Certaines communes de la Région bruxelloise ont décidé d’opérer cette année un tax shift en abaissant le taux des additionnels communaux à l’impôt des personnes physiques (IPP). Une bonne nouvelle pour le portefeuille de certains Bruxellois? Pas forcément. Car certaines de ces communes compensent ce manque à gagner par une hausse des additionnels communaux au précompte immobilier. Cette tendance de fond, observée depuis plusieurs années, permet en fait aux communes d’obtenir des recettes supplémentaires, puisqu’elles n’abaissent pas d’autant le taux des additionnels communaux à l’IPP qu’elles augmentent celui s’appliquant au précompte immobilier. Un cadeau plutôt empoisonné donc pour les propriétaires, qui devront finalement desserrer le cordon de la bourse.
Que vous résidiez dans l’une de ces communes ou dans une autre, la taxe communale ne sera de toute façon pas identique. À quoi sert cet impôt? Comment est fixé son taux? Quel est son impact sur vos finances personnelles? Décortiquons.
1. C’est quoi les additionnels communaux?
Pour couvrir ses dépenses générales, votre commune prélève un impôt appelé "additionnels communaux". Son taux varie d’une commune à l’autre et peut être plus ou moins élevé, voire nul en certains endroits. Les additionnels communaux sont un impôt supplémentaire à l’impôt fédéral et régional. Ils sont calculés sous forme de pourcentage de l’impôt des personnes physiques (IPP) et sont perçus en même temps que l’IPP. "Les communes ont le pouvoir de fixer elles-mêmes le taux de cet impôt. Il n’existe pas de plafond officiel, même si les communes s’en fixent un elles-mêmes", explique Nicolas de Limbourg, associé chez PwC.
Le taux des additionnels communaux variait en 2019 de 9% à Messines, commune qui applique le taux le plus élevé, à 0% dans trois villes côtières connues pour leur taux d’imposition très favorable à l’égard de leurs résidents, à savoir Knokke, Coxyde et La Panne.
"Les communes ont le pouvoir de fixer elles-mêmes le taux des additionnels communaux."
2. Quel est l’impact sur l’IPP?
Nous avons tenté la comparaison pour un même ménage habitant respectivement dans une commune de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles. Isabelle et François sont mariés, sans enfant, et disposent d’un seul revenu imposable de 50.000 euros.
À Charleroi, où le taux des additionnels communaux s’élève à 8,5%, le couple, dont l’impôt des personnes physiques (fédéral et régional) s’élève à 11.503 euros, paiera 978 euros de taxes communales (8,5% de 11.503). Soit au total 12.481 euros.
Si Isabelle et François décident de s’installer à Uccle, ils paieront 652 euros de taxes communales en plus de 11.445 euros d’IPP (fédéral et région), puisque le taux des additionnels communaux s’élève à 5,7% dans cette commune de la Région bruxelloise. Soit 12.097 euros de taxes au total.
Le couple, qui a senti le bon filon, souhaite finalement résider à Knokke, où la taxe communale est nulle (0%). Ils n’auront donc à payer que l’IPP (fédéral et régional), qui s’élève à 11.503 euros.
C’est par conséquent à Knokke que le couple a intérêt à s’installer s’il souhaite payer le moins possible de taxes communales. Il déboursera près de 1.000 euros par an de moins que s’il habite à Charleroi.
3. Quel est l’impact sur le précompte immobilier?
Si vous êtes propriétaire, une partie de votre précompte immobilier – qui est calculé sur le revenu cadastral indexé – revient à la Région, une autre à la Province, une dernière enfin, et non des moindres, à votre commune. C’est elle qui s’attribue la part du lion. "Les communes fixent elles-mêmes leur pourcentage dans le taux de précompte immobilier", explique Nicolas de Limbourg, qui indique qu’il est possible de consulter les pourcentages que chaque niveau de pouvoir prélève dans son avertissement-extrait de rôle. "Il existe de grosses différences entre les communes, pouvant aller du simple au double dans une même province", pointe le spécialiste en fiscalité.
