Avec des taux d’intérêt historiquement bas, que retient encore celui qui s’est constitué une petite (ou grande) épargne de contracter un emprunt pour investir ses économies dans la brique plutôt que de les laisser croupir sur des comptes d’épargne qui ne rapportent plus rien? Eh bien pas grand-chose…
Voilà ce qui inquiète la Banque nationale de Belgique (BNB): les risques encourus par les investisseurs en immobilier vont grandissant, selon elle. Bien qu’il n’existe aucun cadastre des résidences secondaires en Belgique, la BNB constate dans son rapport sur les comptes nationaux au premier trimestre de 2019 une progression des revenus locatifs. L’enquête du SPF Economie sur les revenus et les conditions de vie (EU-SILC) va également dans ce sens: les revenus locatifs issus des résidences secondaires ont progressé de 3,1% par an entre 2013 et 2018, soit deux fois plus vite qu’entre 2008 et 2012 (+ 1,5%). Et la Banque nationale toujours, dans son dernier rapport de stabilité financière, relève que la part de crédits buy-to-let représentait 12,5% des crédits hypothécaires octroyés en 2017.
Du côté des banques, BNP Paribas Fortis, leader sur le marché du crédit hypothécaire en Belgique observe dans son dernier baromètre une progression de 14% des prêts hypothécaires destinés à l’achat d’une seconde résidence entre 2017 et 2018, contre une hausse de 6% entre 2016 et 2017, dans un but soit de location soit de loisir. Elle indique que 60% des secondes résidences ont pour objectif de dégager des revenus locatifs. La durée moyenne des crédits pour l’achat d’une résidence secondaire est de 198 mois, pour une mensualité moyenne de 624 euros. La quotité empruntée s’élève en général à 71%, indique la banque, et l’âge moyen de l’investisseur est de 44 ans (chiffres de 2018).
"Globalement, c’est un type de crédit qu’on a beaucoup plus vu ces dernières années", appuie Julien Manceaux, économiste chez ING, qui rassure: "Ils font souvent l’objet d’un apport personnel plus important que les autres, et sont donc souvent moins risqués."
La banque Belfius a déjà renforcé ses critères d’octroi concernant les crédits buy-to-let pour la clientèle qui dispose de moins de 37.500 euros d’épargne. "Profitant des taux bas, nous constatons que plus de personnes empruntent pour acheter un bien et le mettre en location. S’ils n’ont pas de matelas de sécurité et s’ils ne savent pas mettre le bien en location ou s’ils perdent leur emploi, ils sont en difficulté. Nous voulons éviter ceci, c’est une question de responsabilité, de rôle sociétal que nous voulons jouer", explique la banque.
"L’effort propre demandé au client est plus important que pour une acquisition classique."
BNP Paribas Fortis a aussi adapté ses critères pour l’octroi de ce type de crédit par rapport à la demande de crédit "traditionnel". Elle ne tient pas compte à 100% des revenus locatifs pour déterminer la capacité d’emprunt du client afin de tenir compte d’éléments comme le vide locatif. "L’effort propre demandé au client est aussi plus important que pour une acquisition classique", explique Valéry Halloy, porte-parole de la banque, qui ajoute: "Nous travaillons en étroite collaboration avec la BNB et nous adaptons régulièrement nos règles de décision et nos outils de suivi en fonction de leurs recommandations. De toute évidence, cela va mener à des conditions d’octroi plus strictes et donc certains projets que nous ne serons plus en mesure de financer… c’est l’objectif poursuivi par la Banque Nationale."
Un investissement plus stable
L’immobilier a vraisemblablement un effet rassurant pour les investisseurs, du moins plus rassurant que la bourse: "Avec l’agitation sur les marchés, la brique donne l’illusion d’être un placement plus stable, plus concret", indique Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin, qui comprend les préoccupations de la BNB. "On soutient l’initiative et elle n’est pas isolée. D’autres mesures ont été prises récemment pour inciter les banques à la prudence dans l’octroi de crédits plus sains et plus durables. Ça ne veut pas dire pour autant que le crédit va s’arrêter pour les investisseurs immobiliers."
Rodolphe de Pierpont s’interroge aussi sur le rôle de la fiscalité: "Est-ce qu’elle ne provoque pas aussi elle-même des distorsions? Je pense qu’elle joue aussi un rôle dans le succès de l’immobilier auprès des investisseurs."