Le retour d'un vrai pain en grande distribution sera signé Copains
Le groupe wallon Copains lève douze millions d’euros pour nourrir son ambition: fournir en boulangerie et pâtisserie de qualité artisanale, la grande distribution à travers toute la Wallonie et Bruxelles.
"Oui, il y a du blé en Belgique, et pas que sur les comptes épargne". Sur les présentoirs en supermarché, voilà le genre de phrases avec lesquelles le groupe Copains accroche le client. Autre exemple? "De la vraie pâtisserie, comme chez ta grand-mère". Le ton – irrévérencieux – est donné. Mais ne vous méprenez pas, chez Copains, le tutoiement n’empêche pas l’ambition. En l’occurrence, celle de s’imposer comme la référence du pain et de la pâtisserie de qualité artisanale, accessible au plus grand nombre, dans la grande distribution.
Pour y parvenir, Copains.group vient de lever quatre millions d’euros en capital (notamment auprès de nouveaux investisseurs, IMBC, Nomainvest, et Scale-Up, qui embarquent pour soutenir le projet sur une dizaine d’années au minimum), et finalise une levée de 8 millions d’euros en dette. Soit 12 millions d’euros au total, avec des fondateurs et frères, Olivier et Jonathan de Cartier, qui restent majoritaires au capital.
"On fabrique du pain, et on le vend. Nous sommes avant tout des boulangers. Nous ne sommes pas une start-up cool qui, en passant, vend aussi des trucs". Dans les bureaux du site de production de Strépy-Bracquegnies, Olivier de Cartier, désormais co-CEO de Copains, fait les présentations.
"Depuis 50 ans, la qualité du pain et de la pâtisserie s’appauvrit de manière hallucinante. Cela devient souvent de la poudre avec de l’eau. C’est parfois risible tellement c’est n’importe quoi."
"Le premier boulanger commence à 10 heures, le dernier termine à sept heures du matin. Il y a toujours quelqu’un ici. D’ailleurs, nous n’avons même pas la clé de la porte d’entrée". Douze millions d’euros, mais toujours pas la clé de la porte d’entrée? Pas grave, le but n’est pas de fermer, mais de s’étendre.
"En décembre 2025, nous aurons un nouveau site opérationnel en boulangerie-pâtisserie à Namur", annonce le co-CEO. "Pour pouvoir atteindre Liège, nous devions nous mettre à Namur. Les investissements visent à nous accompagner dans ce trajet-là."
Seul grand acteur wallon de la boulangerie
Copains.group compte différentes équipes pour un total de plus de 100 personnes et produit environ 30.000 pièces par jour, pains et pâtisseries compris – qui se retrouvent en rayon chez Delitraiteur, Match, Intermarché, Spar, Delhaize, Louis Delhaize, Co-Marché (Colruyt), Cora, et désormais aussi Carrefour, avec lequel l’entreprise vient de signer, pour livrer une gamme de 17 pains dans plusieurs nouveaux magasins par semaine, à partir de la fin du mois de mars. "Plus vite que ça, on ne sait pas faire", sourit Jonathan de Cartier. Il n’empêche, ces chiffres font de Copains le seul grand acteur wallon de la boulangerie en Belgique.
"Pour 20 ou 30 centimes supplémentaires, on vend du pain qui respecte toute la filière et la chaine de valeur. L’humain, les matières premières et le travail bien fait."
Le terrain de jeu s’étend
Pour schématiser, les pains de Copains étendent leur terrain de jeu, à la fois géographiquement, du Hainaut à la Wallonie entière, et dans leur clientèle, des collectivités à la grande distribution. Le groupe est le fruit d’un rachat et d’une fusion: rachat en 2015 de la Maison Beck (Jurbise) tombée en PRJ, et fusion en 2017 avec la boulangerie Le Cygne (Dilbeek), spécialisée dans les livraisons de pain aux collectivités. La vente aux grands hôpitaux et maison de repos, développée par le troisième associé Frédéric Van Pol, représente encore entre 30 et 40% des revenus du groupe." Il y a deux ans, c’était 70%. Cette part diminue à mesure que nous développons nos autres activités", détaille Jonathan de Cartier, co-CEO. Comprenez, le retail et la pâtisserie — en 2021, les copains ont mis la main sur Pâtisserie Richard, à Charleroi.
Retour du vrai pain
"Nous ne voulons en aucun cas marcher sur les plates-bandes des artisans boulangers indépendants", précise Olivier de Cartier, dont l’entreprise travaille avec 100% de farines de froment belges. "Notre espace de marché, c’est là où il n’y a pas de bon pain. On veut ramener du vrai produit de boulangerie dans la grande distribution. Depuis 50 ans, la qualité du pain et de la pâtisserie s’appauvrit de manière hallucinante. Cela devient souvent de la poudre avec de l’eau. C’est parfois risible tellement c’est n’importe quoi."
