Vidéo diffusée illégalement? YouTube n'est en principe pas responsable...
Dans l'attente du nouveau régime de responsabilité pour les œuvres illégalement mises en ligne, YouTube bénéficie de l’exonération de responsabilité, pourvu qu’il ne joue pas un rôle actif.
La Cour de justice de l’UE s'est prononcée, le 22 juin dernier, sur la responsabilité des plateformes en ligne à la suite de questions préjudicielles qui lui avaient été soumises par la Cour fédérale de justice allemande.
Il lui était demandé de préciser, entre autres, la responsabilité des exploitants de plateformes (en l’occurrence YouTube et Cyando) s’agissant d’œuvres protégées par le droit d’auteur qui avaient été publiées sur ces plateformes de manière illicite (sans l’autorisation des titulaires de droits) par leurs utilisateurs.
Cette responsabilité est ici examinée sous le régime applicable à l’époque des faits résultant de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur, de la directive 2000/31 sur le commerce électronique ainsi que de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.
Y a-t-il une "communication au public"?
La Cour examine tout d’abord la question de savoir si l’exploitant d’une plateforme, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, effectue lui-même une « communication au public » de ces contenus, au sens de la directive 2001/29.
Ainsi, celui-ci réalise un « acte de communication » lorsqu’il intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner à ses clients accès à une œuvre protégée, et ce notamment lorsque, en l’absence de cette intervention, ces clients ne pourraient, en principe, pas jouir de l’œuvre diffusée.
Dans ce contexte, la Cour juge que l’exploitant d’une plateforme n’effectue pas une « communication au public » de l’œuvre en question, à moins qu’il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d’auteur.
Tel est notamment le cas lorsque cet exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d’un contenu protégé sur sa plateforme et s’abstient de l’effacer ou d’en bloquer l’accès promptement ou lorsque ledit exploitant, alors même qu’il sait ou devrait savoir que, d’une manière générale, des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l’intermédiaire de sa plateforme, s’abstient de mettre en œuvre les mesures techniques appropriées qu’il est permis d’attendre d’un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace les violations du droit d’auteur.
YouTube exonéré de responsabilité?
Ensuite, la Cour se penche sur la question de savoir si le même exploitant peut bénéficier de l’exonération de responsabilité prévue par la directive 2000/31 sur le commerce électronique, pour les contenus protégés que des utilisateurs communiquent illégalement au public par l’intermédiaire de sa plateforme.
La Cour examine alors si le rôle exercé par cet exploitant est neutre, c’est-à-dire si son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des contenus qu’il stocke, ou si, au contraire, ledit exploitant joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle de ces contenus.
À cet égard, elle juge que cet exploitant peut bénéficier de l’exonération de responsabilité, pourvu qu’il ne joue pas un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance et un contrôle des contenus téléversés sur sa plateforme.
Et demain ? La directive 2019/790
La Cour précise, et cela a son importance, que son arrêt est rendu en l’état actuel du droit. Elle n’a donc pas tenu compte de la directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique qui met en place, pour les exploitants de plateformes en ligne telles que YouTube, un nouveau régime de responsabilité spécifique pour les œuvres illégalement mises en ligne par les utilisateurs de ces plateformes.
Cette directive, qui devait être transposée par chaque État membre au plus tard le 7 juin 2021, impose notamment à ces exploitants d’obtenir une autorisation des titulaires de droits, par exemple, en concluant un accord de licence, pour les œuvres mises en ligne par les utilisateurs de leur plateforme.
Etienne Wéry
Avocat associé Ulys
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