La Vivaldi met la main à la pâte pour réformer le système des voitures de société, principalement sa fiscalité. Son objectif principal étant de verdir notre parc automobile, seuls les véhicules électriques devraient encore être déductibles en 2026. Rien n'est encore bouclé, les différents partis tentent actuellement de trouver un compromis. Entre-temps, un phasage est prévu pour s’y préparer. Mais justement, sommes-nous prêts? Du moins le serons-nous pour 2026? État des lieux.
1. Le prix
Une voiture à moteur thermique ou une voiture électrique, ce n’est pas le même prix, pense-t-on de prime abord. Alors oui, certes, mais les prix tendent à se démocratiser dans ce marché en pleine évolution. "Au premier trimestre 2021, 27% des nouvelles immatriculations de voitures de société concernaient des véhicules hybrides ou électriques", chiffre Christophe Dubon de la Febiac. Une croissance due à la démocratisation des prix et à une fiscalité avantageuse. Mais concrètement, que coûte un véhicule électrique?
"Au premier trimestre 2021, 27% des nouvelles immatriculations de voitures de société concernaient des véhicules hybrides ou électriques."
- Une électrique en leasing
Vous avez une voiture diesel ou essence, mais existe-t-il un équivalent électrique pour le même montant de leasing? Tout dépend du modèle. Les constructeurs développent de plus en plus de versions hybrides et électriques, mais on est encore loin d’avoir un choix optimal. Quant au coût mensuel net (TCO), il varie énormément d’un modèle à l’autre. Nous avons fait l’exercice pour trois voitures de société populaires en Belgique, sur la base de leur TCO à raison de 25.000 km/an, selon des chiffres de KBC Autolease, expert du leasing auto.
La Golf 2.0 TDI (diesel) coûte 695 euros chaque mois. En la remplaçant par un équivalent électrique, la I.D3 offrant la meilleure autonomie possible (77 kWh), le TCO passe à 606 euros/mois.
Pour un SUV comme la X3, dont le coût mensuel net s’élève à 913 euros, la remplacer par son équivalent électrique, la IX3, revient quasi au même prix: 917 euros par mois.
Une petite citadine comme la Renault Clio (essence) a un TCO de 474 euros/mois, mais pour une Renault Zoé, donc une version électrique plus ou moins équivalente, il faudra débourser un peu plus mensuellement, soit 527 euros.
- Une électrique à l’achat
Certains indépendants achètent directement leur véhicule de société sans passer par un leasing. Mais à l’achat, même si les prix se démocratisent très progressivement, l’électrique reste plus cher. Le prix de base d’une X3 (diesel) s’élève à 45.150 euros, tandis que, pour la IX3, il faut débourser 68.500 euros, soit 23.350 euros de plus.
Même constat chez Volkswagen, où la Golf 2.0 TDI (diesel) coûte 28.700 euros en prix de base, alors que pour l’I.D3 ayant le moins d’autonomie, il faut compter minimum 31.885 euros.
La Renault Clio (essence) coûte quant à elle 15.675 euros, alors que la Zoé affiche le double du prix: 32.300 euros.
En conclusion, l’électrique est de plus en plus compétitif dans les offres de leasing, mais à l’achat, il reste du chemin à faire. Notez toutefois que, "contrairement au TCO d’un leasing, le prix d’achat ne prend pas en compte la fiscalité avantageuse, ni les coûts d’usage (électricité, entretiens…) également plus avantageux que pour les modèles à combustible", rappelle la Febiac.
- Le coût à l’utilisation
Là où le véhicule électrique est nettement plus attractif que le thermique, c’est en termes de coûts à l’usage. Aussi bien pour les recharges que pour les entretiens ou encore sa fiscalité, qui permet une déductibilité à 100% du véhicule, tout comme un ATN (avantage de toute nature) plus profitable, grâce notamment à la nouvelle norme WLTP.
