Mon argent La réponse à toutes vos questions d'argent
Publicité

Grégor Chapelle: "Je serais très gêné de moi-même si j'acceptais un job uniquement pour de l'argent"

45 ans/Diplômé en droit (UCL) et en administration publique (Harvard)/Ancien avocat, ancien consultant chez McKinsey et ex-échevin de la commune de Forest/Membre du Parti socialiste belge/Directeur général d’Actiris depuis 2011/Pratique la natation trois fois par semaine/Passionné par l’observation de la nature (ornithologie et herpétologie).
©Dieter Telemans

Votre premier job et votre premier salaire, vous vous en souvenez?

Lorsque j’étais étudiant, j’ai fait la plonge pendant un mois à la résidence pour personnes âgées Les eaux vives à Uccle. J’économisais pour payer un voyage sportif et humanitaire de lutte contre la désertification au Burkina Faso. C’était en août 1991, et j’ai gagné 28.000 francs belges. Dans mon souvenir, c’était beaucoup d’argent!

Publicité

Lorsque vous avez commencé à gagner votre vie, quelle a été votre plus grande satisfaction?

Je travaillais comme avocat stagiaire en droit des étrangers et en droit social, et je gagnais moins qu’en tant que jobiste! Ma plus grande satisfaction n’était pas du tout liée à l’argent, mais à mon sentiment d’utilité pour la construction d’un monde plus juste, de mettre mon savoir théorique au service du monde réel, tout en étant accompagné de l’angoisse existentielle de ne pas réussir à sortir mes clients de leurs difficultés.

"Soyons fiers de payer nos contributions."

Le conseil

À un moment de votre vie, avez-vous accepté un travail "uniquement" parce qu’il payait bien?

Publicité

Non, jamais. J’ai besoin de prendre soin de ma difficulté à accepter le monde tel qu’il est, et ma manière d’être heureux, c’est de contribuer humblement à lutter contre les inégalités et les injustices. Je dirais même que je serais très gêné de moi-même si j’acceptais un job uniquement pour de l’argent. Dans ma vie privée, la valeur principale de l’argent, c’est de pouvoir m’offrir du temps avec moi-même, mon épouse, mes filles, mes amis, ma famille.

Avez-vous trouvé un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle?

J’essaie! Mais c’est le mythe de Sisyphe. Un combat permanent. Quand j’ai pris mes fonctions à Actiris, ce n’était pas le cas: j’ai travaillé 90 heures par semaine pendant une bonne année. J’ai peu à peu réduit les heures de travail ensuite. Mais ça a laissé des traces dans la famille… Mon épouse racontait que j’avais disparu dans un sous-marin qui s’appelait Actiris. Aujourd’hui, je pense que j’y arrive mieux. C’est d’ailleurs une condition de réussite pour être un bon leader au service de l’équipe d’Actiris: prendre soin de moi et de ma famille.

Quelles sont les choses indispensables à votre qualité de vie?

Me sentir appartenir à un système de solidarité public et privé. L’argent incarne un concentré de nos pulsions égoïstes et une manière de contrôler nos angoisses liées à notre peur de mourir et à notre sentiment de finitude. D’un autre côté, l’argent a aussi le potentiel de créer du lien et de l’appartenance commune, que ce soit avec son argent privé en posant des gestes de solidarité ou avec ce que l’on fait de l’argent public.

En cinq chiffres
  • 1500: "Pour le projet d’une pension minimum à 1500 euros nets par mois."
  • 1 sur 2: "Un Français sur deux n’hérite de rien."
  • 120.000: "La proposition de Thomas Piketty de créer un système d’héritage public avec 120.000 euros au moins pour chacun."
  • 2500: "Le nombre de tonnes de carbone qu’Actiris émet chaque année. C’est une préoccupation de tous les jours. Cela représente 1000 allers-retours entre Bruxelles et New York."
  • : "L’infini: l’amour inconditionnel que je ressens pour mes filles."

Il est indispensable pour moi de savoir que j’appartiens à un système de solidarité qui vise à lutter contre les inégalités. C’est pour cela que j’ai voulu poser avec le livre Enfances de classe: ce livre est fascinant. En décrivant le quotidien des enfants, à la maison et à l’école, en fonction de leur niveau social, il nous rappelle l’importance de nos services collectifs, et en particulier l’importance d’avoir un système éducatif gratuit qui vise à corriger les inégalités de naissance.

Soutenez-vous une œuvre ou un organisme?

Oui, nous avons des ordres permanents auprès d’une série d’organisations auxquelles nous croyons, comme Greenpeace, Médecins du Monde, Amnesty International, La Ligue des Droits humains et auprès d’associations moins connues. Et puis, notre épargne est provisoirement chez Triodos. Mais j’espère bientôt chez NewB!

Avez-vous un talon d’Achille en matière de dépenses?

Rentrer dans une librairie avec l’objectif de n’acheter qu’un seul livre, c’est le piège systématique! Les librairies me donnent le vertige. Tous les efforts, tout le travail de ces milliers d’humains qui tentent de contribuer à une meilleure compréhension du monde…

De quel type de dépense diriez-vous qu’il s’agit d’argent jeté par les fenêtres?

Toutes les dépenses qui détruisent notre milieu de vie. Ce qui me choque le plus, c’est que nous ne soyons pas collectivement capables de nous organiser pour rendre cher ce qui est nocif à notre environnement.

Dans son portefeuille: "Il est assez fonctionnel, je l’ai acheté pour faciliter l’accès à mes cartes de banque. En plus de photos de famille et d’un souvenir sentimental, j’ai une carte de fidélité à la librairie Candide."
Dans son portefeuille: "Il est assez fonctionnel, je l’ai acheté pour faciliter l’accès à mes cartes de banque. En plus de photos de famille et d’un souvenir sentimental, j’ai une carte de fidélité à la librairie Candide." ©Dieter Telemans

Les SUV en ville! Les cannettes qui font du mal à nos corps et à la planète! Ou l’exemple basique du trajet en avion à l’intérieur de l’Europe qui coûte quatre à cinq fois moins cher que le trajet en train. C’est d’une telle stupidité.

Quelles sont les professions qui mériteraient d’être mieux payées?

Tous ceux qui font du travail de terrain en première ligne, les personnes indispensables qui mettraient notre vie en commun en danger si elles s’arrêtaient, comme les enseignants, les infirmiers et les accueillants d’enfants. Comment peut-on imaginer un système d’organisation sociale où sont tellement peu rémunérés celles et ceux à qui l’on confie toute la journée ce que nous avons de plus précieux: nos enfants? C’est une aberration absolue.

Publicité
Lire également
Publicité
Publicité
Publicité
Messages sponsorisés