Ludivine Dedonder: "Je viendrai avec d'autres projets du type FN Herstal"
La ministre PS de la Défense Ludivine Dedonder entend soutenir la dynamique industrielle nationale à partir des besoins de l'armée jusqu'aux élections.
"On a été extrêmement dépendants au niveau industriel, c’est notre plus grande faiblesse. Il n’y a pas de puissance militaire sans économie forte, et assurer notre sécurité, c’est aussi nous réindustrialiser." C'est le nouveau crédo d'un Parti socialiste qui semble avoir mis en veilleuse sa fibre anti-militariste et sa vision "ONG" de l'armée pour défendre un réinvestissement massif dans la Défense. Corrélé à la création d'activité en Belgique.
Nouvelle donne géopolitique oblige, souhaite contextualiser Ludivine Dedonder auprès de L'Echo. Objectif: "avoir un outil suffisamment robuste pour dissuader et suffisamment résilient en cas de guerre". Et la ministre de pointer la réorganisation de forces hostiles à l'Occident. Une Russie en guerre et "agressive en Afrique", une Chine étalant son influence, un nombre important de pays qui, à l'ONU, ont du mal à condamner la guerre en Ukraine, l'extension des Brics, les coups d'État en Afrique, la désinformation massive. "Nos fragilités apparaissent", constate Ludivine Dedonder, qui entend mettre la Belgique à la pointe du développement d'une Europe de la Défense.
Outre les 11 milliards d'euros injectés dans la Défense sous cette législature, la ministre défend un contrat mammouth de 1,7 milliard d'euros sur 20 ans avec la FN Herstal, qui a souffert d'un report en gouvernement vendredi. Blocage? "Le projet avance bien et fait globalement consensus", répond la ministre. "Certains détails sont encore vérifiés, mais la raison du report est un couplage politique. Je ne doute pas qu'au final, ce projet aboutira."
Pourquoi conclure un tel partenariat?
On a des difficultés en matière de renouvellement des stocks de munitions, pour certains produits, on est dans des délais d’attente de deux à trois ans. Ce n’est pas possible. En plus, on doit continuer à fournir l’Ukraine. Il faut donc augmenter les lignes de production.
Nous avons là une entreprise qui est la seule en Belgique à produire des armes légères et des munitions. Nous avons décidé de lui donner des perspectives. En retour, nous obtenons une sécurité d’approvisionnement avec des produits de qualité.
"Le partenariat avec la FN Herstal est une révolution copernicienne."
D’autres partenaires sont intéressés dans une logique de coopération entre États-membres. La France a marqué son intérêt pour les produits FN, du côté des Pays-Bas, il y a aussi de l'intérêt.
L'Inspection des finances pointe la fragilité juridique du projet. Vous invoquez l'article 346 du Traité européen pour éviter une mise en concurrence. Êtes-vous sûre de votre coup?
Quand je suis arrivée, beaucoup d’entreprises me demandaient pourquoi la Belgique n’invoquait jamais l’article 346. On a travaillé là-dessus avec l’État-major et des juristes. Ce qui est proposé ici tient la route. Le dossier répond aux critères prévus par cet article: répondre à un enjeu de sécurité nationale avec des biens militaires qu’un seul producteur en Belgique peut fournir. Ce qui se fait en France et en Allemagne, jamais chez nous. Dès qu’on sort des sentiers battus, on se dit "houlala".
On a répondu à l’Inspecteur des finances, on est allés en recours contre son avis auprès de la secrétaire d’État au Budget pour le passer en conseil des ministres, et elle a jugé qu’il y avait une opportunité politique. Et j’amènerai d’autres dossiers de ce type avant les élections, car nous avons d’autres produits. C’est une révolution copernicienne, il faut s’en rendre compte.
"On ne l’a pas fait juste parce que la FN est une entreprise liégeoise détenue par la Wallonie."
Par exemple?
C’est trop tôt pour que j’en parle. Mais je veux dire qu’il y aura d’autres dossiers que celui de la FN Herstal. J’ai entendu des attaques côté flamand, mais on ne l’a pas fait juste parce que la FN est une entreprise liégeoise détenue par la Wallonie. Il y en aura d’autres, car on est dans une dynamique de renforcement de la défense européenne.
