Rudi Vervoort: "S'il le faut, on fera du porte-à-porte pour la vaccination"
Les chiffres de vaccination ne sont pas bons à Bruxelles. Au codeco, le ministre-président bruxellois plaidera pour un renforcement des contrôles des retours de vacances.
Le ministre-président bruxellois a passé ses vacances en Italie où il a pu constater que l'usage d'un pass sanitaire pour accéder aux restaurants s'ajoute aux mesures de distanciation entre les tables et de limitation des convives. Cette ligne stricte ne semble pas déplaire à Rudi Vervoort qui ne dispose pas de marge de manœuvre en la matière, contrairement à la vaccination qui est du ressort des Régions... "Il y a des constats objectifs. Le taux de vaccination bruxellois est faible, singulièrement chez les jeunes où l'écart est très important entre les Régions. Plus on descend dans la pyramide des âges, plus l'écart se creuse. On est quasiment à 60% pour les 35-44 ans et c'est après que cela dégringole. Pour les 12-17 ans, on est à 20% contre 73% en Flandre et 53% en Wallonie", expose le socialiste.
Les chiffres sont sans équivoque, Bruxelles est donc la grande perdante de la course à la vaccination. Mais on s'interroge : quelles seront les conséquences sanitaires ? "Dans le détail, on ne le sait pas. Aujourd'hui, on ne sait pas comment va évoluer l'épidémie et singulièrement à Bruxelles au regard des retours de vacances et de ce faible taux. Mais cela peut avoir des conséquences sur le plan hospitalier. Cela en a déjà puisqu'on a un nombre plus important de personnes hospitalisées que dans les autres Régions."
"Je reconnais que les chiffres ne sont pas bons, mais dire que l'on a failli serait injurieux pour les équipes. Ce n'est pas vrai."
Le ministre-président n'en défend pas moins le travail fourni par sa Région. "Je reconnais que les chiffres ne sont pas bons, mais dire que l'on a failli serait injurieux pour les équipes. Ce n'est pas vrai. Nos centres ont fonctionné de manière remarquable. Dire que l'on n'a pas fait d'information, c'est faux. On a travaillé avec les communes, les associations, les cultes, des influenceurs... Mais quand une communauté, pour des raisons religieuses ou de superstition, délivre des messages d'ignorance, c'est difficile à contrer. Et quand on voit les couillonnades que des personnes de niveau bac +5 écrivent sur Facebook, c'est effrayant !"
Pour Rudi Vervoort, les causes sont principalement d'ordre socio-économique, comme c'était déjà le cas pour le taux de mortalité plus élevé à Bruxelles. "Cela fait analyse de mec de gauche qui ramène tout à la notion de classe sociale, mais c’est la réalité. Dans les quartiers plus précarisés d'Anvers, on retrouve des taux semblables à Bruxelles où l'on observe aussi une grande disparité entre les 19 communes. Nous avons deux extrêmes en termes de spectre. Prenons l'exemple de Saint-Gilles où le taux de vaccination n'est pas top. C'est probablement lié à la fois à une partie précarisée de la population et à une autre partie plus aisée et antivax. Ces chiffres-là, on les trouve dans toutes les villes."
Bruxelles se retrouve pourtant loin derrière d'autres grandes capitales européennes. "Les comparaisons ont leur limite. À Paris, les populations défavorisées ne vivent plus dans la ville, mais en banlieue. À Bruxelles, c’est le contraire." Berlin ? "Ils ont instauré un pass sanitaire il y a des mois, ce qui est une prérogative des Länder. Cela motive la part de la population qui restait plutôt indifférente. Comme à Paris où il y a eu plus d'un million d'inscriptions pour la vaccination en un seul jour après l'annonce de Macron", rappelle Rudi Vervoort.
On le sonde sur ses objectifs. "On vise toujours les 70%, mais le tout est de savoir si l'on tient compte uniquement des 18 ans et plus comme cela se faisait jusqu'il y a peu... Prendre toute la population nous désavantage car on on a une population très jeune. Quand je dis cela, j'entends : 'c'est toujours la même chose avec les Bruxellois qui donnent des explications à la mords-moi-le-nœud pour justifier leur incompétence'. Mais c'est juste la vérité ! Comme pour notre taux élevé d'occupation des lits d'hôpitaux : un quart des patients ne sont pas des Bruxellois."
"Ce n'est plus au citoyen d'aller vers le vaccin, mais au vaccin d'aller vers le citoyen. Je pense qu'on n'a pas d'autres options à Bruxelles."
Vaccination au travail
Expliquer les choses n'empêche évidemment pas d'agir, insiste-t-il. "Ce n'est plus au citoyen d'aller vers le vaccin, mais au vaccin d'aller vers le citoyen. Je pense qu'on n'a pas d'autres options à Bruxelles." Plus concrètement, il est question de renforcer toutes les opérations de décentralisation déjà menées, comme la venue du vacci-bus dans les quartiers affichant les taux les plus bas. "Nous avons les chiffres pour 143 quartiers, ce qui nous permet de vraiment cibler. S'il le faut, on ira jusqu'à faire du porte-à-porte. On peut imaginer des opérations, au départ pilotes, car c'est plus complexe à réaliser."
