YouTube responsable de la violation des droits sur des contenus mis en ligne?
Dans l'état actuel du droit, l'avocat général de la Cour de Justice de l'Union européenne y répond globalement par la négative. Mais une prochaine directive changera la donne.
Ce sont deux affaires que la Cour de justice de l’Union européenne traite ensemble.
Dans le litige à l’origine de la première affaire, un producteur de musique poursuit YouTube et sa société mère Google devant les juridictions allemandes au sujet de la mise en ligne, sur YouTube, en 2008, de plusieurs phonogrammes sur lesquels il allègue détenir différents droits.
Dans la seconde affaire, le groupe éditorial Elsevier poursuit Cyando devant les juridictions allemandes au sujet de la mise en ligne, sur sa plateforme d’hébergement et de partage de fichiers Uploaded, en 2013, de différents ouvrages sur lesquels Elsevier détient les droits exclusifs.
Dans les deux affaires, les mises en ligne litigieuses ont été effectuées par des utilisateurs des plateformes sans l’autorisation des détenteurs de droits.
La Cour fédérale allemande, saisie de ces deux litiges, a soumis plusieurs questions préjudicielles à la Cour. L’avocat général a rendu ses conclusions le 7 juillet dernier.
"Les exploitants de plateformes pourraient, en principe, bénéficier de l’exonération de responsabilité prévue par la directive pour les fichiers qu’ils stockent à la demande de leurs utilisateurs."
Les directives sur la propriété intellectuelle
Il propose à la Cour de juger que des exploitants tels que YouTube et Cyando ne sont pas directement responsables d’une violation du droit exclusif reconnu aux auteurs, par la directive 2001/29, de communiquer au public leurs œuvres, lorsque les utilisateurs de leurs plateformes mettent en ligne de manière illicite des œuvres protégées.
En effet, selon lui, des exploitants tels que YouTube et Cyando n’effectuent, en principe, pas eux-mêmes un acte de ''communication au public" dans cette hypothèse. Le rôle joué par ces exploitants serait alors celui d’un intermédiaire fournissant des installations permettant aux utilisateurs de réaliser la "communication au public". La responsabilité primaire susceptible de résulter de cette "communication" serait donc, en règle générale, endossée uniquement par les utilisateurs.
L’avocat général souligne que le processus de mise en ligne d’un fichier sur une plateforme telle que YouTube ou Uploaded, une fois initié par l’utilisateur, s’effectue de manière automatique, sans que l’exploitant de cette plateforme sélectionne ou détermine d’une autre manière les contenus publiés. L’éventuel contrôle préalable réalisé par cet exploitant, le cas échéant de manière automatisée, ne constituerait pas une sélection, pour autant que ce contrôle se borne à la détection des contenus illégaux, et ne reflèterait pas une volonté de l’exploitant de communiquer certains contenus (et pas d’autres) au public.
La directive sur le commerce électronique
De plus, des exploitants de plateformes tels que YouTube et Cyando pourraient, en principe, bénéficier de l’exonération de responsabilité prévue par la directive 2000/31 pour les fichiers qu’ils stockent à la demande de leurs utilisateurs, pour autant qu’ils n’aient pas joué un "rôle actif" de nature à leur conférer "une connaissance ou un contrôle" des informations en question.
L’avocat général précise que les hypothèses dans lesquelles l’exonération en cause est exclue se réfèrent, en principe, à la connaissance d’informations illicites concrètes. Autrement, il y aurait un risque que les exploitants de plateformes se transforment en arbitres de la légalité en ligne et qu’ils opèrent un "sur-retrait" des contenus qu’ils stockent à la demande des utilisateurs de leurs plateformes, en supprimant également des contenus licites.
L’avocat général propose encore de juger que, indépendamment de la question de la responsabilité, les titulaires de droits peuvent obtenir, en vertu du droit de l’Union, des injonctions judiciaires à l’encontre des exploitants de plateformes en ligne, susceptibles de leur imposer des obligations, dès lors qu’il est établi que des tiers portent atteinte à leurs droits via le service des exploitants de plateformes.
Et demain?
L’avocat général ajoute, enfin, avoir fondé ses conclusions sur le droit applicable à ce jour pour ce qui concerne la propriété intellectuelle, et ne se réfère donc pas à la nouvelle directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique qui met en place, pour les exploitants de plateformes en ligne, comme YouTube, un nouveau régime de responsabilité spécifique pour les œuvres illégalement mises en ligne par les utilisateurs de ces plateformes.
Cette directive, qui doit être transposée par chaque État membre dans son droit national au plus tard le 7 juin 2021, impose notamment à ces exploitants d’obtenir une autorisation des titulaires de droits, par exemple, en concluant un accord de licence, pour les œuvres mises en ligne par les utilisateurs de leur plateforme.
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