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Cinq entrepreneurs belges aux États-Unis commentent l'impact business des élections américaines

©REUTERS

Les entrepreneuses et entrepreneurs belges basés aux États-Unis scrutent avec attention les élections américaines. La victoire du camp Trump ou du camp Harris pourrait avoir un impact sur leur business. Témoignages de cinq expatriés au regard acéré.

"Trump pourrait supprimer mon visa spécial d'entrepreneur"

François Vaxelaire - Fondateur et patron de The Lot Radio

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Pour François Vaxelaire, une victoire de Kamala Harris ne permettrait pas d'empêcher au chaos semé par Donald Trump depuis son premier mandat de progresser. "Je redoute ce qui se passera dans les deux cas de figure. Trop d'acteurs cherchent à déstabiliser davantage une société américaine déjà malade. Et je crois que ce climat s'aggravera, quelle que soit l'issue du vote", grimace l'entrepreneur, fondateur et patron de la radio en ligne The Lot Radio, devenue une institution de la contre-culture dans la Big Apple.

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Logée dans un container maritime planté dans le quartier de Greenpoint, en plein cœur de Brooklyn, la petite station s'est fait une place entre les mastodontes FM et les radios étudiantes, et est parvenue à fidéliser une audience principalement locale, mais aussi à l'international, grâce à une programmation musicale pointue. Gratuite et sans pub, la radio vit des revenus du coffee (et wine) shop attenant, aussi créé par Vaxelaire. "Ça marche super bien. Nous sommes aujourd'hui trois à travailler à plein temps sur la radio et huit baristas font tourner le bar", explique-t-il. En mai dernier, la superstar de la pop Charli XCX leur a même rendu visite pour une performance surprise, créant une petite émeute au passage.

La force du projet est qu'il sert de point de rendez-vous à de nombreux DJs et artistes en tout genre, appelés à remplir les plages de la radio bénévolement. Une émulation constante qui permet à l'entrepreneur d'avoir en permanence son doigt sur le pouls de la jeunesse artistique new-yorkaise. Et, en 14 ans, le ciel s'est considérablement assombri pour elle.

"Le melting-pot bouillonnant des débuts existe toujours, mais il est beaucoup moins créatif et insouciant qu'avant. La vie à New-York est terriblement difficile quand on n'appartient pas au monde corporate. Il est impossible d'acheter un logement. Et je suis le seul de mes amis à pouvoir me permettre une assurance-santé", décrit-il.

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"Les jeunes artistes n'y arrivent plus. On en voit de plus en plus quitter la ville pour l'Europe, le Portugal en particulier. La qualité de vie qu'on y trouve me manque aussi, je dois dire."

Pour réussir comme entrepreneur sous visa spécial, "que Trump pourrait décider de supprimer du jour au lendemain", François Vaxelaire doit aussi faire attention à ce qu'il fait. Et à ce qu'il dit. "J'ai dû refuser de diffuser un spot de campagne de Kamala Harris par peur des répercussions. À New-York, les supporteurs des deux camps sont très vocaux et très véhéments. En tant qu'étranger, je suis dans une position assez fragile et j'évite de parler politique."

L'homme l'avoue aisément, son aventure américaine est plus proche de la fin que du début. "C'est mon projet qui me retient. Sans lui, je serais déjà revenu en Europe, reconnait-il. New-York reste une ville que j'aime de tout mon cœur. Mais quoi qu'il arrive, je vais davantage me reconnecter à l'Europe."

"Un succès républicain ne nuirait pas à notre business"

Bruno Van Tuykom - CEO Twentyeight Health

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Ingénieur civil de formation, le Bruxellois Bruno Van Tuykom vit à New York depuis onze ans. Après une carrière de consultant au Boston Consulting Group (BCG), il quitte le conseil en 2018 pour fonder Twentyeight Health, une plateforme de télémédecine dédiée à la santé des femmes, offrant à la fois des consultations en ligne et une livraison des moyens de contraception. Six ans après sa création, la start-up emploie cent collaborateurs en équivalents temps-plein et génère un chiffre d'affaires annuel de dix millions de dollars. 

