Guerre au Moyen-Orient: "Trump a balayé le vieux jeu d'échec, qu'il a remplacé par un Monopoly"
Le plan de Donald Trump visant à déplacer les Palestiniens de Gaza n'est pas réaliste, affirme le professeur israélien Michael Kobi. Mais la Maison-Blanche persiste à vouloir "changer de paradigme".
Au lendemain du tollé international provoqué par la révélation du projet du président des États-Unis, Donald Trump, de transformer la bande de Gaza en Riviera du Moyen-Orient, après en avoir déplacé les habitants, le gouvernement israélien a annoncé que l'armée préparerait "le départ volontaire" des Palestiniens de Gaza. Donald Trump n'a rien retiré de sa proposition, en affirmant, jeudi, que les États-Unis contrôleraient Gaza après la guerre, sans déployer de soldats sur le terrain.
"Ce que Donald Trump fait, c'est provoquer un tremblement de terre."
L'idée de Donald Trump est-elle réaliste? "Non, probablement pas. Il y a deux obstacles: les Palestiniens, plus généralement le Hamas, rejettent l'idée et ne coopéreront pas, tandis que tous les dirigeants arabes disent non", explique Michael Kobi, professeur de stratégie militaire à l'INSS (Institute for National Security Studies) et spécialiste des relations israélo-palestiniennes.
Après avoir réussi à imposer un cessez-le-feu à Gaza, le président américain est allé un cran plus loin, en lançant cette idée de déplacer la population de Gaza. "Il faut comprendre ce plan dans un contexte plus large. Ce que Donald Trump fait, c'est provoquer un tremblement de terre. Il a balayé le vieux jeu d'échec, qu'il a remplacé par un Monopoly", poursuit Michael Kobi.
"Donald Trump ne peut pas accepter un simple non."
Un plan préparé de longue date
Pour cet analyste, qui fut directeur du bureau palestinien au ministère israélien des Affaires étrangères, "Donald Trump veut changer les paradigmes, retirer les acteurs régionaux du combat qu'ils mènent". Cette annonce est, à ses yeux, tout sauf spontanée. "Trump a commencé à préparer ce plan avant son investiture. Ses envoyés ont rencontré les autorités arabes, y compris en Jordanie", poursuit Michael Kobi.
La tactique est celle de la provocation, voire du bluff, quitte à susciter les réactions les plus vives à travers le monde, certains parlant de "nettoyage ethnique". L'ONU a jugé ce plan illégal.
Les protestations furent telles que le secrétaire d'État américain Marco Rubio a précisé jeudi que tout transfert des Gazaouis serait temporaire. Donald Trump veut "reconstruire les bâtiments" afin que "les gens puissent y retourner", a-t-il dit.
Pour Trump, cette opposition, en particulier celle des pays arabes, ne semble rien changer. "Le président américain n'a pas de problème avec le fait que les pays arabes ne sont pas d'accord. Mais alors, ils vont devoir proposer une alternative. Donald Trump ne peut pas accepter un simple non", dit-il.
Quinze ans pour reconstruire Gaza
Depuis le début de la guerre, les pays voisins, l'Égypte et la Jordanie, refusent l'entrée des Gazaouis sur leur territoire, par crainte d'une déstabilisation. La population de Gaza, quant à elle, est soumise à un stress intense et une crise humanitaire, sans voir d'issue à moyen terme. L'enclave a été détruite à 70% par les bombardements israéliens en représailles aux massacres du 7 octobre 2023.
D'après cet analyste, vu désastre humanitaire, "une majorité de Gazaouis accepteraient de quitter Gaza s'ils avaient la garantie de pouvoir revenir. Mais il faut comprendre que le processus de reconstruction devrait prendre quinze ans", précise-t-il. "Il y a donc beaucoup d'obstacles qui vont les dissuader de partir", ajoute Michael Kobi.
L'accord de paix "en danger"
La proposition de Donald Trump a satisfait la droite israélienne et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Mais elle a enflammé le Hamas, qui a appelé tous les groupes palestiniens à s'unir pour la combattre.
L'initiative pourrait mettre en danger le fragile accord de paix et la libération des otages. L'Égypte a déclaré jeudi que le soutien du gouvernement israélien au plan de Trump "affaiblit et détruit les négociations sur un accord de cessez-le-feu et incite à une reprise des combats".
La Jordanie a également exprimé sa profonde inquiétude quant au plan de Trump, en estimant qu'il s'agit "d'une recette pour le radicalisme qui va semer le chaos au Moyen-Orient".
En cas de reprise des hostilités, "l'administration Trump devrait laisser une marge de manœuvre plus importante à l'armée israélienne que ce fut le cas avec Joe Biden", avertit Michael Kobi. "Elle voudra démanteler le Hamas, avant de créer une administration provisoire à Gaza, pour organiser l'aide humanitaire et la reconstruction, puis la transférer après cinq ans à une administration locale."
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