Comment des start-ups belges veulent ubériser l'immobilier
La transition vers une économie de plateformes a aussi lieu dans le secteur traditionnellement peu numérisé de l'immobilier, et ce, tout le long de la chaîne de valeur.
Quoi de plus physique que des briques ou des tuiles? L'immobilier n'est pas le premier secteur auquel on pense quand il s'agit d'évoquer la numérisation de l'économie. Pourtant, progressivement, il y a du changement. Comme Uber a pu s'imposer comme intermédiaire entre des chauffeurs de taxi (ou apparentés) et des clients en recherche d'une voiture - au point de donner son nom au concept d'uberisation -, des entreprises belges et internationales ambitionnent, elles aussi, devenir des incontournables de la mise en relation entre des clients et le ou la professionnel(le) qui pourra répondre à leurs besoins.
Soyons de bons comptes, l'immobilier a déjà bel et bien migré en partie en ligne. Le premier exemple étant dans le domaine du courtage, où les annonces de vente ou de location de biens se consultent depuis longtemps sur des écrans. En Belgique, le géant Immoweb a su s'imposer en leader incontesté dans ce segment. Mais dans ce cas précis, le concept d'annonce existait déjà. Il a uniquement changé de support.
Des entreprises veulent aller plus loin. C'est le cas d'ImmoPass. La start-up, fondée en 2018 par Pierre-Louis Firre, Marc Guilmot et Nicolas Biquet, vient de boucler une modeste levée de fonds de 390.000 euros. Leur objectif: devenir une référence pour tout Belge qui a besoin d'un expert en immobilier, que ce soit avant l'achat d'un bien, pour un certificat PEB ou un audit énergétique. Seule l'inspection électrique n'est pas proposée, car offrant des marges trop réduites.
"On veut devenir une référence dans la rénovation énergétique et la certification PEB en Belgique."
One stop shop
"On conçoit des produits types pour répondre à la demande du marché. Quand on reçoit une demande de mission, on la confie à un architecte, un auditeur ou un certificateur, qui doit respecter une grille d'évaluation. Le but est que l'expérience client soit identique pour chaque mission", détaille Pierre-Louis Firre, COO.
Chaque mission est traitée soit par un des huit experts employés par ImmoPass, soit par un réseau d'une trentaine d'indépendants. "Pour les indépendants, c'est la tranquillité d'une mission très cadrée, court terme, avec des horaires connus et qui leur permettent de combler les trous dans leurs agendas", pointe le COO, qui explique être rentable depuis le début 2024. Il table sur un chiffre d'affaires de 2,5 millions d'euros cette année, et d'un million de plus l'an prochain.
La récente levée de fonds doit permettre à la jeune entreprise de commercialiser de nouveaux produits, d'engager de nouveaux profils, mais aussi potentiellement de croître par acquisition. "On veut devenir une référence dans la rénovation énergétique et la certification PEB en Belgique", résume Pierre-Louis Firre. Pour arriver jusque là, il compte aussi sur des partenariats, dont un avec Immoweb qui lui fournit une vingtaine de pour cent de ses missions.
Le même concept de plateforme de mise en relation existe également chez Expertym, lancée en 2017, mais dont la spécialité historique est les états des lieux d'entrée et de sortie. Federico Chabert a alors 42 ans et des années de gestion de projets de productivité et d'optimisation à son actif. Il observe que cette partie du marché immobilier est déstructurée, avec une demande très forte autour des débuts et fins de mois, et une offre faite d'indépendants et de petits bureaux souvent "pas toujours bien organisés".
"Il fallait démultiplier le temps pour dénouer le marché, résume le fondateur. Expertym mutualise les agendas des experts en fonction de leur langue, de leur zone d'activité, de leur spécialisation. Notre algorithme envoie le bon expert sur la bonne mission en fonction de la demande, avec le critère géographique qui est très important", détaille-t-il.
"Cette année, Expertym va faire 5.000 missions, soit 20% de plus qu'en 2023."
Un coup de pouce de l'IA
Après une croissance "exponentielle" à ses débuts, Expertym navigue aujourd'hui avec une croissance annuelle d'une vingtaine de pour cent du chiffre d'affaires. "Cette année, on va faire 5.000 missions, soit 20% de plus qu'en 2023", dit Federico Chabert. La suite, pour l'entreprise, consiste à proposer de plus en plus de services aux locataires, afin de s'insérer plus tôt dans le parcours de déménagement. Un générateur de baux gratuits, qui sert de produit d'appel, a déjà été mis en place. D'autres partenariats, avec des fournisseurs télécom, d'énergie, des déménageurs ou des avocats sont aussi disponibles ou en cours d'implémentation, détaille le CEO.
Comme ImmoPass, et comme souvent pour les plateformes de mise en relation, Expertym se rémunère en prélevant une commission. "Le particulier est intéressé parce qu'il a accès à une multitude de services au même endroit avec ses données encodées une seule fois. Le professionnel est intéressé par le gain de temps, puisqu'on prend en charge l'encodage des rapports qui est traditionnellement un coût et qui ne génère rien".
Cette partie retranscription a été bousculée par l'arrivée de l'IA, et les dactylos qui retranscrivaient les rapports ont aujourd'hui un rôle de relecture de la retranscription automatisée. "On est encore aux balbutiements de cette technologie, mais c'est un gain de temps important. En retranscription traditionnelle, on estimait qu'une minute d'enregistrement, c'était cinq minutes de dactylo. Aujourd'hui, une minute d'enregistrement, c'est une minute de relecture", résume Federico Chabert.
Des exemples à chaque étape de la vie d'un bâtiment
Au-delà de ces deux exemples, nombre d'autres sociétés existent à chaque étape de la chaine de valeur immobilière, analyse Idriss Goossens, fondateur et CEO et PropTechLab, un réseau qui rassemble 320 start-ups et entreprises technologiques actives dans l'immobilier en Belgique, en République tchèque, en Espagne et au Portugal.
"Historiquement, la première grande plateforme belge qui a lancé de la mise en relation, c'était ListMinut, qui était spécialisée dans les petites réparations du quotidien et qui s'appelle aujourd'hui Ring Twice. Mais il ne faut pas résumer la PropTech (property tech) et l'ubérisation à la mise en relation pour l'exécution d'un service B2C. Il existe des solutions de financement participatif auxquelles font appel des promoteurs, comme avec Ecco Nova ou BeeBonds. Pendant l'existence d'un bâtiment, il y a Spaceflow ou le belge Ask Nestor, qui permet de développer une gamme de services autour d'un immeuble en faisant appel à des entreprises déjà présentes dans le quartier", pointe encore Idriss Goossens.