Quel que soit le lieu, le sujet est déjà complexe: même si on réclame son dû, l’Etat rembourse rarement sans se faire prier. Selon la région, ajoutez-y une couche de complexité.
Bernadette Bouckaert (ImmotaxConsulting) s’échine depuis près de 20 ans à gagner sa vie en réduisant la part imposée de ses clients-propriétaires immobiliers professionnels dont le bien coûte parfois des millions d’euros par an même s’il ne rapporte rien. Parmi ses clients, on trouve notamment Cofinimmo, Besix RED, Matexi et bien d’autres. Et son constat – motivé par ceux-ci – est à géométrie régionale très variable.
"Dans la capitale, le sujet n’est même plus d’actualité puisque la Région bruxelloise a carrément mis fin, début 2017, à toute possibilité de remboursement en l’espèce", se borne à constater la spécialiste dont le quotidien consiste à frapper à la porte des administrations pour faire valoir les droits de ceux qu’elle défend. Celle-ci planche actuellement sur la possibilité pour les propriétaires de bureaux reconvertis en logements de bénéficier de réductions fiscales autorisées par la loi.
La floche Wallonne
En Wallonie, il y a d’abord les règles, qui exigent que l’on s’accroche: "On peut faire valoir le vide locatif dès le mois qui suit sa survenance – et avec une rétroactivité de 5 ans maximum – pour autant que ce vide soit effectif 180 jours au moins pour l’année concernée", calcule-t-elle. Puis il y a la plomberie, dénuée de toute logique d'efficacité: par exemple, le Brabant wallon est dorénavant géré administrativement depuis Charleroi. Si votre immeuble se trouve à Ottignies, l’administration de tutelle carolo doit demander au Cadastre d’Ottignies le calcul du revenu cadastral sur les parcelles mentionnées vides. Lui-même, en fonction du montant, doit faire valider ensuite ses calculs par un service situé à Bruxelles. "C’est à y perdre son latin, et surtout son temps, vu la procession à suivre. Et ne parlons pas des intérêts qui, eux, sont calculés par Liège… des mois plus tard!" explique Bernadette Bouckaert, qui déplore cette "plomberie" wallonne, dont le montage incompréhensible prolonge les délais de rigueur: d’expérience, une réclamation met en moyenne 18 mois, "si on harcèle un peu. Car si on attend sagement, ça met des années...". Et pour les intérêts moratoires, c’est aussi à géométrie variable : "A la tête du client ou selon l’humeur du gestionnaire", soupire-t-elle.
Et inutile de réclamer, sinon la formule lapidaire fuse: "On manque de personnel." Bonne joueuse, l’intéressée ponctue: "Le personnel en place fait ce qu’il peut. Il est juste dépendant des méandres d’un système administratif kafkaïen. On aurait voulu faire compliqué qu’on n’aurait pas mieux fait. Sauf à passer par Arlon…".
"Ce que Madame Bouckaert vit au nom de ses clients est édifiant et elle ne force même pas le trait!" renchérit Sidney D. Bens, le CFO de la société de développement immobilier Atenor. "Nous en avons fait les frais pour un immeuble que nous possédons en Brabant wallon: entre le jour de la réclamation et le remboursement final, nous avons attendu 27 mois. Longuet, non? La question doit être posée: est-ce normal dans un Etat de droit?"
"Pour la Flandre, au contraire, rien à redire. Si ce n’est une efficacité sans nom et une générosité évidente. En effet, on peut reclamer tous les ans l’improductivité de l’année antérieure – pour peu qu’elle soit d’au moins 90 jours", enchaîne l’experte.
Si le Cadastre doit être consulté, comptez des délais pouvant atteindre jusqu’à 9 mois. Si la demande concerne un immeuble entier et donc que le précompte est plus simple à déterminer, le délai est réduit à 30 jours. "Après le prononcé du dégrèvement, on est remboursé dans les 15 jours, en ce compris le paiement des intérêts moratoires éventuels. Ils ont tout compris au nord du pays, car plus le remboursement est tardif, plus il revient cher pour les caisses régionales au final."