La santé reproductive et sexuelle étant un sujet hautement politique aux États-Unis, Bruno Van Tuykom voit des opportunités dans tous les scénarios politiques: "C'est dans les États les plus conservateurs que notre plateforme connaît le plus grand succès, un succès républicain ne devrait donc pas nuire à notre business", explique-t-il.

Floride, Oklahoma, Texas, Ohio: autant de "déserts contraceptifs" qui comptent peu de cliniques publiques et centres de planning familial. "Près de 20 millions de femmes vivent dans ces déserts, certaines de nos utilisatrices doivent parcourir trois heures pour consulter une gynécologue, et notre plateforme facilite précisément la mise en contact."

Les politiques anti-avortement ne nuisent pas à l'attrait de la plateforme, au contraire. "Après l'annulation de l'arrêt Roe vs. Wade par la Cour suprême, nos abonnements ont triplé", explique l'entrepreneur.

Une victoire de Kamala Harris en 2024 favoriserait, à l'inverse, un environnement propice à la santé des femmes, ce qui serait également bénéfique pour l'entreprise: "Plus de Medicare, une couverture élargie, des consultations mieux remboursées… tout cela inciterait davantage d'Américains à rejoindre notre réseau".

"Un changement de présidence ne ralentira pas la climate tech"

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Joris Van Heck - CTO Bayou Energy

"L'impact sera bien plus modéré que ce que l'on prédit, même pour l'industrie des climate tech", affirme Joris Van Hecke, entrepreneur belge et cofondateur de Bayou Energy. Peu préoccupé par l'issue de l'élection présidentielle américaine, il estime qu'une présidence Harris serait certes plus favorable au secteur, mais qu'il ne faut pas sous-estimer l'évolution possible du côté républicain: "Trump n'a-t-il pas changé de position sur les véhicules électriques? L'indépendance énergétique reste un sujet bipartisan".

Créée en 2022, Bayou Energy fournit aux entreprises de la clean tech - fermes solaires, installateurs de pompes à chaleur, optimiseurs énergétiques -, des solutions pour accéder aux données de consommation énergétique de leurs clients finaux. Dépendante des levées de fonds, avec un premier tour de table de 1,2 million de dollars en avril dernier, la start-up, soutenue par des investisseurs comme Surface Ventures et Stepchange, compte aujourd'hui quatre employés à temps plein et une centaine de clients aux États-Unis.

Van Hecke est confiant: "Le marché de la climate tech est en plein essor, et les investisseurs montrent un réel appétit pour ce secteur. Je ne pense pas qu'un changement de présidence ralentira cette dynamique".

Il appelle également à ne pas sous-estimer l'importance des législations locales: "Notre produit dépend davantage des lois votées dans les États que des orientations fédérales. Le marché continuera de croître, car c'est à la fois une nécessité écologique et une opportunité économique majeure".

"Il ne faut pas sous-estimer l'impact des cycles électoraux sur les investissements et la croissance"

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Valérie Van Den Keybus - CSO Agendi 

Depuis sa fondation en 2020, Agendi a connu une croissance significative, doublant ses effectifs pour atteindre 40 employés en 2024. Basée à New York, Montréal, Londres et Bruxelles, la start-up fournit à plus de cent entreprises des services d'évaluation, de reporting et de stratégie en matière de risques climatiques. "La politique joue un rôle clé aux États-Unis, et l'Inflation Reduction Act en est un exemple marquant", souligne Valérie Van Den Keybus, citant l'une des législations climatiques les plus ambitieuses de l'histoire. 

L'élection de Donald Trump pourrait compromettre ces avancées: "Kamala Harris poursuivrait les réalisations de l'administration Biden, tandis que Trump continuerait de nier la réalité du changement climatique".