La vaccination s'invitera dans les écoles, mais aussi sur le lieu de travail. "Des opérations de vaccination seront menées au niveau de nos services publics, pour montrer l'exemple. À commencer par la Stib, premier employeur de la Région bruxelloise. Des bus s'installeront dans les dépôts et on invitera les agents à se faire vacciner." Côté privé, Beci a lancé un appel à toutes les entreprises bruxelloises. À partir d'une dizaine d'employés inscrits, une équipe de la Cocom se déplacera dans l'entreprise pour les vacciner.
"Si une personne ne veut vraiment pas se faire vacciner, on peut danser sur notre tête."
Rudi Vervoort se montre déjà prudent quant aux résultats de ces diverses mesures, évoquant une obligation de moyens uniquement. "L'exemple de Saint-Josse est intéressant. Emir Kir a mis énormément de moyens qui lui ont permis de passer de 32% à 52%. Avec tout ce qu'il a fait, on pouvait espérer arriver à 80%... Si une personne ne veut vraiment pas se faire vacciner, on peut danser sur notre tête."
Pro pass sanitaire
Il ne s'en cache pas, le ministre-président bruxellois est favorable à l'obligation vaccinale du personnel soignant. "Je m'exprimerai en ce sens au codeco", précise le socialiste. Bruxelles pourrait-elle aller plus loin et imposer seule le vaccin à sa population ? "Ce n'est pas possible juridiquement. C'est une discussion qu'il faudrait avoir avec toutes les entités. C'est sans doute un peu cynique, mais la Flandre estimera qu'elle n'a aucun besoin de le faire."
Le pass sanitaire ne peut pas non plus être une solution spécifique à Bruxelles. "Cela nécessiterait un changement de législation. L'accord de coopération devrait prévoir la faculté pour les entités de prendre des mesures complémentaires, comme l'arrêté ministériel qui avait permis à Bruxelles de prendre en toute autonomie des mesures additionnelles telle que le port du masque dans l'espace public", explique Rudi Vervoort.
Ce dernier regrette que le débat ait été éludé en Belgique. "On ne doit pas dire aujourd'hui que c'est une mauvaise mesure. L'Italie et la France ne sont pas des dictatures contrairement à ce que pensent certains imbéciles. Je comprends le débat de principe et juridique sur les libertés, le fait qu'on soit contrôlable. Mais les gens qui redoutent cela devraient alors payer uniquement en cash, laisser leur téléphone chez eux, ne pas rouler en voiture si elle est connectée. Et même éviter les transports publics où l'on doit valider son titre. On vit dans un monde comme ça..."
Pas d'assouplissements
Ce vendredi en codeco, le socialiste plaidera le statu quo au niveau des mesures sanitaires. "On doit mettre Bruxelles sur pause et maintenir l'arrêté tel qu'il existe. À l'instar de ce que Caroline Désir prévoit pour l'enseignement : on maintient la situation d'avant-vacances. Le risque lié à des assouplissements est trop grand."
"Il faut éviter la stigmatisation d'une population. Mais elle est plus touchée, c'est vrai. Et 40% des personnes revenant du Maroc sont des Bruxellois."
Rudi Vervoort plaidera aussi pour un renforcement des contrôles dans les aéroports, les gares et sur la route. "Je vais demander au fédéral de mettre le paquet. C'est fondamental de détecter tous les cas positifs pour les derniers retours de vacances afin d'éviter la création de clusters. Et cela devra se savoir pour que les gens remplissent leur PLF. Aujourd'hui, je ne connais personne qui a été contrôlé à son arrivée. Et comme les gens se parlent..."
On aborde la problématique des retours du Maroc, avec un taux de positivité de 12%. "Il faut éviter la stigmatisation d'une population. Mais elle est plus touchée, c'est vrai. Et 40% des personnes revenant du Maroc sont des Bruxellois. C'est pour cela que je plaide pour que l'on contrôle tous les retours de la semaine prochaine. Il ne faut pas viser seulement les vols en provenance du Maroc, ce serait ridicule, mais principalement tous les pays en situation difficile. C'est logique quand même. Il s'agit simplement d'appliquer les règles en vigueur !"
- "Je reconnais que les chiffres ne sont pas bons, mais dire que l'on a failli serait injurieux pour les équipes."
- "Dans les quartiers plus précarisés d'Anvers, on retrouve des taux semblables à Bruxelles où l'on observe aussi une grande disparité entre les 19 communes."
- "Nous avons les chiffres pour 143 quartiers, ce qui nous permet de vraiment cibler."
- "Des opérations de vaccination seront menées au niveau de nos services publics, pour montrer l'exemple."
- "Je vais demander au fédéral de mettre le paquet sur les contrôles. C'est fondamental de détecter tous les cas positifs pour les derniers retours de vacances."
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