Le CEO de Cambridge Analytica suspendu
Facebook n’a pas pu empêcher Cambridge Analytica, une société ayant travaillé pour la campagne Trump, de mettre la main sur les données de 50 millions de ses utilisateurs. Alexander Nix, le CEO de l'entreprise, a été suspendu ce mardi en début de soirée.
Nouvel avis de tempête sur Facebook . En cause: de nouvelles révélations du Guardian et du New York Times concernant la campagne Trump et l’utilisation potentielle des données de 50 millions de ses utilisateurs pour booster les chances du milliardaire new-yorkais de remporter la présidentielle de 2016.
Facebook, dont le titre a cédé plus de 7% lundi à Wall Street et qui a de nouveau cédé du terrain ce mardi (-2,56% à 168,15 dollars), n’aurait pas directement participé à la manœuvre qui était dirigée par la société Cambridge Analytica (CA), filiale américaine du groupe britannique Strategic Communication Laboratories (SCL). Mais son incapacité à protéger les données de ses utilisateurs et sa réaction inadéquate, une fois le vol de données constaté, pose aujourd’hui question et vaut à son fondateur, Mark Zuckerberg d’être sur la sellette.
En interne, l'ambiance est tendue. Alex Stamos, le chef la sécurité des systèmes d'information de Facebook, va quitter son poste en août, a-t-on appris de source proche du dossier, confirmant une information révélée par le New York Times. Les responsabilités d'Alex Stamos ont déjà été transférées à d'autres cadres de la société. Son départ est la conséquence de désaccords internes sur le rôle de Facebook dans la propagation de fausses nouvelles, précise le quotidien américain.
→ Le CEO de Cambridge Analytica, Alexander Nix, a quant à lui été suspendu ce mardi en début de soirée. Il avait précédemment évoqué son départ si le conseil d'administration de l'entreprise le lui demandait: "Mon avenir au sein de l'entreprise dépend du conseil d'administration." "Si cela aide l'entreprise, alors c'est la bonne décision."
Alexander Nix est suspendu avec "effet immédiat dans l'attente d'une enquête complète et indépendante", a écrit Cambridge Analytica dans un communiqué.
Mardi, les autorités en charge de la protection des données au sein de l'Union européenne se sont saisies de l'affaire. Elles "vont discuter du sujet durant une réunion" ce mardi à Bruxelles du "G29", leur instance de coopération européenne, a indiqué la Commission, qui souhaite que ces organismes lancent une enquête.
Le régulateur britannique chargé de la protection des données privées veut aussi enquêter sur l'affaire. "Nous demandons un mandat afin que, en tant qu'organisme de réglementation, nous puissions fouiller les serveurs, effectuer une vérification des données", a expliqué Elizabeth Dunham, à la tête de l'Information Commissionner's Office (ICO).
De son côté, Mark Zuckerberg a été convoqué par une commission parlementaire britannique pour qu'il s'explique sur les accusations de détournement de données de ses utilisateurs. "Le comité a demandé à plusieurs reprises à Facebook comment les entreprises acquièrent et conservent les données des utilisateurs de leur site, et en particulier si des données ont été prises sans leur consentement. Vos réponses officielles ont constamment sous-estimé ce risque, et ont été trompeuses", a écrit le président de la commission, Damian Collins.
Qui est Cambridge Analytica?
Qui est Cambridge Analytica?
Il s’agit d’une société de communication stratégique et d’analyse de données créée à l’été 2014 à l’aide de fonds versés par l’homme d’affaires américain et donateur du parti républicain Robert Mercer. Ce dernier comptait sur les techniques de marketing et de profilage comportemental de la société britannique SCL pour peser sur les élections US de mi-mandat.
→ Lire son portrait: Robert Mercer, un milliardaire influent
Il monta toute l’affaire avec Alexander Nix, qui dirigeait la section politique de SCL, et Steve Bannon, à l’époque, directeur du site ultra-conservateur Breitbart News. Bannon dirigera la société jusqu’en août 2016, lorsqu’il sera appelé à prendre la tête de la campagne Trump, et sera ensuite remplacé par Nix, actuel CEO de CA.
Qu’a fait cette société?
Qu’a fait cette société?
