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L'État encore condamné pour le double précompte franco-belge

La Cour de cassation juge qu'un Belge qui perçoit des dividendes d'actions françaises peut déduire du précompte belge une partie de l'impôt perçu en France.

Nouvel épisode dans la saga de la double imposition des dividendes français perçus en Belgique. Dans un arrêt du 15 octobre qui vient d'être publié, la Cour de cassation a condamné l'Etat belge parce qu'il refusait que les investisseurs qui perçoivent des dividendes d'actions françaises déduisent de leur précompte mobilier belge une partie de l'impôt déjà prélevé en France, alors qu'une convention franco-belge permet une telle déduction.

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"Il paraît très vraisemblable que le fisc déposera les armes suite à ce nouveau revers devant la Cour de cassation."

Denis-Emmanuel Philippe
Avocat associé au cabinet Bloom Law

Selon plusieurs fiscalistes, cet arrêt devrait contraindre l'administration à accepter cette déduction. "Il me paraît très vraisemblable que le fisc déposera les armes suite à ce nouveau revers devant la cour suprême", estime Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé au cabinet Bloom Law. "L’administration n’a plus vraiment le choix: elle doit à présent revoir sa position sous peine de mettre en danger notre État de droit", renchérit François Parisis, responsable de l'ingénierie patrimoniale à la Banque Transatlantique Belgium.

Pour l'heure, "la portée de cette décision est encore à l’étude auprès de l’administration", dit Florence Angelici, porte-parole du service public fédéral des Finances. Interrogé à ce sujet, le cabinet du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, a quant à lui signalé que ses conseillers se penchaient sur la question.

En 2017, la Cour de cassation s'était déjà prononcée à ce sujet en décidant que les Belges pouvaient bel et bien imputer, sur leur précompte mobilier belge, une part forfaitaire du précompte retenu en France. Mais le fisc ne l'a pas entendu de cette oreille et a continué à refuser cette interprétation, ce qui a donné lieu à de nouvelles procédures judiciaires, dont celle qui a abouti au nouvel arrêt de cassation rendu le mois dernier.

Enjeu important

Ce litige entre le fisc et les investisseurs belges provient d'une divergence d'interprétation de la convention préventive de double imposition qui lie la Belgique et la France. Selon cette convention, l’impôt belge sur les dividendes français doit être diminué "de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) déductible dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15%" du montant obtenu après application de la retenue à la source française.

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27,75%
Dans l'interprétation du fisc, l'impôt total sur les dividendes d'actions françaises perçus par des Belges atteint 40,5%, tandis qu'en appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation, celui-ci tombe à 27,75%.

En 1988, la Belgique a supprimé, dans son droit interne, cette notion de QFIE. Le fisc en a déduit qu'il n'était plus possible de déduire la QFIE française. Mais la Cour de cassation juge que la convention, qui fait explicitement référence au droit de déduire une QFIE de minimum 15%, prime sur l'absence de QFIE dans le droit national belge. "Il ne saurait être donné effet à une règle de droit interne belge qui priverait les résidents belges de ce droit", précise l'arrêt du 15 octobre, confirmant la jurisprudence de 2017. Selon celle-ci, le contribuable est donc bien en droit de réclamer le remboursement d'une partie de l'impôt belge.

Pour les Belges qui détiennent des actions françaises, l'enjeu est important: dans l'interprétation du fisc, l'impôt total atteint 40,5%, tandis qu'en appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation, celui-ci tombe à 27,75%.

Réclamer reste possible

Tout dépend à présent de la réaction du fisc à cette décision. Depuis l'arrêt de 2017, des contribuables avaient introduit des demandes de remboursement à l'administration, qui les avait mises en suspens dans l'attente de l'issue de son nouveau pourvoi devant la haute cour. "Le nouvel arrêt, qui confirme l'interprétation favorable aux contribuables, devrait débloquer ces dossiers", estime Grégory Homans, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés.

"Le nouvel arrêt, qui confirme l'interprétation favorable aux contribuables, devrait débloquer les dossiers en suspens."

Grégory Homans
Associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés

Pour ceux qui n'auraient pas encore réclamé un remboursement, "il reste possible de le faire, via une réclamation pour l'année en cours, ou par une procédure de dégrèvement d'office pour les cinq dernières années", épingle Me Homans.

Et pour l'avenir? Le problème est que la Belgique et la France se sont mises d'accord sur une nouvelle convention, dans laquelle la QFIE minimale de 15% aura disparu. Quand elle entrera en vigueur, la position du fisc redeviendra donc la norme. "Mais compte tenu des délais de ratification, cette nouvelle convention ne devrait pas s'appliquer avant 2022 au plus tôt", estime Me Homans. "Jusqu'à ce moment, la QFIE doit s'appliquer, conformément à l’enseignement de la Cour de cassation. Par ailleurs, la suppression de la QFIE dans la nouvelle convention vient paradoxalement confirmer l’application de la QFIE pour le passé." Ceux qui ont investi en actions françaises ont donc tout intérêt à réclamer leur dû.

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