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Les robots livreurs, le dernier avatar du client roi

Pour Arnaud Lesne, directeur en charge de l'innovation chez Carrefour Belgique, la livraison par robot doit servir avant tout à compléter l'offre des plateformes de livraison dans certaines zones urbaines. ©saskia vanderstichele

La crise sanitaire a fait entrer le commerce en ligne dans les mœurs. Pour aguicher le client, Carrefour et Colruyt étudient chez nous la solution des robots livreurs.

Drones, véhicules autonomes: à l'heure où le client s'habitue à se faire servir ses emplettes sur le pas de sa porte, les distributeurs et les vendeurs en ligne se tournent vers la livraison autonome. Pas toujours avec succès: Amazon, le géant du commerce en ligne, a arrêté à l'automne les tests de livraison par robot lancés en janvier 2022 dans les environs de Seattle. Rentabilité trop incertaine.

D'autres acteurs étudient eux aussi les possibilités de développement de ce nouveau canal offrant une solution supplémentaire à la problématique du "dernier kilomètre", le plus difficile à rentabiliser. À commencer par Walmart, le plus grand distributeur mondial, qui propose à ses clients la livraison par des véhicules autonomes en Arizona, ou son concurrent Kroger, qui fournit ses clients de Houston (Texas) par robot.

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Ces développements suscitent aussi de l'intérêt en Belgique. Si Delhaize ne fait pas de la livraison autonome une priorité à ce stade, Carrefour et Colruyt ont tous deux décidé de s'attaquer à l'affaire. En l'abordant sous deux angles différents: le premier s'intéresse à la clientèle de bureau passant commande aux plateformes en ligne, le second cible plutôt les clients de son service de vente en ligne Collect & Go.

Rentabilité et durabilité à l'étude

Colruyt a lancé pour la première fois sur les routes ce mardi un véhicule sans conducteur sur un tronçon de 4 km à Londerzeel, en Brabant flamand. Sa mission: amener la commande de trois clients de Collect & Go à leur domicile. Le processus est assez simple. Le client commande en ligne, choisit une tranche horaire à laquelle il souhaite être livré. Il reçoit ensuite un message précisant l'heure d'arrivée du véhicule et donnant le code d'accès pour l'ouverture de celui-ci.

Faute d'une autorisation légale pour la conduite autonome, le véhicule est pour l'instant commandé à distance par un chauffeur. "À terme, un seul chauffeur pourrait commander 5 véhicules en même temps. Mais le but ultime est de mettre la barre encore plus haut et de rouler à 100% de façon autonome", explique Kim Van Cauwenberghe, directrice générale de Smart Technics, la branche innovation du groupe Colruyt.

"Le test réalisé actuellement à Londerzeel sert avant tout à étudier la rentabilité et la durabilité d'une livraison autonome."

Leen De Dobbeleer
Responsable innovations de Collect & Go

Long d'environ 1,60 m, ce petit véhicule électrique loué à la société estonienne Clevon peut embarquer jusqu'à 17 bacs de livraison. De quoi approvisionner plusieurs clients. "En décembre, nous avions déjà réalisé plus de 1.000 km avec des véhicules autonomes. Sur le plan de la sécurité et de la technologie, les tests sont concluants et très positifs. Le test réalisé actuellement à Londerzeel sert avant tout à étudier la rentabilité et la durabilité d'une livraison autonome", précise Leen De Dobbeleer, responsable innovations de Collect & Go.

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Avec son véhicule autonome Clevon1, Colruyt cible les clients de Collect & Go.
Avec son véhicule autonome Clevon1, Colruyt cible les clients de Collect & Go. ©BELGA

L'expérience du premier distributeur belge est assez comparable à celle menée par Carrefour France dans la banlieue sud de Paris. Depuis décembre, le distributeur français teste l'utilisation d'un camion autonome pour livrer des zones pauvres en commerces. Mais contrairement au Clevon1 de Colruyt, ce véhicule contenant 18 casiers remplis de commandes remises en ligne stationne à un endroit où les clients peuvent retirer leurs achats grâce à un code ouvrant leur casier.

Complément aux plateformes en ligne

Carrefour Belgique cible pour sa part un autre créneau: celui d'une clientèle de bureau recourant aux plateformes en ligne pour se faire livrer un lunch ou de menues emplettes en fin de journée. Depuis le 13 janvier, l'enseigne teste la livraison autonome au Corporate Village de Zaventem. Trois robots (Nono, Loulou et Natacha), loués à la start-up turque Delivers.AI, réalisent actuellement une cartographie de la zone reliant le siège de Carrefour et le Buddy Corner, un pop-up store de l'enseigne situé 200 mètres plus loin.

D'ici une dizaine de jours, une trentaine de salariés de Carrefour passeront commande deux fois par semaine, et ce jusque fin mai. "Si le test est concluant, nous lancerons une offre de robots pour tout le Corporate Village (9.000 salariés, NDLR). Pour la suite, nous envisageons de rencontrer les autorités de villes comme Gand ou Anvers pour proposer de tels tests avec un Carrefour local", précise Arnaud Lesne, directeur en charge de l'innovation chez Carrefour Belgique.

"Dans certaines villes, les plateformes ne disposent pas de suffisamment de livreurs. C'est là que le robot s'avère utile."

Arnaud Lesne
Directeur Innovation de Carrefour Belgique

Le projet remonte à un peu plus d'un an. C'est sur LinkedIn qu'Arnaud Lesne a pris connaissance d'expériences de ce type menées en Estonie. "L'explosion de la livraison à domicile causée par la crise sanitaire nous a poussés à nouer des partenariats avec des plateformes de livraison (Deliveroo, Just Eat…). Mais celles-ci ne couvrent qu'une partie du pays, et dans certaines villes, elles ne disposent pas de suffisamment de livreurs. C'est là que le robot s'avère utile", précise-t-il.

150.000
livraisons
En 2022, Carrefour Belgique a effectué plus de 150.000 livraisons en "last mile".

Sur le plan technique, cela fonctionne. Le robot, qui se déplace à 6 km/h, a une autonomie de 4 heures. L'enjeu central, c'est le choix d'un business model. "Mon idée, c’est de proposer la formule des robots livreurs à tous les franchisés implantés dans les centres urbains", dit Arnaud Lesne. Le marché n'est pas négligeable pour Carrefour. En 2022, plus de 150.000 livraisons ont été effectuées en "last mile".

Le résumé
  • À l'heure où le client s'habitue à se faire servir ses emplettes sur le pas de sa porte, les distributeurs et les vendeurs en ligne se tournent vers la livraison autonome.
  • Carrefour et Colruyt ont décidé de s'attaquer à l'affaire en l'abordant sous deux angles différents: la clientèle de bureau passant commande aux plateformes en ligne et les clients de Collect & Go.
  • Colruyt a lancé pour la première fois sur les routes ce mardi un véhicule sans conducteur chargé d’amener la commande de 3 clients de Collect & Go à Londerzeel.
  • Carrefour, pour sa part, s’apprête à tester la livraison autonome avec une trentaine de ses salariés au Corporate Village de Zaventem.
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