Aujourd’hui, 85% des achats de ce type d’armement se font hors Europe, particulièrement au Brésil. On ne peut pas prôner la défense européenne, dire qu’il faut renforcer notre autonomie stratégique et notre base industrielle, tout en continuant à dépendre d’autrui.
En Ukraine, le front est figé après une contre-offensive qui n’a pas donné les résultats escomptés. Doit-on changer de stratégie?
C’est vrai que la ligne de front n’a pas évolué de manière significative, il y a eu des gains tactiques de part et d’autre. L’hiver approche, ce sera encore compliqué et l’artillerie va continuer de jouer son rôle. On en parle moins en raison du conflit au Proche-Orient, mais ce n’est pas pour autant qu’on agît moins. Le soutien est soit en cours de production, soit en cours d’acheminement, notamment des moyens de défense anti-aérienne tel que cela avait été prévu.
L'arrivée des F-16 va-t-elle changer la donne à votre avis?
Cela peut changer les choses, oui, car aujourd’hui la situation est compliquée pour les hommes au sol, il faut un autre soutien. Ceci dit, l’Ukraine n’est pas en train de perdre. La ligne de front est stable, elle maintient sa position.
"Je me suis dit 'Ça y est, on est en campagne'."
Il y avait de la nouveauté dans l’annonce de l’envoi de F-16 belges en 2025?
Non. La nouveauté, c'était la maintenance par l’industrie. J’ai toujours dit que je ne pouvais pas en donner maintenant, mais je n’ai jamais dit que je n'en donnerais jamais. On a bien vu la technique du MR... On a eu une discussion en kern, il y a très longtemps, sur la coalition F-16. Je l’avais dit, car c’est la vérité, nos avions sont en opération, il a donc été convenu qu’on prenne en charge la formation des pilotes et des techniciens.
Lors du dernier kern, il y a eu une question de Madame Lahbib. J’ai réexpliqué la logique: une dizaine de pays forment la coalition F-16 où chacun apporte quelque chose, on essaie d’être complémentaires entre États.
Il a été convenu qu’on demande une étude de la Défense. J'ai dit "ok". J’avais à peine quitté le 16 qu’une interview de Madame Lahbib sortait, disant "J’exige qu’on donne des F-16, je suis intervenue en kern, etc." Intervenue, oui, mais du bout des lèvres, par une question! Je me suis dit "Ça y est, on est en campagne". Donc, on s’est un peu frité, il faut bien le dire. Il ne faut pas me chauffer. Ensuite, le président Zelensky est venu, on a dû reclarifier cela. C’est comme cela qu’on a communiqué. Pour dire ce qu’on avait déjà dit.
"Nous avons des équipes à Chypre et au Liban pour préparer l’évacuation de nos ressortissants en Israël."
Vous avez été solidaire de la position du gouvernement réclamant un cessez-le-feu humanitaire à Gaza, mais le PS dépose une motion à la Chambre réclamant un cessez-le-feu pur et simple. N'est-ce pas étrange?
La position du gouvernement est a minima, nous aurions aimé ajouter autre chose. Tout cela évolue au jour le jour en fonction du conflit. Aujourd’hui, avec le nombre de civils tués, on ne peut pas accepter cette réponse disproportionnée. Les Palestiniens sont aussi victimes. Il faut donc négocier. Rien n’empêche de désigner un médiateur. Sinon, on ne fait rien et on dit que ce n’est pas grave. Sur le principe, on doit faire cette sortie, on ne peut pas tolérer ce qui se passe.
Quelle est l'implication de la Défense sur place?
Nous travaillons avec les Affaires étrangères. Nous avons des équipes à Chypre et au Liban pour préparer l’évacuation de nos ressortissants en Israël. Notre attaché de défense en Égypte s’est déplacé à Rafah pour faire en sorte qu’on puisse faire sortir nos ressortissants de Gaza. Il y en a encore 150 qui peuvent y prétendre.
Des ambulances égyptiennes ressortent avec des blessés qui sont pris en charge dans des hôpitaux égyptiens, militaires pour la plupart. Pour le moment, au niveau du personnel, ça va, mais au niveau des médicaments, il y a une demande. J’ai proposé de faire parvenir du matériel médical et d'accueillir des grands brûlés éventuels.
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