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Succession entre époux: la clause Casman ressuscitée en Wallonie

Si cette technique avantageuse pour l'époux survivant est considérée comme un abus fiscal en Flandre, en Wallonie elle pourrait être utilisée (avec prudence).
©SHUTTERSTOCK

Une planification entre époux vise généralement à renforcer la protection du conjoint survivant et à lui assurer une autonomie financière.  De nombreux couples prévoient dès lors un "avantage matrimonial" dans leur contrat de mariage. 

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Du point de vue civil, l’attribution du patrimoine commun en pleine propriété au conjoint survivant est considérée comme une convention à titre onéreux, non pas comme une libéralité, et n’est dès lors pas sujette à réduction. En clair, cela signifie que les héritiers réservataires ne peuvent pas la contester. L’inconvénient, c’est que cette technique est lourdement taxée. Des droits de succession sont en effet dus sur la moitié du patrimoine commun au décès du premier conjoint, puis sur la totalité du patrimoine restant au décès du second.

Qu’est-ce que la clause Casman?

La clause Casman a été conçue pour corriger le tir. Elle consiste à attribuer la pleine propriété des biens de la communauté (ou un certain pourcentage en plus de la moitié de la communauté) au conjoint survivant, moyennant la charge de payer une somme équivalente à la succession. Concrètement, les héritiers du conjoint prédécédé – souvent ses enfants - obtiennent une créance qui ne devient généralement exigible qu’au décès du conjoint survivant. "C’est un élément qui figurera au passif de la succession de l’époux survivant et sur lequel les enfants ne seront donc pas taxés", explique Grégory Homans, managing partner du cabinet d’avocats fiscalistes Dekeyser & Associés.

"Cette clause est doublement avantageuse puisqu’elle protège le conjoint survivant qui se voit attribuer l’ensemble de la communauté et ne devra pas payer de charge avant son décès", conclut Joséphine de Grand Ry, Estate Planner chez BNPParibas Fortis.

Qualifiée d'abus fiscal en Flandre

L’administration fiscale flamande, Vlabel, qualifie invariablement cette clause d'abus fiscal. "Vlabel  considère que c’est de l’ingénierie patrimoniale ayant pour objectif principal d’éluder l’impôt. Par un décret du 24 décembre 2017, la Flandre a modifié sa législation pour rendre cette clause taxable", recadre Me Grégory Homans.

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Cette clause permet d'attribuer la pleine propriété de la communauté au conjoint survivant moyennant la charge de payer une somme équivalente à la succession.

En juin 2020, la cour d’appel de Gand a toutefois rendu un arrêt considérant la charge comme admissible dans la succession du conjoint survivant… mais cet arrêt ne peut être invoqué que pour les successions ouvertes avant la date d’entrée en vigueur du décret. "Depuis lors, cette technique est donc abandonnée en Flandre", résume l’avocat fiscaliste. Une première imposition intervient donc dans la succession du conjoint prédécédé et une deuxième dans la succession du conjoint survivant.

Ressuscitée en Wallonie

Bien que rien de tel n’ait été décidé en Wallonie ni à Bruxelles, plus personne n’a osé recourir à cette clause compte tenu de la posture sévère adoptée par Vlabel. "Les notaires sont très réticents à l’idée d’inclure une telle clause dans leurs actes. Ces cinq dernières années, je ne l’ai rencontrée qu’une fois", constate Martin Vanden Eynde, expert patrimonial licencié en notariat (successio.be).

Mais une récente évolution pourrait changer la donne. En 2016, alors que le fisc wallon avait refusé de tenir compte de la charge d’une clause Casman, des héritiers avaient contesté et porté l’affaire en justice. Le tribunal de première instance leur a donné gain de cause et un arrêt de la cour d’appel de Mons (22 janvier 2021) a "ressuscité" la clause, confirmant très clairement qu’elle n’était pas constitutive d’un abus fiscal, constate Joséphine de Grand Ry, Estate Planner chez BNPParibas Fortis dans un article publié en ligne.

Des arguments pour que Bruxelles emboîte le pas

La Région bruxelloise ne s’est pas encore prononcée sur la question, mais dispose du même texte que la Région wallonne. Aucun changement législatif n'est intervenu, et ce, contrairement à la Flandre (décret du 24.12.17). "L’arrêt de la cour d’appel de  Mons ne manquera pas d’avoir un impact favorable à Bruxelles", estime Grégory Homans.

Oser la clause Casman?

Les professionnels conseilleraient-ils pour autant à des clients de prévoir une clause Casman? La prudence reste malgré tout de mise.

"La situation paraît plus favorable que défavorable. Au regard de la loi, la technique est valable. L’une des cinq cours d’appel l’a d’ailleurs validée. Si un client n’est pas parfaitement confortable avec cette clause et souhaite  bénéficier d’une sécurité absolue, il est possible de demander un ruling fiscal", suggère Me Homans. 

"Si on utilise cette clause, autant en faire l’une des options de la clause d'attribution optionnelle. Ainsi, le survivant pourra décider de l'utiliser (ou pas) en fonction des circonstances (notamment changement de loi ou de jurisprudence dans l'intervalle)", conseille pour sa part Martin Vanden Eynde.

"La clause Casman est à comparer avec la clause de participation aux acquêts (en régime de séparation des biens) qui, elle aussi, présente des avantages en droits de succession en Région wallonne et bruxelloise", ajoute-t-il.

Pourquoi pas plutôt un testament?

"La clause offre davantage de souplesse", relève Me Grégory Homans.
- Elle permet de contourner en toute légalité la réserve héréditaire d’enfants communs. "En effet, un avantage matrimonial ne peut, sous réserve de certaines exceptions,  être contesté par des enfants", explique l’avocat.
- Elle permet au conjoint survivant de profiter comme il l’entend, sans devoir faire de reddition de comptes. "Rien n’empêche le conjoint survivant de dilapider (consommer ou négliger) les biens ayant fait partie de ce patrimoine, ce qui aurait comme lourde conséquence que les enfants ne recueilleraient rien et seraient ainsi de facto déshérités", confirme Martin Vanden Eynde.

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