Le gouvernement wallon a décidé de mettre fin au régime spécifique favorable qui s’appliquait à la vente de la résidence principale du vendeur en viager, pour tous les actes authentiques passés devant notaire à partir du 1er janvier 2020. "Une nécessité au regard de la réalité du dispositif prévu à l’époque, sujet à abus et de plus en plus souvent détourné de l’intention du législateur (multiplication des fonds financiers d’investissement dans le viager)", a expliqué le ministre wallon des Finances, Jean-Luc Crucke (MR), par voie de communiqué.
Quel était le régime fiscal favorable?
Les ventes en viager conclues à partir du 1er janvier 2020 ne pourront donc plus bénéficier des mesures favorables en vigueur depuis le 1er janvier 2018, qui prévoyaient:
→ un taux réduit de droits d’enregistrement de 6%, au lieu du taux normal de 12,5%, visant à promouvoir ce mécanisme.
Les ventes devaient obligatoirement se faire par acte authentique pour garantir une sécurité maximale sur le calcul de la rente.
→ une base imposable réduite pour les seuls viagers occupés (lorsque le vendeur reste habiter dans le bien vendu).
"Dans le cas d’une vente en viager de la nue-propriété moyennant réserve d’usufruit, la valeur minimale à prendre en compte pour le calcul des droits d’enregistrement n’est plus la valeur vénale de la pleine propriété, mais un pourcentage de celle-ci (à savoir 40% si la rente est stipulée pour une durée supérieure à 20 ans, 50% si la rente est stipulée pour une durée inférieure ou égale à 20 ans", lit-on sur le site notaire.be.
Ce dispositif avait un double objectif: permettre à l’acheteur d’acquérir un bien sans devoir fournir un apport préalable important et assurer aux aînés la possibilité de rester habiter dans leur résidence principale (à condition de l’avoir occupée auparavant depuis au moins 5 ans).
Mais dans un rapport sur la modernisation des droits d’enregistrement et de succession, le Conseil de la Fiscalité et des Finances de Wallonie a jugé ce dispositif "incomplet et laconique", au motif que "des questions se posent notamment quant à la détermination de la base imposable lorsqu’elle se compose à la fois d’un bouquet et d’une rente".
Selon la Région wallonne, cet outil, qui a été détourné de l’intention du législateur au service de la planification fiscale, comporte en outre des risques d’abus potentiel. "Il est facile d’imaginer qu’on pouvait assez aisément détourner le dispositif, confirme le notaire Renaud Grégoire. Il suffisait de présenter la vente comme un viager avec réserve d’usufruit pour profiter du taux de 6%, puis de détricoter le mécanisme."
Voilà qui justifie le rétropédalage. Et le sacrifice paraît d’autant moins douloureux que le viager concerne quand même un public très confidentiel. "Seule une petite frange de la population est en mesure de financer un tel projet, temporise le notaire.
Car à la différence d’un investissement immobilier classique où c’est le locataire qui rembourse le prêt, ici, l’acheteur doit sortir le montant du bouquet (plusieurs dizaines de milliers d’euros) et rembourser son crédit sans obtenir la clé du bien qu’il a acheté (s’il s’agit comme dans la quasi-totalité des cas d’un viager occupé). Même avec des droits d’enregistrement réduits, cela ne constitue pas une solution pour la plupart des gens."
Disposition transitoire
Des dispositions ont toutefois été prises pour ne pas pénaliser les personnes qui sont déjà engagées dans une vente, c’est-à-dire celles qui ont signé un compromis de vente. À ce stade, il ne leur est en effet plus possible de faire machine arrière et d’annuler la vente pour cause de changement de régime fiscal, ni d’adapter leur emprunt bancaire pour intégrer le financement du coût de la hausse de la fiscalité.
Or, "sur un bien de 200.000 euros, la différence de droits dus peut atteindre de 4.800 euros à 25.000 euros dès la disparition du régime favorable", explique le cabinet du ministre Jean-Luc Crucke dans un communiqué.
Pour éviter tout risque financier et garantir la sécurité juridique des personnes concernées, le gouvernement wallon a décidé qu’elles pourront encore bénéficier des dispositions favorables, à condition que le compromis de vente ait été enregistré avant le 20 décembre (inclus).
Cela confère une date certaine aux actes sous seing privé et l’administration a ainsi la garantie qu’aucune technique d’abus ne peut être utilisée (comme une antidate, par exemple).