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Scénarios d'une succession, avec ou sans complications

20% des successions soulèvent des problèmes et 1% sont conflictuelles. Quels sont les risques? À quel stade surviennent-ils? Et surtout, quelles sont les solutions?

"J’ai appris le décès de mon père des années après sa mort et je n’ai rien reçu de son héritage. Est-ce normal?"

"Les autres héritiers ont vidé la maison et ont pris les meubles et objets qui leur plaisaient sans que je sois au courant… Est-ce normal? Comment réagir?"

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"Ma sœur, qui habite à l’étranger, n’a jamais donné suite à nos courriers ni à ceux du notaire. La succession est bloquée. Que faire?"

"Comment savoir si j’ai été déshéritée et si ma mère avait fait des donations de son vivant?"

Ce sont là quelques exemples de questions que les lecteurs nous envoient. Ils sont nombreux à se demander comment il est possible qu’ils n’aient pas été mis au courant d’un décès, qu’ils aient été évincés d’une succession, victime de manœuvres. Mais surtout, ils cherchent des solutions.

Reprenons le cours normal des choses. Comment se déroule ordinairement une succession? À quelles étapes risquent de surgir des problèmes? Et comment peut-on les résoudre, notamment pour faire valoir ses droits?

"Il est parfaitement possible qu’une seule personne s’occupe de tout gérer pour l’ensemble des héritiers. C’est même assez fréquent. Le processus peut être mené assez loin, même en l’absence d’un ou de plusieurs héritiers. Cela ne prive pas ces derniers de faire valoir leurs droits (ultérieurement)", cadre Boris De Vleeschouwer, cofondateur et directeur juridique de Legacio.

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La déclaration d'hérédité

La première formalité, dans le cadre d’une succession, est de faire établir un certificat d’hérédité.  Ce document, qui détermine quels sont les héritiers et quels sont leurs droits dans la succession, est indispensable pour pouvoir débloquer les comptes en banque du défunt. "Ce certificat peut être demandé par une seule personne", explique Boris De Vleeschouwer. "Il est par contre systématiquement envoyé à chacun des héritiers, même résidant à l’étranger, par voie postale par le Bureau sécurité juridique compétent", précise Martin Vanden Eynde.

La déclaration de succession

Lorsqu’une personne décède, ses héritiers légaux et/ou ses légataires sont tenus de rentrer une déclaration de succession. Ce document, qui comporte notamment des informations relatives à la valeur des biens mobiliers et immobiliers du défunt, ainsi que d’éventuelles donations qui auraient été faites dans les 3 ans qui précèdent le décès, permettra à l’administration fiscale de calculer et de percevoir les droits de succession à payer.

Il se peut que le contact ait été complètement perdu avec des héritiers qui sont brouillés avec le reste de la famille, qui habitent à l’étranger, etc. "Si le dossier est compliqué et traîne, la déclaration de succession, qui doit être rentrée dans les 4 mois qui suivent le décès (en Belgique), sera déposée par l’héritier ou les héritiers présents, sur la base des informations qu’ils ont à leur disposition via les banques et le cadastre, notamment", précise Martine Vanden Eynde.

Les autres héritiers, considérés comme en défaut, seront contactés par l’administration fiscale. "Faute de réponse de leur part, et si la succession est taxable, l'administration établira d'office la taxation", indique le responsable de successio.be. "L'administration décerne une centaine de contraintes par an en matière de succession. C'est le premier acte de poursuite signifié par voie d'huissier aux contribuables en défaut."

"Lorsqu’une succession comporte un bien immobilier, l’administration fiscale envoie en principe un courrier à tous les héritiers pour les informer du décès et de l’obligation de déposer une déclaration de succession. Si un seul héritier a déposé sa propre déclaration de succession et déclaré l’ensemble du patrimoine, l’administration fait le calcul pour les autres héritiers et invite chacun à payer", précise Boris De Vleeschouwer.

Dispense de dépôt de déclaration de succession: dans quels cas?