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"Si l’on compare une voiture diesel qui consomme 6L/100km, avec 1,4 euro le litre de diesel, cela fait 8,4 euros/100km. Pour une électrique qui consomme 20kWh/100km, en la rechargeant à la maison, c’est-à-dire au tarif de 20-25 cents/kWh, cela fait 5 euros/100km", illustre Sébastien Légat, directeur de la mobilité électrique chez Luminus. Il détaille: "Par rapport à un moteur thermique, on estime qu'on réalise une économie allant de 40 à 60% si l'on charge à la maison. En chargeant au bureau, où le prix de l’électricité est moins élevé, cette économie varie entre 70 et 80%. Et sur une borne publique, où les prix sont plus variables, l’économie va de 40 à plus de 70%."
"Par rapport à un moteur thermique, on estime qu'on réalise une économie allant de 40 à 60% si l'on charge à la maison."
Les entretiens sont également plus limités. "Il n’y a pas d’entretien du moteur, uniquement de la mécanique", rappelle le spécialiste.
2. La recharge
Une autre question, souvent la plus importante, est celle des bornes de recharge. Où charger votre véhicule de société et par quoi est remplacée la carte carburant?
- Où recharger?
Un véhicule électrique peut être rechargé au bureau, sur des bornes publiques ou à la maison. "70% du temps, les utilisateurs rechargent le véhicule à la maison, 20% du temps au boulot et 10% sur la route, donc sur des bornes publiques", explique Sébastien Légat. "Votre employeur n’est toutefois pas tenu de faire installer une borne électrique à domicile ou de fournir une carte de recharge", explique Jean-Luc Vannieuwenhuyse, expert juridique chez SD Worx. Mais pour ceux qui offrent cet avantage à leurs travailleurs, "les sociétés de leasing intègrent de plus en plus l’installation d’une borne de recharge dans les leasings pour véhicules électriques", confirme Vincent Vanden Bossche, electric vehicle manager chez Arval, société de leasing auto. Il considère son secteur "prêt pour 2026 en termes d’offre", "et nous allons continuer à l’affiner".
"Les sociétés de leasing intègrent de plus en plus l’installation d’une borne de recharge dans les leasings."
Mais, pour lui comme pour plusieurs spécialistes, là où il faut mettre les bouchées doubles, c'est sur la densification du réseau de bornes de recharges publiques. "Il y en a à peine 8.500 en Belgique, dont 500 bornes rapides. Actuellement, on trouve plus de bornes à Amsterdam que dans toute la Belgique", déplore Vincent Vanden Bossche. "Il reste du chemin à faire pour les institutions publiques au niveau de l’infrastructure."
C’est en Flandre que le déploiement est et sera le plus conséquent, puisque le nord du pays a pour ambition d’installer 30.000 bornes d’ici 2025. À Bruxelles, le ministre Alain Maron (Ecolo) a, suite à une étude, estimé qu’environ 11.000 bornes de recharge supplémentaires d’ici 2035 devraient être suffisantes pour répondre aux besoins. Ces bornes ne seront pas toutes installées sur la voie publique; sont également reprises les bornes placées en dehors des voiries (parkings publics, supermarchés, etc.). Reste la Wallonie, où l’on dénombre pour l’heure quelque 1.000 bornes. Le ministre wallon de la Mobilité Philippe Henry (Ecolo) a pour objectif d’en implanter 7.000 supplémentaires d’ici à 2024-2025.
"On estime qu’en 2026, on aura plus de 50.000 bornes en Belgique. Cela peut suffire si c’est complété par des bornes à domicile et dans les sociétés", estime Piet Cortier, business développer e-mobility chez Engie.
- Votre borne à domicile
Si vous devez installer vous-même une borne chez vous, comptez environ 2.000 euros tous frais compris pour une borne dite "intelligente". "Le prix de la borne est de 1.100 euros. À cela, il faut ajouter 600-800 euros supplémentaires pour le matériel, le placement et la certification", détaille Nicolas Paris, managing director chez Electric by D’Ieteren. Il explique: "Ces bornes intelligentes s’adaptent au seuil maximal de kWh à ne pas dépasser dans une habitation en réduisant la vitesse de recharge selon la consommation de la maison pour éviter que les plombs ne sautent." Par exemple, lorsque vous faites tourner votre four et une machine à laver, la borne diminue la vitesse de recharge et, dès que vous consommez moins, elle augmente pour recharger plus vite la batterie. "90 à 95% des bornes que nous installons sont des bornes intelligentes", chiffre Piet Cortier. "Ces bornes sont nécessaires en termes de sécurité, pour la communication, les data, mais aussi pour le dynamisme des prix (heures pleines, creuses, etc.)", souligne-t-il.
