Fabien Pinckaers: "Je continue à me comporter comme si je n'avais pas d'argent"
Fondateur et patron d’Odoo, une société wallonne spécialisée dans le développement de logiciels pour les entreprises/La société compte aujourd’hui plus de 500 employés/Ingénieur civil de formation/A commencé à développer son entreprise dès la fin de ses études/A vécu durant trois ans à San Francisco pour reprendre les rênes de sa filiale locale alors mal en point.
Êtes-vous dépensier?
Fabien Pinckaers : je ne suis vraiment pas matérialiste, sauf pour ce qui me permet de gagner du temps. Je peux dans ce cas débourser beaucoup d’argent là où les gens n’en dépensent habituellement pas. Je ne payerais jamais pour voyager en première classe ou avoir une belle voiture, mais je paye quelqu’un pour s’occuper de mon courrier. Je vais aussi très régulièrement au restaurant pour gagner du temps.
Quels prix vous surprennent en Belgique?
Pour avoir vécu à San Francisco, je trouve que l’éducation, le logement et la santé ne sont vraiment pas chers en Belgique. Là-bas, la scolarité de mes enfants coûtait 2.600 dollars par mois et on payait environ la même chose pour un appartement de 70 mètres carrés. Les taxes sont par contre très élevées chez nous. Mais ça permet de rendre abordable ce que je viens de citer.
"Le temps est plus important que l’argent. C’est un très mauvais objectif de créer une entreprise pour gagner de l’argent. J’ai commencé à toucher un salaire quand on était 120 dans la société. Je vivais en mangeant des pâtes et ça suffisait."
Êtes-vous du genre à comparer?
Absolument pas. Je n’ai ni le temps ni l’envie de prendre le temps. Il est certain que je paye beaucoup trop cher mon abonnement de téléphone, notamment pour les appels à l’étranger, même si la fin du roaming m’a déjà permis de faire de sérieuses économies. J’ai déjà eu des notes de téléphone de plus de 1.000 euros. Je connais d’ailleurs très peu le prix des choses.
Êtes-vous fan des technologies?
Non. J’ai un smartphone et un pc portable. C’est tout. Je change de GSM quand il est cassé et d’ordinateur de temps en temps, quand mon CTO m’y oblige (il rit).
- 60%: "C’est l’objectif de croissance moyen sur les trois prochaines années qu’on atteint déjà depuis quelque temps."
- 100: "Lorsque j’ai lancé la société, je voulais atteindre les 100 employés avant mes trente ans. Je n’y suis pas parvenu car le centième est arrivé quand j’avais déjà 30 ans."
- 3,7 millions: "C’est le nombre de nos utilisateurs dans le monde. Ça fait un moment que je ne l’ai plus réactualisé."
- 2: "C’est le nombre de ‘product owners’ que je dois engager en urgence et que je cherche déjà depuis un moment."
- 3: "Le nombre d’années que j’ai passées à San Francisco avec ma famille. C’était une belle aventure."
Parvenez-vous à trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et privée?
Oui, mais il n’est pas vraiment le même que celui des autres. Comme ma femme travaille également énormément, ça ne pose toutefois pas de problème. Au début, je travaillais sept jours sur sept, environ douze heures par jour. J’ai quand même diminué. En revanche, je pense constamment au travail. Mais ma femme ne m’en veut pas. C’est plus sympa d’avoir des discussions de stratégie que de parler du beau temps.
Vous avez toujours travaillé pour vous. Le statut de salarié ne vous intéresse pas?
Non, même si c’est beaucoup plus difficile d’être indépendant. Souvent, les gens pensent qu’on peut faire ce qu’on veut. C’est l’inverse. Le client est plus exigeant qu’un chef. Il y a aussi la pression de maintenir les salaires et de faire entrer l’argent. C’est donc plus compliqué, mais c’est fun.
Pensez-vous déjà à votre retraite?
Non, d’ailleurs je ne pense pas qu’il y en aura une. Je suis trop passionné pour penser à ma pension, même si j’imagine que physiquement, je devrai m’arrêter à un moment, le plus tard possible. Je changerai peut-être d’avis mais j’ai la chance que ma vie est différente chaque année.
Quel est le luxe ultime de Fabien Pinckaers ?
Avoir le temps de faire ce qu’on veut et ne dépendre de rien. C’est bien plus important que l’argent.
Êtes-vous effrayé par la concurrence?
Non, mais j’ai peur de ne pas avancer assez vite. On a envie de faire de grandes choses, mais on n’a pas beaucoup de temps pour cela. Il faut que ça évolue. La concurrence ce n’est pas important.
Faut-il enseigner le codage à l’école?
Oui, absolument. Ça changerait beaucoup de choses. Nous avons tendance à sous-estimer les capacités d’apprentissage des enfants. Les miens ont cinq et sept ans et ont appris l’anglais en quatre mois. Je ne considère pas qu’ils sont meilleurs que les autres. Je leur apprends déjà à programmer. C’est très utile pour ce qu’on peut en faire, mais aussi pour le raisonnement que cela amène. Je ne comprends pas pourquoi on ne l’apprend pas. L’éducation évolue trop lentement. Les enfants sont demandeurs de plus, mais l’école limite la créativité.
Avec le temps, votre relation à l’argent a-t-elle évolué?
Non pas du tout. J’ai évolué d’une situation où j’étais quasiment tout le temps au bord de la faillite à une situation très confortable. Mais mon rapport à l’argent n’a pas du tout changé. Je continue à me comporter comme si je n’avais pas d’argent et d’ailleurs, c’est souvent le cas. Je suis souvent proche de zéro sur mon compte en banque et je dois demander à la boîte de me faire un prêt.
Les plus lus
- 1 Marine Le Pen condamnée à cinq ans d'inéligibilité pour détournement de fonds publics
- 2 Des entreprises belges sommées par l'administration Trump d’en finir avec la diversité
- 3 Ilham Kadri, la CEO de Syensqo, a perçu plus de 25 millions d’euros de bonus en deux ans
- 4 Pas de réforme du chômage sans taxe sur les plus-values, exige Vooruit
- 5 Réforme du chômage: "Vous imaginez, si le monde de la culture faisait tomber l'Arizona?"