"Il arrive assez fréquemment que des personnes aient dilapidé ou donné tout leur patrimoine de leur vivant. À leur décès, il ne reste donc en fait plus rien à faire ni à partager", souligne le notaire Renaud Grégoire. Dans ce cas, le receveur peut octroyer une dispense de dépôt de déclaration de succession.

À Bruxelles et en Wallonie, "il est possible de faire une demande de dispense pour autant que la succession ne comporte pas d’immeuble et que la valeur des autres avoirs soit inférieure au montant qui impliquerait le paiement de droits de succession", précise Martin Vanden Eynde.
Lorsqu’un héritier légal/légataire renonce à la succession suivant la procédure prévue (lire l'autre encadré), il n’est plus tenu de déposer une déclaration de succession.
Si aucun héritier ne dépose de déclaration de succession, en cas de dispense, l’administration archivera tout simplement le dossier.
En Flandre, "Vlabel (l'administration fiscale) impose par contre le dépôt d’une déclaration de succession, même pour les successions les plus petites et non taxables", explique Martin Vanden Eynde.

Le partage... ou le choix de rester en indivision

Il ne faut pas confondre une déclaration de succession, qui est un document purement fiscal, et le partage d’une succession qui, lui, peut prendre des mois, voire des années lorsque cela coince!

"Dans la grande majorité des cas, le partage se fait à l’amiable, parfois même avant le dépôt de la déclaration de succession", constate Martin Vanden Eynde. En pratique, les héritiers donnent instruction à la banque pour procéder au partage.

"Il n’est en outre pas obligatoire de procéder au partage. Les héritiers peuvent parfaitement choisir de rester en indivision, si aucun d’eux n’a envie de vendre ou de racheter la part d’un autre dans un bien immobilier par exemple", rappelle Martin Vanden Eynde. La sortie d'indivision peut se faire ultérieurement.

Via un notaire

"Les notaires sont moins fréquemment chargés du partage qu’on ne le pense", ajoute Boris De Vleeschouwer.

Il y a cependant des cas où le passage par un notaire est obligatoire, "pour l'obtention d'un acte d'hérédité à défaut de pouvoir obtenir un certificat d'hérédité, gratuit, au Bureau sécurité juridique", précise Martin Vanden Eynde): lorsque le défunt a laissé un testament, s’il avait un contrat de mariage ou en cas de donations entre époux, si la succession implique un héritier mineur ou sous administration, ou encore si un inventaire est réalisé.

"Dans la grande majorité des cas, le partage se fait à l’amiable, parfois même avant le dépôt de la déclaration de succession!"

Martin Vanden Eynde
Expert patrimonial et licencié en notariat (Successio.be)

Le partage par notaire peut aussi permettre de régler les situations conflictuelles. Il va commencer par procéder à une liquidation partage à l’amiable. Si cela coince, il faudra entamer une procédure de liquidation partage judiciaire.

"Des biens immobiliers ou des comptes en banque ne pourront être liquidés sans l’implication de l’ensemble des héritiers. Si l’un d’entre eux n’a pas pu être retrouvé, les autres peuvent demander au tribunal de reconnaître son absence. Sa part sera dans ce cas consignée à la Caisse des Dépôts et Consignations pour une durée de 30 à 50 ans", détaille Boris De Vleeschouwer.

Le risque qu'un héritier se "serve" avant les autres

Il peut arriver que certains soient tentés de se servir avant les autres, sans les prévenir. Dans ce cas, la situation est compliquée. En cas de suspicion et dans les familles où la situation est (potentiellement) conflictuelle, il est recommandé de demander des mesures conservatoires le plus rapidement possible après le décès.

Le notaire procédera dans ce cas à un inventaire. Chaque héritier devra prêter le serment d’avoir déclaré tout ce dont il a connaissance et d’avoir fait figurer à l’inventaire tous les biens de la succession. "La personne qui violerait son serment pourra être déchue de tous ses droits sur la succession", souligne Boris de Vleeschouwer.

"Une autre mesure conservatoire est la mise sous scellés", ajoute Martin Vanden Eynde. "Il s’agit, avec l’autorisation rapide du juge de paix, d’apposer des bandelettes empêchant l’accès au logement du défunt. De cette manière, on évite que l’immeuble soit dévalisé."

