Twitter entame un voyage incertain vers la planète Musk
Elon Musk met la main sur Twitter pour 44 milliards de dollars. Le patron de SpaceX pourrait modifier fondamentalement la trajectoire de cet influent réseau social.
L'entrepreneur à succès Elon Musk rachète Twitter pour la modique somme de 44 milliards de dollars. Après avoir crispé l'entreprise avec son offre hostile d'achat, le patron de Tesla et SpaceX est parvenu à convaincre les actionnaires de lui céder les rênes du réseau social.
Pour Twitter, c'est le début d'une nouvelle ère. En retirant le réseau social de la bourse, le patron met l'entreprise sous sa coupe. Il aura les coudées franches et ne dépendra pas des soubresauts du marché.
Elon Musk a déjà annoncé qu'il ne se souciait pas du rendement de Twitter. Il ne compte pas transformer l'entreprise en machine à cash. Il faut dire que personne n'a réussi à le faire. La publicité, introduite à regret par l'ancien patron Jack Dorsey, est loin de générer autant d'argent que chez Facebook et Google, les mastodontes du marché de la pub en ligne.
Pour Elon Musk, Twitter n'est donc pas destiné à devenir une vache à lait. Pour générer du cash, le patron a d'autres atouts dans sa manche. "Si Twitter ne gagne pas d'argent, ce n'est pas grave. Elon Musk mise sur Tesla, mais aussi sur Starlink, son projet d'Internet satellitaire, qui pourrait bientôt lui rapporter plusieurs milliards de dollars par an", pointe Olivier Lascar, rédacteur en chef de Sciences et Avenir et auteur de "Enquête sur Elon Musk, l'homme qui défie la science" (Editions Alisio, parution en juin prochain).
Un outil d'influence
"Twitter est l'agora numérique où les questions essentielles pour le futur de l'humanité sont débattues."
Si le nouveau patron ne compte pas gagner d'argent avec sa nouvelle entreprise, que cherche-t-il à gagner dans l'opération ? Dans son communiqué expliquant le rachat de Twitter, l'entrepreneur livre une partie de la réponse : "La liberté d'expression représente les fondations de la démocratie, et Twitter est l'agora numérique où les questions essentielles pour le futur de l'humanité sont débattues", s'enflamme Elon Musk. L'entrepreneur poursuivrait donc un projet collectif, où Twitter serait la plateforme de référence, libre et ouverte à toutes les opinions. "C'est là que se situe la principale contradiction. Elon Musk veut créer le lieu d'expression publique ultime, mais en même temps il le rachète et le privatise. Ça ne peut pas marcher", estime Olivier Lascar.
"Le Twitter de Musk va d'abord servir les intérêts de Musk. Ce qu'il achète, c'est un outil d'influence."
Pour l'auteur, l'objectif d'Elon Musk est beaucoup plus personnel : "Le Twitter de Musk va d'abord servir les intérêts de Musk. Ce qu'il achète, c'est un outil d'influence." Selon Olivier Lascar, l'homme le plus riche du monde espère utiliser Twitter pour faire avancer ses idées et orienter le débat public en faveur de ses projets.
Mais l'influence personnelle n'explique pas tout. Elon Musk bénéficie déjà d'une force de frappe énorme sur Twitter, avec ses 83 millions d'abonnés et ses messages quotidiens suivis par les médias du monde entier. Cependant, en possédant Twitter, il pourra aller un cran plus loin, et influencer la manière dont les conversations se déroulent sur le réseau social. Cela le place au centre du jeu et de l'attention mondiale. "Elon Musk éprouve une certaine volupté à faire parler de lui. Le côté narcissique de l'opération ne doit pas être sous-évalué", analyse Olivier Lascar.
Elon Musk éprouve une certaine volupté à faire parler de lui. Le côté narcissique de l'opération ne doit pas être sous-évalué."
Conformément à son orientation politico-philosophique libertarienne, Elon Musk veut faire de Twitter un terrain de libre expression sans limites. Ces dernières années, tous les réseaux sociaux ont introduit des règles de modération afin de faire face à une déferlante de messages de harcèlement, de propos haineux, sexistes, racistes et au partage massif de fausses informations. Pour le nouveau patron de Twitter, ces nouveaux dispositifs, introduits via des systèmes de détection automatisés et des armées de modérateurs humains, doivent être revus à la baisse. Le risque est que la face sombre de Twitter reprenne de la vigueur.
Chasser les bots
Pour contrer ce risque, Elon Musk ne compte pas rester les bras ballants. Il veut ouvrir la chasse aux robots malveillants. Sur le réseau social, des millions de comptes sont en fait des bots, qui publient frénétiquement du contenu haineux, influencent les conversations, spamment les utilisateurs. Elon Musk veut les bannir de Twitter.
Le nouveau boss promet aussi de rendre son réseau plus transparent. Il veut mettre l'algorithme de Twitter sur la place publique, en mode open-source. Tous les développeurs de la planète pourront ouvrir le capot de Twitter et découvrir comment les conversations sont organisées et triées, et pourquoi certains profils et certains types de contenus sont mis en avant au détriment d'autres. Si cette promesse est tenue, cela pourrait mettre la pression sur Google et Facebook, dont l'opacité des algorithmes de référencement et de recommandation est légendaire.
S'il veut remplir cette feuille de route et infléchir la direction prise par Twitter, Elon Musk devra rapidement se mettre à jour dans un business - les réseaux sociaux - qu'il ne connaît pas. Mais l'entrepreneur multi-casquettes a l'habitude de ce genre de défis. Olivier Lascar énumère ses principaux atouts : "Il s'entoure des meilleurs, il a le goût du risque et il est jusqu'au-boutiste." La face de Twitter pourrait bientôt changer de manière fondamentale.
- Le patron de SpaceX et Tesla achète Twitter pour 44 milliards de dollars.
- L'entrepreneur n'espère pas transformer la plateforme en machine à cash.
- Par contre, il veut atténuer les règles de modération, rendre son fonctionnement plus transparent et ouvrir la chasse aux robots malveillants.
- Elon Musk pourrait aussi utiliser le réseau social aux 217 millions d'utilisateurs comme un formidable outil d'influence.
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