Répondant à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation dans le cadre d’un dossier de succession, la Cour constitutionnelle a jugé, dans un arrêt rendu jeudi dernier, que la double taxation des biens mobiliers hérités à l’étranger est inconstitutionnelle.
Les héritiers d'un Belge qui était propriétaire de biens immobiliers et mobiliers en Espagne avaient intenté une action contre une décision de l'administration flamande contestant une différence de traitement entre les biens immobiliers et mobiliers.
Quel est le principe de la taxation?
Lorsque l’actif de la succession d’une personne qui réside en Belgique comprend des biens immobiliers à l’étranger, les droits de succession sont exigibles en Belgique sur le patrimoine mondial (belge et étranger, donc) du défunt.
De son côté, l’administration fiscale espagnole, prélève un impôt successoral sur les biens situés en Espagne.
Selon l’article 17 du Code des droits de succession, les droits de succession belges sont réduits, moyennant certaines conditions, de l’impôt successoral espagnol payé sur l’immeuble étranger, mais pas de l’impôt espagnol dû sur les avoirs mobiliers espagnols.
Quel était le problème?
Cette distinction selon la nature des biens étrangers (immeubles ou meubles) vient d’être condamnée par la Cour constitutionnelle belge.
Le problème, dans le cas qui a été soumis à la Cour constitutionnelle, c’est que la Région flamande, où résidait la personne décédée, a abrogé une disposition du Code des droits de succession (article 17) qui conduit de facto à une double taxation des seuls biens mobiliers (argent, actions, bijoux, œuvres d’art, etc.) hérités de l’étranger.
"Rien ne justifie que le législateur compétent continue à traiter le contribuable qui hérite de biens mobiliers différemment du contribuable qui hérite de biens immobiliers", lit-on dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle. "Il n'apparaît pas que la différence de traitement qui découle de l'article 17 du Code des droits de succession, selon que l'impôt de succession porte sur des biens immobiliers ou mobiliers, repose sur un critère de distinction pertinent", a jugé la Cour constitutionnelle.
"Dans l'attente d'une intervention du législateur, il appartient au juge a quo de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée par la Cour", a-t-elle ajouté, rejetant le maintien des effets de la disposition contestée.
Cet arrêt pourrait également avoir des répercussions pour les donations dans un contexte international, estime Me Grégory Homans, partner au Cabinet Dekeyser & Associés. Voici pourquoi.
Prenons le cas de donations de biens situés à l'étranger, entre deux résidents belges (le donateur et le donataire).
- S'agissant de la donation d'un bien immobilier étranger, l’opération est généralement taxée dans l’État où est situé l’immeuble.
De leur côté, les autorités fiscales belges sont également en droit de prélever des droits de donation.
Pour éviter une double imposition, la Belgique a décidé d’appliquer, dans ce cas, un droit fixe de 50 euros. - S'agissant de la donation d'avoirs mobiliers étrangers (par exemple, des titres de société) par acte notarié étranger, il peut arriver que l’État où se situent les biens donnés (État du siège social de la société) prélève des droits de donation. C'est notamment le cas des autorités fiscales françaises.
Depuis la fermeture de la Kaasroute, les autorités fiscales belges prélèvent également des droits de donation (au taux de 3% à 7% selon le lien entre le donateur et la personne gratifiée et du lieu de la Région de résidence du donateur). Ceci conduit à une double imposition. "Si une mesure préventive de double imposition existe en droit interne belge pour les donations immobilières, il n’en est rien pour les donations mobilières. Ce risque de double imposition des donations mobilières a été épinglé à plusieurs reprises lors des discussions dans le cadre de la loi mettant fin à la Kaasroute. Force est de constater, qu’à ce jour, aucune suite n’y a été donnée ".