La chief strategy officer chez Agendi exprime une double inquiétude, "d'abord, les tendances politiques peuvent influencer les décisions stratégiques, les motivations et les priorités de nos clients. Ensuite, à titre personnel, il est difficile de voir le discours politique évoluer vers une position contraire à nos valeurs. Cela crée une incertitude non seulement sur le plan stratégique, mais aussi sur le plan personnel".

Forte de son expérience à la tête de la Chambre de commerce belgo-américaine, l'entrepreneuse belge reste optimiste, convaincue de l'agilité globale des entreprises: "Les données nous montrent une véritable capacité d'adaptation, mais il ne faut pas sous-estimer l'impact des cycles électoraux sur les investissements et la croissance. Cela peut inciter les entreprises à adopter une stratégie plus conservatrice."

"La politique de Trump est à l'opposé de la vision de notre société"

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Julien Penders - Patron de Bloomlife

Kamala Harris et Donald Trump ont des positions totalement opposées sur les questions de la santé et de la technologie. Avec son système de monitoring des grossesses à risque, le patron de Bloomlife suivra donc de près les élections américaines.

Installé depuis 2014 aux États-Unis, Julien Penders suivra de près les élections dans son pays d'adoption. Sa start-up Bloomlife développe un système de monitoring des grossesses à risque. Si le résultat l'intéresse particulièrement, c'est notamment parce que les deux candidats à la présidence ont des opinions complètement opposées sur les questions liées à la santé et la tech, soit les deux secteurs où son entreprise est directement active.

"Je ne m'attends pas à une révolution, notamment parce que le Président doit gouverner avec la Chambre et le Sénat, explique-t-il. Mais le résultat sera important sur la vision globale et la politique qui sera menée durant le mandat".

Il s'inquiète notamment des conséquences de l'arrivée potentielle de Trump pour les droits des femmes. "Les positions qu'il a prises, notamment sur l'avortement, sont un mauvais signe. Cela va clairement à l'opposé de la politique de notre société, qui souhaite donner à la femme, autant que possible, le contrôle sur sa grossesse."

En construisant son outil de suivi via notamment un concentré de technologie , le positionnement des deux candidats sur cette thématique l'intéresse aussi particulièrement. "Je ne suis pas spécialement un partisan de la régulation, mais j'estime qu'un cadre minimum est nécessaire. Sur ce point, Kamala Harris semble aller dans ce sens. Le programme républicain me paraît, en revanche, beaucoup plus flou", indique-t-il.

Le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump pourrait être, selon lui, une mauvaise nouvelle du côté du développement économique de son entreprise. "Son MAGA (Make America Great Again, NDLR) est encore particulièrement apprécié, ici. Notamment, car une politique protectionniste a des effets positifs à court terme qui sont assez visibles. Mais cela pourrait avoir un impact direct pour une entreprise comme la mienne qui importe une partie de sa technologie depuis la Belgique", explique-t-il.

Arrivé aux États-Unis sous la présidence de Trump, Julien Penders a déjà ressenti le passage du pouvoir d'un parti à l'autre. "À l'époque, nous étions en négociation avec de potentiels partenaires chinois. Cela ne s'est pas fait, mais il est clair qu'une collaboration avec eux aurait été très complexe à mettre en place".  À l'inverse, lorsque Joe Biden était au pouvoir, sa politique de santé fut plutôt bénéfique pour son entreprise. "Nous avons notamment pu profiter d'un petit subside".

Si d'un point de vue économique, son penchant démocrate est évident, un retour de Donald Trump ne lui ferait pas revoir ses ambitions sur le marché américain pour autant. "La stratégie ne changera pas en fonction des résultats, mais il est clair qu'on suivra avec attention comment les choses évoluent."

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Exclusions dès le 1er janvier 2026, périodes de maladie ou de congé de maternité non assimilées: le projet de réforme du chômage se dessine.
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