L’enthousiasme des Belges pour la brique s’est éteint, du moins temporairement. Non pas qu’ils n’aiment plus l’immobilier, mais la crise du coronavirus a fait passer ce secteur au second, au troisième, voire au dernier plan. Les professionnels du métier, chiffres à l’appui, constatent une activité en nette diminution. Valentin Cogels, CEO d’Immoweb, l’incontournable site d’annonces immobilières, détaille: "Il y a effectivement une diminution du nombre d’annonces placées sur la plateforme. L’activité est environ diminuée de 50% par rapport à l’activité traditionnelle, que ce soit en termes d’annonces de vente ou de location. Le trafic a également baissé, de 45% la première semaine, avant de se stabiliser autour de 30%." Le patron de Trevi, Eric Verlinden, opère le même constat. "50% de l’activité chez Trevi relève de la gestion privative et du syndic, qui tournent tout à fait normalement. Quant aux transactions immobilières, le marché est relativement gelé, à la fois en termes de mise en vente, de mise en location et de visites. On termine actuellement un certain nombre des négociations qui étaient initiées précédemment, puis cela va devenir extrêmement calme."
"L’activité est environ diminuée de 50% par rapport à l’activité traditionnelle, que ce soit en termes d’annonces de vente ou de location."
Professionnels plus ou moins optimistes
Si Valentin Cogels et Eric Verlinden restent confiants pour la suite – le premier s’attend à voir le trafic sur Immoweb reprendre à 90% d’ici une à deux semaines et le second estime qu’en cas de confinement limité, les conséquences économiques le seront également – ce n’est pas le cas de l’économiste d’ING spécialisé en immobilier Julien Manceaux, qui s’inquiète de "l’ampleur du choc économique. Bien qu’on s’attendait déjà à une baisse de l’activité en 2020 suite à la suppression du woonbonus en Flandre, désormais tous ceux qui avaient l’intention d’acheter ou de vendre, même s’ils ne vont pas tout stopper, vont se donner le temps d’attendre, puisqu’il y aura beaucoup d’incertitudes au moment de la reprise et que, de toute manière, les taux d’intérêt ne risquent certainement pas de remonter. Il n’y aura donc pas une explosion de biens mis en vente ou d’acquéreurs à l’affût d’une habitation".
"Les taux d’intérêt ne risquent pas de remonter."
Tout dépend toutefois de la durée du confinement, s’accordent à dire les trois acteurs. "Si le confinement se termine début mai, les conséquences seront limitées: les prix n’auront pas chuté, il y aura un afflux de mises en vente et en location, car les gens qui attendent actuellement le feront dès la reprise. Il faut dès lors se tenir prêt au niveau des équipes et anticiper certains dossiers de vente, qui seront prêts à être activés le moment venu", estime le CEO de Trevi, qui ajoute que "si le confinement doit perdurer sur une période de quatre, cinq voire six mois, il y aura une crise économique qui aura des conséquences sur les prix de l’immobilier. La motivation d’acheter est mise en suspens, mais reprendra. Les taux d’intérêt resteront bas, puisqu’il faut faire tourner la machine économique et je pense qu’il y aura certains facilités dans l’octroi de crédits". L’économiste d’ING anticipe, lui, un tassement voire un recul des prix en fin d’année et durant l’année 2021. "Si on n’a pas de rebond de l’activité économique très rapide après la récession, s’il y a des séquelles directes en termes d’emplois, il y aura moins de transactions immobilières et donc une baisse des prix."
Des investisseurs frileux
Le marché immobilier a également, ces dernières années, beaucoup été porté en Belgique par les investisseurs. "Malgré la chute des dernières semaines des marchés boursiers, ils ne se tournent que très peu vers les valeurs refuges, c’est plutôt une course pour le cash qu’on observe actuellement", indique Julien Manceaux, qui doute qu’ils se tournent pour autant vers l’immobilier. "Je ne suis pas très positif au niveau de l’activité. Pourquoi investir dans la brique alors que l’on construit déjà trop et que le chômage risque de partir à la hausse? Les investisseurs vont se poser la question. Pour la fin de l’année et l’année prochaine, il y aura probablement des séquelles", conclut l’économiste.
Côté location, Eric Verlinden rappelle que ce marché suit "la courbe de Gauss, (en forme de cloche, NDLR), l’activité est plus forte à partir du mois de mai et jusque septembre-octobre. Ce marché sera donc très actif à cette période d’autant plus qu’une série de biens arriveront d’un coup sur le marché".
"Pour la fin de l’année et l’année prochaine, il y aura probablement des séquelles."
"Évitez de mettre en vente/location maintenant"
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Les propriétaires vendeurs ou souhaitant donner leur bien en location doivent prendre leur mal en patience. Mieux vaut ne pas mettre tout de suite votre bien sur le marché. "Il est toujours possible de le faire, mais on le déconseille lourdement car le bien va rester inactif pendant des semaines, ce qui n’est pas bon pour négocier la vente/location", explique Eric Verlinden. Même si le gouvernement n’a pas donné, à l’heure actuelle, de directives suffisamment précises quant à la possibilité, pour les propriétaires, d’organiser des visites de leurs biens, "Immoweb déconseille de s’engager dans une telle opération, la santé vient d’abord, et le marché sera meilleur à la sortie de la crise de toute façon", conseille son CEO.
En attendant, les agents immobiliers s’organisent: "Ils prennent note des candidats acheteurs/vendeurs, organisent des listes de visites de biens pour la reprise", indique Valentin Cogels. Concrètement, il est donc toujours possible de s’organiser avec les agences et d’anticiper sa vente, son achat ou sa mise en location, pour être prêt le moment venu. Immoweb offre d’ailleurs actuellement 35% de réduction pour les clients professionnels ayant une formule d’abonnement qui mettent des biens en ligne. "Les factures des mois d’avril et de mai pourront aussi être payées à l’automne pour les professionnels", explique son CEO. Quant aux clients particuliers et aux professionnels n’utilisant pas une formule d’abonnement, la plateforme "prolonge de deux mois les annonces de biens qui arrivent à échéance en avril".