Dès sa création, en 2014, la société cherche à mettre la main sur des données circulant sur les réseaux sociaux et permettant de dresser le profil d’un maximum d’électeurs américains. Christopher Wylie, un génie de l’informatique canadien qui avait aidé à créer CA et planchait sur la question, embauche alors Aleksander Kogan, un chercheur de l’université de Cambridge, expert en psychologie des réseaux sociaux. C’est Kogan qui approchera Facebook via sa société Global Science Research, créée pour l’occasion.
Des données qui auraient été utilisées pour créer un logiciel visant à influencer des millions d’électeurs américains, mais aussi britanniques, dans le cadre du référendum sur le Brexit en juin 2016.
Kogan prétend vouloir mener une enquête dans le cadre d’une étude universitaire. Facebook lui donne son feu vert. Kogan obtient de 270.000 utilisateurs qu’ils lui donnent accès à leurs données. Le hic, c’est qu’il accède ensuite à celles de leurs amis, sans leur demander leur avis. Il met ainsi la main sur les données de 50 millions d’utilisateurs pour le compte de CA. Des données qui auraient été utilisées pour créer un logiciel visant à influencer des millions d’électeurs américains, mais aussi britanniques, dans le cadre du référendum sur le Brexit en juin 2016. CA et SCL font d’ailleurs l’objet d’une double enquête au Royaume-Uni.
De l’avis même de Wylie, qui a quitté la société début 2015 et a servi de source aux enquêtes du Guardian et du New York Times, les méthodes utilisées par CA étaient "problématiques". Au sujet de Mercer et de Bannon, il déclare qu’ils voulaient "mener une guerre culturelle" aux Etats-Unis et que CA était leur "arsenal d’armes pour mener cette guerre".
Que reproche-t-on à Facebook?
Que reproche-t-on à Facebook?
Le scandale éclate (une première fois) fin 2015, lorsque le Guardian révèle que CA a utilisé des données Facebook pour le compte de la campagne de Ted Cruz, un sénateur ultra-conservateur qui briguait l’investiture du parti républicain (et donc un rival de Trump à l’époque).
Le géant américain fait profil bas. Il ne prévient pas ses utilisateurs du vol de leurs données. Par contre, il exige de Kogan, de SCL et de CA qu’ils détruisent les données indûment obtenues. Mais Facebook ne prend visiblement pas la peine de vérifier. D’après le New York Times, certaines copies des données volées seraient encore accessibles sur internet. Une fois engagée par la campagne Trump en juin 2016, CA a donc pu continuer à se servir de cette mine d’or pour aider le républicain à cibler des thèmes porteurs et les États qu’il devait visiter.
"Mark Zuckerberg doit témoigner devant la commission judiciaire du Sénat".
Vendredi, peu avant que le New York Times et The Observer sortent leur enquête, Facebook a suspendu CA, Wylie et Kogan. Et dimanche, il a annoncé qu’il lançait une enquête approfondie sur l’affaire. Mais le mal était fait.
Depuis ce week-end, républicains comme démocrates veulent des réponses sur cette nouvelle affaire impliquant Facebook. "Mark Zuckerberg doit témoigner devant la commission judiciaire du Sénat", twittait samedi la sénatrice démocrate Amy Klobuchar, tandis que son confrère républicain, Marco Rubio, se disait "perturbé" sur la NBC. Même son de cloche en Europe. Lundi matin, le député conservateur britannique Damian Collins déclarait que Zuckerberg devait "arrêter de se cacher derrière sa page Facebook". Quelques heures plus tard, la Commission européenne annonçait qu’elle allait demander des "clarifications" à Facebook.
Des liens avec le Russiagate?
Des liens avec le Russiagate?
Rien n’indique, pour l’instant, que la Russie, accusée d’avoir tenté de peser sur la présidentielle US, ait eu accès aux informations compilées par CA. Mais la société est dans le collimateur de Bob Mueller, le procureur spécial enquêtant sur le Russiagate. Elle a elle-même admis collaborer à l’enquête, tout en niant toute malversation.
Fait troublant, Kogan a passé une partie de son enfance à Moscou. Mais surtout, il a travaillé à l’université de Saint-Pétersbourg et obtenu des financements du gouvernement russe pour faire des recherches sur le bien-être sur les réseaux sociaux. Autre "hasard" étonnant: Michael Flynn, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, qui a reconnu avoir menti au FBI au sujet de ses liens avec la Russie, aurait conseillé CA pendant une certaine période…
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