Comment savoir si on a été déshérité?

Savoir si on a été désavantagé du vivant du défunt est plus compliqué à établir. Un enfant qui découvre qu’il ne reste que quelques milliers d’euros sur le compte de son père qui était manifestement bien plus riche est en droit de se poser des questions. Il est possible de reconstituer le patrimoine du défunt, mais jusqu’à un certain point. Pour les biens immobiliers, la consultation des registres de transcription permettra de repérer d’éventuelles mutations. Des donations enregistrées devant notaire peuvent être retracées. Enfin, un inventaire sous serment peut permettre d’identifier pas mal de choses.

10.000 à 50.000
euros
Pour des petites successions, les frais auxquels devra faire face un héritier qui s'estime lésé risquent rapidement d'être supérieurs à ce qu'il peut espérer récupérer.

Par contre, les donations de biens mobiliers sont compliquées, voire impossibles à tracer. "Grâce au certificat d’hérédité, on peut obtenir les extraits de compte des dix dernières années, mais cela occasionnera environ 1.000 euros de frais", prévient Boris de Vleeschouwer.

Il faut en outre être capable d’analyser les données et se faire assister par un professionnel – de préférence un avocat spécialisé – car la plupart des démarches à entreprendre nécessitent des actions judiciaires et tout cela a un coût. "Les personnes les plus susceptibles d’être lésées sont celles impliquées dans des petites successions, de 10.000 à 50.000 euros, car les frais encourus risquent rapidement d’être supérieurs à ce que l’on peut espérer récupérer", conclut-il.

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Liquidation judiciaire

Un héritier réservataire qui s’estime lésé peut en effet lancer une action en réduction et demander l’application de sa réserve jusqu’à 30 ans après le décès.

Il arrive qu’un héritier se manifeste sur le tard, n’ait pas eu connaissance de tous les éléments lors de l’ouverture de la succession, ignore l’existence d’un bien immobilier à l’étranger, découvre un "secret de famille" au détour d’une conversation ou d’une confidence, etc. Si certaines choses reviennent à la surface des mois ou des années après, il  faudra alors repartager, le cas échéant.

Il est possible de reconstituer le patrimoine d'un défunt... jusqu'à un certain point. Mais cela a un coût et il est préférable de se faire assister par un professionnel.

S’il se heurte au refus des autres héritiers, celui qui réclame son dû aura pour seule option de s'adresser au tribunal, qui désignera un notaire chargé de faire les comptes de la succession. "Lors de la procédure de liquidation judiciaire, il est conseillé de se faire aider par un avocat, de préférence spécialisé dans ce type de matière", confirme le notaire Renaud Grégoire. Cette procédure mènera à l’établissement d’un inventaire avec une prestation de serment des héritiers. Si tout n’a pas été déclaré, l’héritier qui s’estime lésé pourra toujours poursuivre les autres pour recel successoral, sanctionné pénalement."

Accepter ou refuser une succession: vous avez le choix!

Les héritiers ne sont pas obligés d’accepter une succession. Ils ont le choix entre 3 options.
1. Accepter la succession. Dans ce cas, le patrimoine du défunt sera incorporé à celui de l’héritier, lequel sera tenu de payer les éventuelles dettes du défunt avec son patrimoine propre.
2. Refuser la succession. Cela nécessite la signature d’un acte de renonciation devant un notaire. L’héritier ne pourra recueillir aucun actif ni objet de la succession, mais est assuré de ne payer aucune dette éventuelle du défunt.
3. Accepter sous bénéfice d’inventaire. C’est le choix le plus sûr. Le notaire réalise (si besoin, car il apparaît parfois que ce n'est pas nécessaire, compte tenu du contenu de la succession, NDLR) un inventaire détaillé de la succession (les biens du défunt et ses éventuelles dettes au jour du décès). Les dettes seront exclusivement payées avec le patrimoine du défunt. Le coût moyen d'un inventaire, selon sa complexité et son ampleur, varie généralement entre 1.000 et 10.000 euros, selon le notaire Renaud Grégoire.

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