury (construction), Goumanisto (alimentaire), Iris (peinture industrielle) et Odoo.

Odoo succède à I-Care et à Easi. trois entreprises technologiques. Signe d'un basculement de l'économie wallone? "C'est une évolution inéluctable. Aujourd'hui, sept des plus grandes entreprises mondiales ont été créées par des développeurs. C'est aussi possible en Wallonie", affirme celui qui fut scale-up de l'Année il y a neuf ans.

C'est la croissance astronomique affichée par l'entreprise de programmation qui a particulièrement impressionné le jury. Depuis sa création en 2004, Odoo a connu une progression difficile durant la première décennie de son existence, mais qui s'est accélérée sans cesse depuis 2013-2014, avec des paliers de 50 à 70% chaque année. 74% de progression en 2021, pour atteindre 174 millions de chiffres d'affaires. Et des prévisions d'au moins 70% encore pour l'année en cours. "Mais ceci n'est rien par rapport à ce qui nous attend", précise Fabien Pinckaers à l'adresse de ses équipes, présentes ou en virtuel. "Nous devons maintenant passer de 2.000 à 20.000 employés pour devenir le deuxième champion technologique européen, à l'égal de SAP", son principal concurrent par ailleurs!

De start-up à licorne

Jusqu'en 2013, l'entreprise cherche son modèle économique. Mais Pinckaers y croit dur comme fer. Il garde le cap. La boîte s'en sort, même si ses comptes sont vides chaque début de mois après avoir payé les salaires de ses employés. Jusqu'en 2010 et l'arrivée de Xavier Niel dans le tour de table, Pinckaers restait le seul actionnaire. Une maîtrise dont il ne s'est jamais départi. Il reste d'ailleurs toujours majoritaire aujourd'hui, même si à la faveur de redistribution des cartes entre les minoritaires, Odoo a atteint le stade de licorne, en dépassant le milliard de dollars de valorisation.

Recrutements massifs

Il y a huit ans, le modèle trouve enfin grâce aux yeux de la cible privilégiée d'Odoo, les PME. Plus accessible, le logiciel de base permet de recevoir toute une série de modules complémentaires qui ajoutent autant de fonctionnalités. Ce tronc commun est gratuit, alors que les modules deviennent progressivement payants, de même que les capacités d'hébergement. Dans le même temps, Odoo abandonne le rôle d'intégrateur et d'installateur de sa suite logiciel chez les clients pour se recentrer uniquement sur l'édition des logiciels.

Pour suivre sa croissance galopante, Odoo engage à tour de bras. Et alors que certains concurrents dépensent des sommes folles en marketing pour gagner des clients, Odoo ne fait pas de pub, ou très peu. En revanche, les dépenses marketing sont dirigées vers le recrutement de talents. Avec des campagnes marquantes, sinon agressives, pour attirer les développeurs, comme des primes à l'engagement de 10.000 euros cash! "Il y a des compétences en Wallonie, très pointues. Mais le problème, c'est qu'il n'y en a pas assez. Nous engageons des centaines de développeurs mais il n'en sort pas 100 chaque année de Louvain-la-Neuve. C'est un vrai problème", constate le lauréat.

Innovation

Innovante, Odoo ne l'est pas seulement sur son approche du produit, sur son approche commerciale. Elle l'est aussi dans sa gestion des ressources humaines, pointe Laurent Levaux, président du jury.

Parfois dogmatique sur son produit ou sur l'ouverture de son capital, Pinckaers est tout aussi rigoureux dans la gestion de ses équipes. 1.000 personnes embauchées dans le monde en 2021. 1.800 prévues en 2022, dont la moitié en Belgique. Le tout, toujours "au bas de l'échelle". Odoo se fait fort de ne jamais engager des managers confirmés pour assurer un rôle de coordination. Celui-ci est laissé à celui ou celle qui se distingue au sein d'une équipe, et ce rôle varie d'ailleurs d'un projet à l'autre.

Cette croissance-là aussi, il faut la gérer, pour maintenir la cohésion et la culture de l'entreprise alors que près de la moitié du personnel n'a pas un an d'ancienneté, mais Fabien Pinckaers et son staff parviennent à faire percoler l'esprit d’entreprise au sein des équipes, tout comme les clients et partenaires d'Odoo constituent une communauté solide.