Les bornes de recharge intelligentes permettent même de "capter l’énergie solaire si vous disposez de panneaux photovoltaïques", signale Nicolas Paris. "Techniquement, tout est déjà en place. Il faut juste savoir quelles sont les règles du jeu, notamment si tout le monde se branche à la même heure pour recharger, pour s’y adapter et les implémenter."
"Les bornes intelligentes s’adaptent au seuil maximal de kWh à ne pas dépasser dans une habitation."
- Le cas des copropriétés
Si installer une borne dans une maison reste relativement simple, ce n’est pas toujours le cas pour ceux résidant en copropriété. L’installation d’une borne derrière son emplacement de parking nécessite souvent de passer par les communs; il faut recevoir l’autorisation en AG (assemblée générale), où deux tiers des voix des copropriétaires présentés ou représentés sont nécessaires.
En termes d’infrastructure, dans les nouvelles constructions ou les bâtiments faisant l’objet d’une rénovation lourde, des obligations apparaissent pour prévoir des gainages et des espaces prévus pour l’installation de ces bornes. C’est le cas notamment en Région flamande où, depuis le 11 mars 2021, tous les permis d’urbanisme déposés pour les constructions neuves doivent forcément comporter une borne de recharge.
- La carte de recharge
Votre carte carburant est remplacée par une carte de recharge grâce à laquelle vous avez accès à l’ensemble des bornes de recharge publiques. Certaines bornes sont rapides et permettent donc de recharger totalement ou presque votre véhicule en 30 à 45 minutes. "Grâce à cette carte, l’employeur peut voir qui recharge où (à la maison, au bureau, sur une borne publique). Il s’agit d’une clé pour déclencher la recharge, et ce, partout en Europe; c’est un réseau ouvert. En fin de mois, l’employeur reçoit le décompte des différentes recharges", détaille Nicolas Paris.
Deux méthodes d’indemnisation coexistent, en fonction du partenaire de votre employeur. Parfois, ce dernier doit payer directement la facture au partenaire, parfois il s’agit d’une compensation à payer à son employé: "Il faut opérer une distinction entre les frais d’installation et d’usage qui sont directement facturés à l’employeur - dans ce cas, ni le fisc ni l’ONSS ne posent de problèmes pour exonérer cet avantage dans le chef de l’employeur - et l’avance payée par l’employé pour les frais d’électricité; dans ce cas, le fisc demande de distinguer trois types d’usage: déplacements travail-domicile, déplacements privés et déplacements professionnels. Il faut alors demander au travailleur d’inventorier l’usage qu’il fait du véhicule. Ce sont des comptes d’apothicaires", détaille Jean-Luc Vannieuwenhuyse.
"Les frais d’installation et d’usage directement facturés à l’employeur ne posent pas de problème en termes d'exonération ni au fisc ni à l’ONSS."
3. Et pour les longs trajets?
Et pour vos vacances dans le sud de la France? Ce type de question est souvent un frein pour passer à l’électrique. Mais pour la plupart des acteurs du secteur, "il faut relativiser et se demander quels sont ses besoins réels", souligne Sébastien Légat, qui estime que partir en vacances avec son véhicule électrique n’est pas mission impossible. "Cela nécessite de s’organiser un peu plus, de planifier son itinéraire et les arrêts selon les stations de bornes de recharge. Il est tout à fait possible de recharger sa voiture en cours de route, sur les bornes publiques, qui sont au nombre de 200.000 en Europe désormais. Tout dépend également de l’autonomie de votre batterie, de sa capacité en kWh (60-70, voire 90 kWh sur modèles de luxe) et de votre consommation. La consommation moyenne s’élève à 20 kWh/100km. Donc, pour une batterie de 100 kWh, vous avez 500 km d’autonomie", détaille le spécialiste.
Pour les plus sceptiques, les sociétés de leasing offrent également des solutions: "On peut intégrer dans l’offre la possibilité de commander, pour une période plus courte, un véhicule qui répond à d’autres besoins. Par exemple, un diesel avec un plus grand volume de coffre pour 2-3 semaines par an", explique Vincent Vanden Bossche d’Arval.