La chocolaterie Galler un peu plus belge, avec un plan pour affronter la crise du cacao
La chocolaterie Galler réalise une augmentation de capital de 12,6 millions d’euros, et se dote d’un plan pour survivre à la crise du cacao. L’actionnaire qatari reste majoritaire (de peu), et la Région Wallonne monte au capital.
Galler n’est pas seulement un nom emblématique du chocolat belge. C’est aussi une PME qui a enchaîné les tuiles depuis 2020. Covid, inondations de juillet 2021 (qui ont détruit les capacités de production du site de Vaux-sous-Chèvremont), présence de la salmonelle chez l’un de ses principaux fournisseurs – Barry Callebaut, en l’occurrence – qui a engendré des millions d’euros de commandes impossibles à honorer, puis une période d’hyperinflation dans la foulée.
Après avoir navigué dans l’urgence pendant quatre ans, l'embarcation Galler (et son équipe de 160 personnes) s'est stabilisée, renforce aujourd’hui son ancrage belge, et trace un plan pour faire face à sa prochaine tempête: l’explosion des cours mondiaux du cacao, dont l’entreprise estime qu’elle va changer la donne durablement pour le marché du chocolat.
"Si l’on ne fait rien pour contrer la hausse des prix du cacao, cela pourrait nous frapper de plein fouet et nous coûter 3,6 millions d’euros en 2025."
Face à une fève en crise
Depuis début 2024, le prix de la fève de cacao a explosé (jusqu’à +500 %). "Dans cette augmentation, il y a à la fois des éléments de court et de long terme. Le phénomène le plus structurant, ce sont les dérèglements climatiques, qui influencent fortement la qualité des saisons de pluie — moins intenses et à des moments inappropriés", entame Salvatore Iannello, CEO de la chocolaterie Galler depuis 2018. Résultat, une chute de la production mondiale de cacao de 40% en 2024.
"Même très bien couverts par rapport au marché, l’impact sur nos résultats sera de 1,4 million d’euros en 2024", poursuit-il. "En 2025, ce sera pire. Si l’on ne fait rien pour contrer la hausse des prix du cacao, cela pourrait nous frapper de plein fouet, et nous coûter 3,6 millions d’euros."
En moyenne, le prix de la fève de cacao pèse pour 40% du prix de revient du chocolat. Le besoin d’une nouvelle stratégie et d’une nouvelle gouvernance était criant. C’est précisément pour adapter son modèle économique que Galler a demandé le soutien financier de ses actionnaires. À la clé, apprend L'Echo, une augmentation de capital de 12,6 millions d’euros, divisés en deux volets.
"Nous avons fait en sorte que la chocolaterie Galler reste belge, wallonne, et liégeoise, à tout jamais."
12,6 millions d’euros pour Galler, pour faire quoi?
D'une part, une conversion de dette en capital de 7,5 millions d’euros, pour désendetter l’entreprise, héritage partiel de l’inondation de 2021. D'autre part, 5,1 millions d’euros en cash, pour investir dans l’augmentation de l’efficacité des processus, aider à absorber la hausse des prix des fèves, financer la poursuite de l’expansion internationale et renforcer le fonds de roulement.
"Au bout du compte, il restera peut-être une augmentation de prix pour les produits sur lesquels aucune de nos solutions ne va fonctionner, mais cette augmentation sera minime. Notre leitmotiv reste de proposer un chocolat de haute qualité à prix abordable", assure le CEO. "Notre plan, c'est de nous réinventer pour être en mesure d’absorber un prix de la fève deux fois plus élevé qu’auparavant."
Objectif de croissance pour Galler
Galler est en quête d’économies d’échelle. L’objectif est d’opérer une croissance de 50% des volumes et du chiffre d’affaires dans les quatre ans, avec deux grands piliers: la Belgique et le Luxembourg — ses marchés historiques — et la grande exportation, en particulier en Asie et aux États-Unis.
L’actionnariat de la PME aux cinq décennies d'existence change de visage, suite à l’augmentation de capital. L’actionnaire qatari Al-Afia passe de 70% à 50,4% des parts. L’actionnariat belge passe quant à lui à 49,6 %, contre 30 % précédemment, grâce à la montée à bord de la Région wallonne.
La gouvernance de la chocolaterie aussi a été modifiée. Bien que toujours majoritaire (d’une courte tête) l’actionnaire qatari ne disposera que de deux sièges sur huit au conseil d’administration, là où les quatre actionnaires belges en compteront chacun un. Pourquoi?
Pérenniser les activités en Wallonie
"Nous étions arrivés à une situation qui coinçait", analyse Christophe Picard, CEO d’Invest for Jobs et membre du conseil d’administration de Galler. "Un actionnaire principal loin du terrain (toujours très professionnel et soutenant, ce n’est pas la question) cela affectait l'agilité du management. Nous voulions rebattre les cartes avec une gouvernance plus proche du terrain." Deux administrateurs indépendants complèteront l’organe de direction.
En résumé, tant dans son actionnariat que dans sa gouvernance, Galler redevient un peu plus belge, et prépare son avenir. "Nous avons fait en sorte que la chocolaterie Galler reste belge, wallonne, et liégeoise, à tout jamais", conclut Salvatore Iannello.
L’actionnariat belge de Galler monte en puissance, et détient désormais 49,6% de la chocolaterie. Dans le détail:
- La Région wallonne et son bras armé financier Wallonie-Entreprendre montent au capital de Galler, et détiendront ensemble 19,5% des parts.
- Le fonds d’investissement public liégeois Noshaq passe de 13,5 à 10% des parts, et Invest for Jobs, fonds des partenaires sociaux du secteur du métal et de la technologie, de 10 à 13,5%.
- ELH, la structure rassemblant des entrepreneurs wallons et le management de Galler, voit ses parts passer de 5,5% à 3,1%.
- Enfin FICI (pour Fonds d'investissement et de croissance industrielle, véhicule commun à Noshaq et au groupe ArcelorMittal) monte à bord lui aussi, et détiendra 3,5% des parts.
Les investisseurs du coin voulaient-ils obtenir plus, et faire de Galler une chocolaterie belge avant tout? Christophe Picard, CEO d’Invest for Jobs et membre du conseil d’administration de Galler, estime que "tout est une question de rapport de force et de moyens".
"Si l’opportunité avait permis d’y arriver, je pense que tout le monde allait dans ce sens. La question première était celle des besoins de l’entreprise. Nous n’allions pas injecter 15 millions d’euros d’argent frais, là où l’entreprise n’en avait besoin que de cinq. Et Al-Afia (la holding qui représente l’actionnaire qatari, NDLR) n’allait pas brader ses parts, juste pour se faire diluer. Il y a aussi une logique économique qui a joué, et qui n’a tout simplement pas permis d’y arriver".
Les plus lus
- 1 Gouvernement wallon: la note de Pierre-Yves Jeholet prônant un contrôle plus serré des chômeurs est validée
- 2 Belfius refuse de financer Mons après l'arrivée du PTB au pouvoir
- 3 La Cour pénale internationale émet un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahou
- 4 Voici les profils (avec salaires) les plus recherchés dans le secteur financier pour 2025
- 5 Le plan de Donald Trump pour expulser en masse les sans-papiers