Le pari de Copains: du pain de qualité, financièrement accessible au plus grand nombre, des agriculteurs rémunérés correctement, et des retailers qui s’y retrouvent. "Ce modèle est possible", assure Olivier de Cartier. D’accord, mais comment?
Du classique, un peu mieux
D’abord, par son positionnement, l’entreprise assume que "pour les consommateurs qui cherchent avant tout le pain le moins cher, à 1,10 euro le kilo, ce ne sera jamais chez nous. Ce n’est pas possible de faire un pain digne à ce prix-là. Il y a là une impossible convergence. Pour les autres, nous allons proposer du classique, un petit peu mieux. Pour 20 ou 30 centimes supplémentaires, du pain qui respecte toute la filière et la chaine de valeur. L’humain, les matières premières et le travail bien fait", énumère Olivier de Cartier.
"Nos matières premières sont locales, non corrigées par additifs, et donc fluctuantes. Nous avons besoin d’un contrôle métier, par un humain, lors de certaines étapes de la production. C’est ce qui fait dire à certains gros acteurs belges de la boulangerie que travailler avec des farines belges est impossible".
Multilocal
Ensuite, il y a l’approche. "Multilocale", comme on dit ici. C’est que se fournir à 100% en froment belge a non seulement un coût, mais implique aussi des contraintes de production. "Nos matières premières sont locales — produites sur des petites parcelles, et arrivent donc en lots non homogènes, elles sont non corrigées par additifs, et donc fluctuantes. Nous avons besoin d’un contrôle métier, par un humain, lors de certaines étapes de la production – par exemple si du blé a absorbé plus d’eau que d’habitude", explique Jonathan de Cartier, avant d’ajouter que "c’est ce qui fait dire à certains gros acteurs belges de la boulangerie que travailler avec des farines belges est impossible", en guise de gouaillerie adressée à la concurrence.
Résultat, Copains emploie encore des boulangers, "et ce sera encore le cas à l’avenir", nous assure-t-on. "Contrairement à d’autres, nous n’avons pas tout automatisé" — nouvelle gouaillerie. Afin de pouvoir sourcer ses matières premières, mais aussi assurer une distribution à maximum 70 kilomètres de distance – une contrainte que le groupe s’impose, Copains doit donc multiplier les sites pour grandir. Ne pas industrialiser à outrance, mécaniser là où le métier de boulanger n’a pas de valeur ajoutée, mais garder de l’humain dans tous les processus clé. Voilà pour le plan opérationnel.
La durabilité ne fait pas vendre
Enfin, il y a le marketing. Copains à l'intention de soutenir les filières bio-régénératives, mais insiste peu sur la durabilité de ses produits - à dessein. "La durabilité ne fait acheter aucun pain, les gens s’en foutent", balance même Olivier de Cartier, en brandissant des chiffres de la Fevia, "parmi les 30% de consommateurs qui se disent concernés par la durabilité, il n’y en a que 20% qui sont prêts à passer à l’acte d’achat pour des raisons de durabilité. Il est frais? La croûte est croustillante? Voilà les deux raisons principales qui font que les gens vont acheter un pain. Pour rendre notre modèle possible, il faut être conscient de cela."
"On ne s’arrêtera pas avant de faire 100 millions de revenus (le chiffre d’affaires s’élevait à 12 millions en 2023, NDR). Mais surtout, notre aventure doit avoir une vraie largeur: quand sera-t-on capable de fournir toute la Wallonie avec du pain et de la pâtisserie de qualité? On a plus qu’à bien bosser pour y parvenir", conclut Olivier de Cartier. Dans deux ans, Copains sera en mesure de couvrir 80% des territoires bruxellois et wallon. Mais il y a fort à parier que pour les potes du pain, cela ne sonnera pas la fin de l’ambition.
Le groupe Copains sera dorénavant dirigé par deux co-CEOs. Si la pratique n’est plus tout à fait révolutionnaire en entreprise, elle n’est pas encore généralisée pour autant.
"Nous voulons être de bons CEOs, dans la durée. Et pour nous, cela passe aussi par le fait d’être de bons pères de famille, de bons maris, qui vont aussi faire du sport et des bouffes avec leurs potes. Pour être encore là dans dix ans, il faut un équilibre", estime Olivier de Cartier.
"Dans de nombreuses entreprises, on attend du CEO qu’il porte tout seul une vision auprès de tout le monde", renchérit Jonathan de Cartier, "la réflexion à long terme, la vision stratégique, auprès des équipes, mais aussi du monde extérieur. Résultat, certains CEOs s’en vont après quatre ans, épuisés, et passent à autre chose. Deux co-CEOs, on pense que c’est la meilleure manière d’aller non pas plus vite, mais plus loin. C’est aussi une manière de refléter un mode de décision qui se veut collaboratif".
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