Avec sa cryptomonnaie, Facebook prend des airs de banque centrale
Facebook doit publier ce mardi un "livre blanc" destiné à apporter plus de précisions quant à son projet de monnaie virtuelle, le Libra. Le géant américain aurait le potentiel de devenir la première banque centrale privée au monde.
La monnaie virtuelle de Facebook , dont le lancement est prévu au premier trimestre 2020, semble susciter l’intérêt des géants du paiement (en ligne) et d’acteurs de poids d’internet, alors que le Wall Street Journal et Les Echos rapportaient, vendredi passé, la formation d’un consortium destiné à financer et à accompagner sa création.
Des sources proches du dossier ont indiqué au Wall Street Journal que les parties prenantes au consortium seraient prêtes à investir autour de 10 millions de dollars chacune dans le but de réunir le milliard de dollars estimé nécessaire au démarrage du projet.
Parmi la trentaine de membres payants supposés de cette association inédite, sont cités Uber, MasterCard, PayPal, Visa, Booking.com, Spotify mais aussi Iliad, la société de l’investisseur français et propriétaire de Free Xavier Niel, seul représentant français d’après le quotidien français Les Echos.
L’intérêt d’un consortium
Le consortium, apparemment matérialisé par la création d’une société en Suisse, aurait pour objectif premier de réunir une centaine d’investisseurs d’ici le lancement de la monnaie basée sur la technologie blockchain, ou "chaîne de blocs".
"Avoir déjà des gens de confiance aux nœuds réduit la complexité et le coût de la validation des transactions, au contraire du bitcoin où l’anonymat des nœuds est compensé par une coûteuse et complexe validation des transactions pour éviter tout risque de manipulation."
L’élément-clé de l’initiative résiderait cependant dans l’opportunité de créer une "chaîne de blocs" privée où chacun des membres du consortium prendrait à sa charge un "nœud" formant le squelette de la chaîne et permettant d’enregistrer les transactions.
À ce sujet, Charles Cuvelliez, professeur à l’École polytechnique de l’ULB, explique: "Avoir déjà des gens de confiance aux nœuds réduit la complexité et le coût de la validation des transactions, au contraire du bitcoin où l’anonymat des nœuds est compensé par une coûteuse et complexe validation des transactions pour éviter tout risque de manipulation."
De plus, le consortium permet selon lui aux parties prenantes de ne pas rater le train de la monnaie virtuelle. Ceci est, par exemple, avantageux dans les cas d’Uber ou de Booking.com, qui pourront ainsi s’affranchir des frais de transactions liés aux paiements bancaires et impactant leurs marges commerciales. En ce qui concerne Visa et Mastercard, "mieux vaut être dans le bateau que de rester à quai", ironise-t-il.
Des airs de banque centrale
Selon notre expert, en plus de mettre sa monnaie en circulation, Facebook se constituera des réserves de change provenant des achats de ses utilisateurs. Cette caractéristique rapprochera inévitablement la nouvelle activité du géant de la tech de celles pratiquées par les banques centrales.
"On se demande vraiment ce qui différenciera Facebook d’une nouvelle banque centrale, comme la Réserve fédérale des Etats-Unis (FED). On peut imaginer que les membres du consortium joueraient alors, en quelque sorte, le rôle de banques intermédiaires", explique-t-il ensuite, avant de poser la question: "Verra-t-on Facebook dans le cénacle feutré des banquiers centraux et partager leurs règles?"
Le "Libra" se positionne
Si son nom semble se préciser, "Libra" étant visiblement préféré à "GlobalCoin", la cryptomonnaie de Facebook suscite toujours bon nombre de spéculations quant à son fonctionnement.
Voué à être utilisé dans le monde entier et fort des quelque 2,4 milliards d’utilisateurs mensuels des différentes plateformes possédées par l’entreprise (WhatsApp, Instagram, Messenger), le "Libra" devrait révolutionner les paiements en ligne et les transactions entre utilisateurs.
Ensuite, avec sa monnaie, Facebook diversifie considérablement son activité centrée sur la publicité et les données et mise sur la potentialité de restaurer une image fortement détériorée par de récents scandales. Ici, Charles Cuvelliez indique: "Facebook a l’opportunité de se racheter une image libertarienne, au sens positif du terme, auprès de ses clients. Une monnaie suscite un sentiment d’appartenance et Facebook espère créer une communauté nouvelle, construite autour de l’autonomie et l’affranchissement garantis par son Libra."
Notons enfin que, contrairement à la plupart de ses concurrents, la monnaie de la société de Mark Zuckerberg devrait être indexée sur le cours du dollar et d’un panier de devises dites "fiat" (Euro, Yen, Livre sterling), soit contrôlées et émises par les États et évoluant indépendamment des cours de l’or ou de l’argent, limitant ainsi la volatilité de sa valeur et favorisant sa convertibilité en autres devises.
Elle se rapprocherait ainsi plus d’autres modèles de "blockchain privé" comme le JPM Coin, la cryptomonnaie de la banque JPMorgan Chase, dont l’usage est interne à la banque et réservé à certains investisseurs privilégiés.
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