Une vigne allemande à la saveur belge
Andy De Baets est Limbourgeois. Un jour, le déclic. Il lâche la société d'informatique qu'il a créée et enfile les habits de vigneron. Direction: les environs de Trêves.
À quelque 10 kilomètres au sud de Saarburg, en Rhénanie-Palatinat, le long de la Sarre, s'ouvre un magnifique vignoble lové au cœur de collines boisées.
Si des années durant, Andy De Baets vivait les yeux rivés sur des écrans d'ordinateur, désormais, c'est au milieu de ces 14 hectares que ses journées s’écoulent.
Ce Limbourgeois de Wachtebeke a, en effet, repris en 2016 l'un des plus vieux et des plus prestigieux vignobles allemands. Abandonné pendant près de 10 ans, le domaine Weingut Maximim Staadt voit à nouveau sortir des chais les bouteilles du doux nectar (quelque 20.000 bouteilles en 2020, 50.000 visées cette année). Pourtant, rien ne destinait Andy De Baets à manier le corbet.
Enfant du bug de l'an 2000
"J’ai toujours eu la main verte. J’ai toujours aimé travailler au jardin." Néanmoins, c'est dans l'IT qu'il se lance.
Nous sommes à l'aube du XXIe siècle. On ne parle que du bug de l'an 2000. Les équipes d'informaticiens font le plein de main-d'œuvre. "L’école supérieure ne me tentait pas. J'ai donc décidé d’aller travailler. Je ne l’ai jamais regretté, car j’ai vraiment pu évoluer rapidement."
De fil en aiguille, Andy De Baets crée sa propre société. Pendant 15 ans, il offre des solutions IT aux entreprises. Jusqu'au jour où une envie de changer de vie s'impose à lui.
"Je n’avais plus une minute à moi. Après réflexion, je me suis rendu compte que je ne voulais pas de cette vie jusqu’à ma pension."
"Je n’avais plus une minute à moi. J’étais constamment sollicité par mes salariés et mes clients qui attendaient une assistance nuit et jour. Après réflexion, je me suis rendu compte que je ne voulais pas de cette vie jusqu’à ma pension."
Pour s'évader, il entame avec son meilleur ami une formation en viticulture.
"Mon père a toujours aimé le bon vin. J’ai hérité de cet amour. J'avais décoré mon jardin d'un pied de vigne, avec l'objectif d'en savoir plus sur la viticulture."
Après deux ans de formation, il entame quelques spécialisations en France et en Italie. Très vite, l'envie de reprendre un vignoble se fait sentir.
Le coup de cœur
La France et l'Italie seront naturellement ses terres de recherche. "Un peu par hasard, et grâce à mon père et ma belle-famille qui est allemande, nous avons commencé à sonder le marché allemand. Nous étions sur le point d’acquérir un domaine, quand nous avons été informés d’une mise en vente prochaine d’un domaine qualifié du top de ce qu’on pourrait trouver."
"Nous étions sur le point d’acquérir un domaine, quand nous avons été informés d’une mise en vente prochaine d’un domaine, qualifié du top de ce qu’on pourrait trouver."
La visite se solde par un véritable coup de foudre: les collines verdoyantes entourant la Sarre; le tombeau du roi de Bohème, Jean du Luxembourg, dit le roi aveugle et sa chapelle creusée dans la roche leur faisant face, le microclimat de la région.
Le revers de la médaille, c'est l'état du domaine. Les travaux sont colossaux, tant dans la vigne que dans les bâtiments qui doivent répondre aux exigences historiques du site.
Andy De Baets vit en effet dans une bâtisse classée. Partiellement reconstruite en 1850, elle enferme encore dans ses caves des traces de l'époque romaine.
Un rocher dominant le village témoigne de l'existence de Celtes dans la région. Ils ont été chassés par les Romains, qui ont commencé à cultiver la vigne. En 1582, les vignes passent aux mains des religieux de l'Abbaye de Maximim Staadt. Au XIXe siècle, la noblesse reprend le flambeau jusqu'au précédent propriétaire qui produisait l'un des Sekt (mousseux) les plus connus d'Allemagne. "L'homme apparaissait souvent à la télévision. Il est même apparu dans les années 80 dans un épisode de Dallas."
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La reconnaissance
Avec l'aide de son père, délaissant le week-end son Limbourg, il sort la vigne de son état de forêt vierge. "Devant la maison, nous avons totalement replanté les vignes, récupérées à 85% de pieds d’origine. Ce travail titanesque a duré 2 à 3 ans. Il a fallu refaire toutes les dépendances, et les travaux de rénovation de la maison sont en cours."
"Nous avons commercialisé l’an dernier nos toutes premières bouteilles. Beaucoup ne nous attendaient pas, mais les réactions en Allemagne étaient très positives."
Néanmoins, Andy est ravi. Effectuer ces travaux plutôt que de racheter d'un vignoble où tout roulait lui permet de viser la qualité.
Désormais, Andy De Baets compte parmi les vignerons de la région. "Nous avons commercialisé l’an dernier nos toutes premières bouteilles. Beaucoup ne nous attendaient pas, mais les réactions en Allemagne étaient très positives."
Il est vrai que l'arrivée du Belge dans la région a suscité de nombreuses interrogations. Son épouse s'est ainsi vu expliquer qu’en matière de vin rouge, les Allemands ne discuteraient jamais, parce que d’autres pays faisaient sans conteste mieux qu’eux. Mais pour le vin blanc, ils étaient les meilleurs. "Oui, ils sont chauvins. Mais quand ils ont vu mon travail, ils n’ont pas hésité à me conseiller. L'accueil positif à la sortie de mon premier vin m’a ouvert les portes d'événements."
Sans basculer dans une idée de coopérative, il parle d'une vraie entente entre jeunes vignerons. "Pour beaucoup, pénétrer le marché belge est compliqué. Grâce à moi, ils y ont plus facilement accès. Inversement, ils m’aident à trouver des marchés que je ne connaissais pas, et pour lesquels je n'avais pas d'entrée. Ensemble, on accroît l'image du vin de la région."
De sa vie d'avant, Andy De Baets ne regrette rien. Désormais, il savoure, des idées plein la tête.
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