La Belgique dévoile sa future île énergétique en mer du Nord, une première mondiale
Le projet d'île artificielle en mer du Nord doit permettre de raccorder la nouvelle zone éolienne offshore au réseau, tout en servant de hub aux nouvelles interconnexions.
En ces temps de crise énergétique, il est devenu rare pour les décideurs politiques et spécialistes du secteur d'avoir l'occasion de délivrer des bonnes nouvelles. Pourtant, c'est une journée sous le signe de l'espoir pour la garantie future de la sécurité d'approvisionnement de la Belgique qui s'est déroulée ce lundi à Ostende.
Au programme: la présentation des plans de l'île énergétique artificielle d'Elia, soit une étape indispensable à la politique menée par le gouvernement pour le développement de la capacité offshore en mer du Nord. "Ce projet est un des piliers de la transition énergétique en Belgique", a déclaré Chris Peeters, le CEO du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, chargé de chapeauter le projet. "Nous voulons que ce projet soit le point de départ de la transformation de la Mer du Nord en centrale énergétique verte", a embrayé Tinne Van der Straeten (Groen), la ministre fédérale de l'Énergie, présente à l'occasion.
Plaque tournante
Concrètement, l'île Princesse Elisabeth - c'est son nom - aura une mission double. D'abord, elle servira de point de raccordement entre les éoliennes en mer de la deuxième zone éolienne offshore du pays (dont la capacité atteindra 3,5 GW) et le réseau terrestre à haute tension. Elle permettra de combiner à la fois du courant alternatif et du courant continu - "une prouesse technique", souligne ici Markus Berger, le responsable des infrastructures chez Elia - et servira ainsi, à l'instar du MOG déjà installé pour raccorder la première zone éolienne au réseau, de prise électrique géante en limitant au maximum le nombre de câbles nécessaires.
"Le but principal de l'île est de récolter et rapatrier l'énergie produite tout en assurant la fonction de hub énergétique via les interconnexions."
En outre, l'île jouera un rôle clé dans la transformation de la Belgique en plaque tournante énergétique, puisque les futurs projets d'interconnexions avec le Royaume-Uni (Nautilus) et le Danemark (Triton Link) y seront reliés. À noter qu'il s'agira ici d'interconnexions hybrides, permettant à la fois les échanges entre les pays, mais aussi l'intégration de l'électricité produite par les parcs éoliens à venir.
"Le but principal de l'île est de récolter et rapatrier l'énergie produite tout en assurant la fonction de hub énergétique via les interconnexions", résume Markus Berger, qui souligne que les installations électriques occuperont 95% de la surface de l'île, enterrant ainsi les espoirs du gouvernement d'y intégrer des unités de production d'hydrogène vert.
Première mondiale
Dans les faits, l'île se présentera sous la forme d'un gigantesque monticule de sable encapsulé dans des caissons en béton et recouvert des infrastructures nécessaires à l'accueil, à la transformation et au transport du courant. Située à 45 km de la côte, environ au milieu de la partie sud de la zone Princesse Elisabeth, l'île accueillera aussi un port et un héliport. La surface émergée devrait atteindre autour de 5 hectares, pour 25 ha de fonds marins occupés par les fondations.
Niveau timing, la construction devrait débuter en 2024 et s'achever à la mi-2026. "La prochaine étape consistera à attribuer les contrats pour la construction et obtenir les différents permis nécessaires. Cela se fera entre 2022 et 2023. Nous passerons ensuite à la construction de l'île en tant que tel, puis, à partir de 2026, à l'installation des infrastructures électriques et des interconnexions. Le raccordement au réseau est prévu pour 2030", explique Markus Berger qui rappelle que la réussite de l'île est conditionnée au renforcement du réseau terrestre et donc à l'aboutissement des projets controversés de lignes à haute tension Ventilus et Boucle du Hainaut.
Le coût de la zone dans son ensemble, comprenant l'île, les infrastructures électriques et les câbles (et donc pas les éoliennes qui seront financées par les développeurs eux-mêmes), est pour l'instant estimé à plus de 2 milliards d'euros. "C'est beaucoup d'argent, mais c'est le prix à payer face à la nécessité pressante de sécuriser l'accès à l'énergie à bas coût", souligne Chris Peeters, le CEO d'Elia. Des moyens issus du plan de relance et un subside de la Commission européenne viendront alléger la facture. Notons au passage que la réalisation de l'île rendra caduque la nécessité de bâtir un second MOG, soit une prise électrique géante en mer destinée à rapatrier l'électricité produite sur la terre ferme.
Avec la nouvelle île énergétique, le gouvernement - et la ministre Tinne Van der Straeten - font un pas de plus vers leur rêve ambitieux de transformer la Mer du Nord en véritable centrale électrique verte.
Pour rappel, l'objectif pour la côte belge est d'atteindre 8 GW de capacité électrique d'ici à 2040 (contre 2,2 aujourd'hui). Pour y arriver, l'exécutif compte donc sur la nouvelle zone et ses 3,5 GW de capacité (contre un objectif initial de 3,12), répartis en trois concessions (700 MW, et deux fois 1.225 à .1400 MW) bientôt soumises au marché. En outre, un "repowering" des parcs existants et l'installation de panneaux solaires flottants devraient permettre de maximiser la capacité installée. À noter que la possibilité d'installer une troisième zone est étudiée mais, selon le ministre de la Mer du Nord, Vincent Van Quickenborne, "ce n'est pas encore une certitude étant donné les contraintes de place".
Parce qu'elle servira de "nœud énergétique consistant en une première étape vers la construction d'un réseau électrique européen fluide" - selon les mots de Markus Berger - l'île s'inscrit inévitablement dans l'accord conclu entre le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, visant à faire de la Mer du Nord la plus grande centrale électrique verte au monde. Pour rappel, l'objectif de cette déclaration signée en mai dernier consiste à installer 150 GW de capacité en mer d'ici à 2050, avec un objectif intermédiaire de 65 GW pour 2030.
- Elia a dévoilé son projet d'île artificielle en Mer du Nord, censé raccorder les éoliennes de la nouvelle zone Princesse Elisabeth et accueillir les nouvelles interconnexions hybrides avec le Danemark et le Royaume-Uni.
- Première mondiale, le projet nécessitera environ 2 milliards d'euros et sera pleinement opérationnel d'ici à 2030.
- Pour le gouvernement, l'île est une étape essentielle vers l'objectif de 8 GW de capacité installée en Mer du Nord.
Les plus lus
- 1 Gouvernement wallon: la note de Pierre-Yves Jeholet prônant un contrôle plus serré des chômeurs est validée
- 2 Une banane scotchée achetée 6,2 millions de dollars par un entrepreneur crypto
- 3 Élections communales: après recomptage des votes, le MR perd un siège au profit d'Ecolo à Bruxelles-Ville
- 4 Indépendant en société: avez-vous intérêt à constituer une réserve de liquidation?
- 5 États-Unis: Donald Trump choisit Pam Bondi comme ministre de la Justice après le retrait de Gaetz