Nous avons comparé le montant du précompte immobilier (PRI) sur la base d’un revenu cadastral identique pour Isabelle et François si le ménage choisit d’être propriétaire à Knokke, Charleroi ou Uccle.
Les centimes additionnels communaux s’élevant à 2.825 à Charleroi, avec un revenu cadastral de 1.000 euros (1.823 euros indexés), Isabelle et François paieront 1.098 euros de précompte immobilier, en tenant compte de la part prélevée par la Région wallonne, des centimes provinciaux et communaux. S’ils étaient propriétaire à Uccle, où les centimes additionnels sont fixés à 2.940, leur précompte immobilier s’élèverait à 918 euros, puisque les centimes provinciaux y sont moins élevés qu’à Charleroi. En optant pour Knokke, où les centimes communaux sont établis à 1.196, le couple s’acquitterait de 1.073 euros de PRI, puisque la Région flamande prélève un plus gros impôt sur le précompte immobilier (3,97%) que les deux autres Régions (1,25% en Régions wallonne et bruxelloise).
En conclusion, s’il est moins taxé à l’impôt des personnes physiques à Knokke, le couple y paiera en revanche un PRI plus élevé sur la base du même RC que dans les deux autres communes. La différence cette fois se chiffre à une bonne centaine d’euros. Mais attention, le revenu cadastral est très rarement identique pour un même bien d’une commune à l’autre, voire au sein d’une même commune. Et c’est forcément son montant, sur lequel est calculé le PRI, qui impacte le plus la facture finale.
4. S’exiler dans un "paradis fiscal communal" à la pension?
Au moment de prendre votre pension et de toucher votre assurance groupe, avez-vous intérêt à résider dans une commune qui prélève peu ou pas d’impôt? Comparons.
Pour un même capital pension de 100.000 euros (après prélèvements sociaux), les additionnels communaux prélevés varient en fonction du taux fixé par la commune. En résidant à Charleroi, où le taux est fixé à 8,5%, 850 euros seront prélevés. À Uccle (taux de 5,7%), le montant s’élèvera à 567 euros – et non pas 570 euros puisque la Région Bruxelloise a décidé de réduire les additionnels régionaux de 0,5%, contrairement aux deux autres Régions. À Knokke, rien ne sera prélevé puisque le taux est de 0%.
"Beaucoup de personnes qui touchent leur capital pension sont surprises lorsqu’elles reçoivent leur avertissement-extrait de rôle, car une partie de l’additionnel communal n’est pas couverte par le précompte professionnel retenu au moment de la liquidation. Un petit taux est donc pris en considération au moment où l’on touche le capital pension, qui est ensuite recalculé sur base réelle", explique Nicolas de Limbourg, qui indique que si l’on souhaite déménager à Knokke ou La Panne pour bénéficier d’un taux nul, il faudra y être inscrit au registre de la population et y résider effectivement.
Techniquement, il faut résider dans la commune au 1er janvier de l’année de l’exercice d’imposition. Pour les revenus de 2019 par exemple, il faut être résidant de Knokke au 1er janvier 2020. Mais l’exercice d’imposition se référant toujours à l’année des revenus, il vaut mieux déménager avant pour prouver qu’on y résidait déjà en 2019.
La taxe communale s’applique
La Belgique conclut de plus en plus souvent des conventions fiscales, notamment avec nos pays limitrophes (Allemagne, Pays-Bas, France) prévoyant que les revenus professionnels étrangersexonérés d’impôt fédéral et régional n’échappent plus systématiquement à l’impôt communal.
Si dans l’exemple d’Isabelle et François habitant à Uccle, le revenu de 50.000 euros était de source néerlandaise et imposable aux Pays-Bas, cela signifie qu’ils devraient néanmoins payer les 652 euros d’additionnels communaux, bien que ce revenu soit exonéré des impôts fédéraux et régionaux belges.
"La Belgique intègre cela dans son réseau de convention fiscale depuis une vingtaine d’années. Ce système s’étend de plus en plus aux autres pays, mais toujours pas au Luxembourg, pour lequel la convention prévoit une compensation spéciale entre les deux États", indique le spécialiste de PwC.